Montpellier : marche pour le climat ou pour un candidat aux municipales ?

Le Poing Publié le 29 septembre 2019 à 20:55 (mis à jour le 29 septembre 2019 à 20:59)
Deux-milles-cinq-cents manifestants ont vaillamment réparé la défection du week-end dernier (la marche pour le climat avait été reporté à cause du climat…) Une prise de parole, percutante, par un gilet jaune contre la répression policière, a révélé des ambiguïtés parmi les organisateurs…

Ancien député vert de l’Hérault, ancien adjoint au maire de Montpellier, Jean-Louis Roumégas vient de passer son après-midi de ce dimanche 29 septembre à rôder autour des rangs de têtes de la marche pour le climat. Il est aujourd’hui candidat à la primaire qui doit désigner la tête de liste écologiste aux prochaines élections municipales dans la capitale du Languedoc. Comme élu, on ne se refait pas. On serre des mains. Et des mains. Et encore des mains. D’où ce gag, lorsque le journaliste du Poing, rédacteur de ces lignes, s’est montré réticent devant l’exercice ; cela non par dogmatisme politique, mais simplement parce qu’il n’a jamais eu le moindre contact personnel avec ce monsieur Roumégas. Et donc aucune raison pour sombrer dans ce genre de familiarité.

Jean-Louis Roumégas
On ne s’attardera pas sur cette anecdote dérisoire. Mais il faudra revenir ci-dessous sur les menées du personnage. Avant quoi, faisons place à la belle énergie militante qui s’est emparée des rues de Montpellier, pour cette session de rattrapage de la marche pour le climat. On y aura sans doute perdu une bonne moitié de manifestants, dilués dans la perte d’impact médiatique national. Mais il en est resté environ deux-mille-cinq-cents pour s’agréger, dans une mosaïque de sensibilités environnementales extrêmement diverses. Cela va des entités globalement structurées (Alternatiba, Greenpeace, Oxfam France, EELV les Verts, etc), à des activistes plus spécifiques (la dénonciation animaliste de L214, l’antispécisme de 269 Life France recoupant une mouvance anarchiste très politisée, les « nous sommes tous des décrocheurs », Extinction-Rébellion, etc), lutteurs du terrain montpelliérain (Oxylane, parc Montcalm, Malbosc), sans négliger les obstinés recycleurs de mégots.

Au-delà de quoi, une effervescence, à la fois grave et joyeuse, déborde ces étiquettes. C’est pertinemment celle des jeunes, dont trois à quatre cents sont propulsés en tête de cortège par les organisateurs de la marche, dès le départ du Peyrou. C’est tendance. Ils ont la niaque. Croient encore en la pertinence d’inventer leurs slogans, fabriquer à la main leurs panneaux. Dans cette veine, on aura préféré un efficace et troublant « Phoque le système », au marqueur sur la peau dénudée d’un magnifique buste queer (il fait une chaleur de plein été).

La fébrilité se redouble d’un groupe non négligeable de gilets jaunes, et autres autonomes, squatteurs de centres sociaux autogérés, etc, qui s’y mêlent. Et s’en mêlent, bien décidés à ne pas laisser l’écologie s’enliser dans la niaiserie consensuelle. Si les organisateurs la jouent façon concert : « Montpellier ! Montpellier ! », le pack concurrent engage « Montpeul, Montpeul, soulève-toi ! » Ça transpire plus ou moins de l’un à l’autre, et l’hybridation fonctionne, comme quoi « du gaz à effet de serre, du gaz lacrymogène, de cette société-là, on n’en veut pas ». Pour nombre de ces jeunes primo-manifestants il semble tomber sous le sens que « police partout, justice nulle part », mais quand même pas que « tout le monde déteste la police », qui fait flop. Et le « pas d’écologie avec la bourgeoisie » semble planer loin dans les abstractions de la conscience politique.

Bref, c’est un concours de slogans, contre-slogans, et tentatives de prendre la tête de cortège, et la reprendre. Chauffe l’ambiance, ça s’époumone, au quasi pas de course : huit minutes montre en main pour débouler du Peyrou sur la Comédie. On se convainc que cette jeunesse montre une énergie impliquée qu’il serait hâtif de qualifier de révolutionnaire, mais quand même de très déterminée, dont il serait trop dommage de se passer.

À grands coups d’efficace mégaphone, les organisateurs ne se font pas prier pour en jouer. Et il convient de s’intéresser à ces personnages. Sur t-shirts floqués, ils s’annoncent comme « Citoyen.nes pour le climat – Montpellier », quoi de plus ouvert ? Ils se présentent comme pure conjonction de « bonnes volontés », parfaitement « horizontaux », et « sans administration structurée » quand on s’en enquiert.

Puis on constate immédiatement qu’ils ne sont pas tombés de la dernière pluie dans le savoir-encadrer une manifestation. Cela jusqu’aux pitoyables réflexes du genre, quand l’un d’eux prétend interdire à un photographe du Poing de prendre un cliché ne correspondant pas à l’image « officielle » supposée du rassemblement. En voilà un de déjà désigné pour intégrer le cabinet communication-manipulation des médias, d’un futur maire de Montpellier qui s’appellerait, pourquoi pas, Jean-Louis Roumégas ?

Car nous aurons surpris ce dernier, un peu planqué en arrière, faisant de grands gestes à l’un des gentils organisateurs simples « citoyens pour le climat », pour lui ordonner de couper la parole à l’un des orateurs en train de s’exprimer au final sur le parvis de l’hôtel de ville. Et le gentil « citoyen » supposé horizontal, exécutant zélé du zélu putatif, de se rapprocher aussitôt de l’allocuteur, en le toisant.

Qui était ce dernier, quoique dûment autorisé à s’exprimer ? Un gilet jaune, dont le discours consistait à alerter l’assistance sur l’urgence à lutter « contre la destruction en cours des libertés publiques », le fait qu’il « n’y aura plus un geste, plus une rue, plus un recoin de nos existences qui échapperont à la surveillance, à la punition de l’État ». Et alerter encore sur la nécessité d’allier les habitants des quartiers populaires, historiquement et quotidiennement en butte à cette violence d’État, dont « nous ne devons jamais oublier l’origine coloniale et post-coloniale ».

Jean-Louis Roumégas, l’ancien député, l’éventuel maire, doit dire ce qu’il ne supporte pas d’écouter un discours de ce type, au point de se poser soudain en directeur de manifestation pour le climat – alors qu’il s’agirait de croire qu’elle n’est le fait que de simples citoyens auto-organisés. En fait on le sait trop bien. Et on lui signale qu’au même moment, au premier étage des coursives latérales de la mairie, les forces de l’ordre casquées, soudain intéressées par la teneur des propos, étaient en train de s’agiter. Comme lui. Ce goût tenace de l’ordre établi…

La semaine dernière, les marcheurs pour le climat avaient fait sourire à leurs dépens, en renonçant devant les risques de pluie, dans cette région écrasée de canicule et de sécheresse. Ils auront laissé aux seuls gilets jaunes le courage de braver les ondées comme les cascades de lacrymo – à un niveau de provocation policière rarement égalé. Huit jours plus tard, toujours glorieusement, ils auront choisi de sortir un dimanche plutôt que risquer de se mêler à un samedi peuplé et combattant. Tout cela est noté. Mais sans doute y aura-t-il de plus en plus de jeunes pour embrayer sur « anti, anti, anticapitaliste ! »

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