Montpellier : les enseignants appellent à boycotter les “évaluations nationales standardisées”
Le personnel de l’Éducation Nationale était en grève, ce mardi 10 septembre, à l’appel de Sud Éducation, la CGT et le SNUipp-FSU, pour s’opposer à la généralisation d’évaluations imposées par l’État, qui s’inscrit dans la réforme du “choc des savoirs” contre laquelle ils avaient manifesté au printemps dernier. Ils dénoncent “une école du tri social”
Une semaine après la rentrée, voilà que l’Éducation Nationale se met en grève, à l’appel de trois organisations syndicales (Sud éducation, la CGT éduc’action et le SNUipp-FSU). Devant le rectorat de Montpellier, l’exaspération est palpable chez la trentaine d’enseignants présents en ce mardi 10 septembre. En cause : la généralisation des “évaluations nationales standardisées” à tous les niveaux du premier degré (du CP au CM2) en français et en maths. On les retrouve également en 6e, en 4e, en seconde, ainsi qu’en première année de CAP. Elles sont censées se dérouler cette semaine, mais certains professeurs ont décidé de les boycotter.
Anne Peytavin, enseignante dans le premier degré et co-secrétaire départementale du FSU-SNUIPP en fait partie : “Ces évaluations ne sont pas récentes, on s’était déjà mobilisés sur cette question. Mais leur généralisation s’inscrit dans la réforme du choc des savoirs, donc dans une logique de tri social des élèves. En CM2, elles préparent les groupes de niveaux au collèges contre lesquels ont était descendu dans la rue au printemps.”
Ces évaluations, sous formes de questionnaires à choix multiples, sont selon l’enseignante “une conception restrictive et archaïques du savoir, et ne pas représentatives du travail que l’on fait en classe. Cela va l’encontre de la liberté pédagogique car elles ne prennent pas en compte le projet pédagogique que je conduis avec ma classe, et le message que cela renvoie, c’est que je ne sais pas évaluer mes élèves.” Un autre enseignant, en collège, rebondit : “Ces évaluations ne servent à rien pour nous, quand on évalue, on est là pour expliquer où les élèves font des erreurs afin qu’ils s’améliorent, là, ce n’est pas le cas. Surtout que ça ne tient compte que du français et des maths, alors que les élèves peuvent être bons ailleurs que dans ces matières.”
S’ajoutent à cela des formulaires individuels à remplir pour les enseignants afin de noter leurs élèves. “Quand je reçois le mail du ministère, il part direct à la corbeille”, affirme Mathieu, enseignant en lycée professionnel et syndiqué à la CGT. “Puis ça ne veut rien dire comme notation. Dans mon établissement, l’évaluation s’effectue sur un PC, je vois juste mes élèves appuyer sur un bouton pour passer les questions le plus vite possible afin d’aller plus vite en récréation. Normalement, les consignes sont données par une voix, mais on n’a même pas assez d’écouteurs pour tout le monde…”
Les profs dénoncent également le fait que ces évaluations seraient stressantes pour eux, les élèves et les familles. “Il n’y a plus d’individu, cela transforme l’humain en chiffre, en statistiques”, déplore Christine, qui enseigne les lettres au lycée Joffre. Statistiques, qui selon les syndicats grévistes, servent “d’outil de management” : “Cela permet de mettre les écoles en concurrence”, peste Anne Peytavin. “Les profs sont aussi notés, de fait. C’est une façon d’évaluer les établissement. A terme, on a peur de se faire couper des budgets pour des projets en cas de mauvais résultats.”
Christine abonde : “On a une institution qui crée l’échec scolaire. Il y a dix ans, j’avais six heures pour faire un bout du programme, maintenant j’en ai plus que quatre avec des classes à trente-six élèves. Et quand on se rend compte que ça fonctionne pas, le ministère accuse les profs au lieu de nous donner plus de moyens.”
Plus de moyens, c’est justement ce que les syndicats revendiquent, en plus du boycott de ces évaluations, “dur à faire appliquer par peur de la hiérarchie”, selon les grévistes. “On n’a pas besoin de ces évaluations, mais de hausses de salaires, de plus de moyens humains !”, scande Anne Peytavin.
A noter que Nicole Belloubet, ministre démissionnaire de l’éducation, annonçait avant la rentrée “qu’il y aurait un prof dans chaque classe”. Pourtant 3 000 postes n’ont pas trouvé preneur après les concours, et une enquête réalisée par le syndicat SNES-FSU publiée le 6 septembre indique que 56% des collèges et lycées français manqueraient d’au moins un prof. Bref, une bonne raison pour les syndicats d’enseignants de mener “la lutte des classes.”
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