Montpellier. Un gilet jaune condamné à neuf mois de prison ferme aménageable

Le Poing Publié le 30 janvier 2019 à 15:02 (mis à jour le 26 février 2019 à 15:08)
Après 36 heures de garde à vue – sans compter le temps passé dans les geôles du tribunal –, quatre personnes interpellées le samedi 26 janvier à Montpellier pendant l’acte XI des gilets jaunes ont été présentées le lundi 28 janvier devant un juge du tribunal de grande instance de Montpellier sous le régime de la comparution immédiate. Plusieurs gilets jaunes se sont rassemblés devant l’entrée du tribunal pour les soutenir. Le Poing fait le point :

1) Le premier prévenu est accusé de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences » et de « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ». C’est un paysagiste en CDI gagnant un peu plus de 1500€ par mois, avec une seule mention au casier judiciaire, pour des faits anciens et mineurs. Il déclare avoir pris part au mouvement des gilets jaunes pour la première fois lors de l’acte XI. Il affirme s’être retrouvé en première ligne du cortège par hasard alors qu’il était occupé à flâner en ville. Il explique avoir été frôlé de près par deux tirs policiers de LBD40, raison pour laquelle il s’est énervé et a jeté deux bouteilles en verre en direction de policiers situés dans la rue de la Loge, avant d’être interpellé dans la foulée. Un policier aurait été légèrement blessé pendant cet épisode de la manifestation, et sept policiers se sont constitué parties civiles. Interpellé avec un masque et des lunettes, il affirme s’être fait donner ce matériel par un gilet jaune pendant la manifestation. Le procureur requiert huit mois de prison avec sursis avec une mise à l’épreuve de deux ans l’obligeant à se soigner et à trouver un travail ou une formation. Il est condamné à six mois de prison avec sursis, plus la mise à l’épreuve réclamée par le procureur, plus 200€ d’amende à verser à chacun des six policiers indemnes, plus 300€ pour le policier qui affirme avoir été blessé, plus 100€ pour chacun des sept policiers pour les frais d’avocats, soit 2200€ d’amende au total.

2) Le second prévenu est accusé de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences ». C’est un quarantenaire cévenol père de famille travaillant comme pilote-technicien de robots sous-marins pour un salaire mensuel de plus de 5000€. Son casier est vierge. Interpellé vers 17h devant la préfecture, des agents du centre de supervision urbain l’auraient identifié, via des caméras de vidéosurveillance, en train de déplacer des pierres depuis les grilles de la préfecture jusqu’aux abords de la fontaine. Le procès-verbal de l’audition menée avec un officier de police judiciaire lors de sa garde à vue mentionne deux phrases attribuées au prévenu : « Je ne voulais pas que les manifestants lancent des pierres sur les gendarmes » et « J’en ai donné une à quelqu’un qui l’a lancée ». Pendant l’audience, l’accusé conteste avoir prononcé la seconde phrase. Le procureur requiert cinq mois de prison avec sursis. La plaidoirie de l’avocat du prévenu se fonde sur la partie du procès-verbal de visionnage des images de vidéosurveillance non mentionnée par le procureur, selon laquelle le prévenu s’est assis sur un plot en béton à deux mètres du cordon des gendarmes, « preuve que ses intentions ne sont pas belliqueuses ». Il est condamné à trois mois de prison avec sursis plus 500€ d’amende.

3) Le troisième prévenu est accusé de « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Il affirme s’être posté entre le Mc Donalds et le cinéma Gaumont pour filmer le face-à-face entre les policiers et les manifestants sur la place de la Comédie. Il explique avoir reçu, alors qu’il n’y avait personne autour de lui, un palet d’une grenade lacrymogène, qu’il a renvoyé d’un coup de pied. Il a été dans la foulée plaqué au sol de dos par des CRS et matraqué. Deux policiers déclarent l’avoir vu lancer des pierres. « Ils ont dû confondre, c’est ce que je me tue à leur dire depuis samedi ! » s’exclame le jeune homme. Le procureur requiert quatre mois de prison avec sursis plus 1000€ de dommages et intérêts pour les deux policiers. Il est relaxé au bénéfice du doute.

4) Le quatrième prévenu est accusé de « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », de « dégradation de bien d’utilité publique avec dissimulation du visage » – en l’espèce un container incendié devant la préfecture –, et de « dégradation en réunion d’un bien appartenant au ministère de l’Intérieur » – en l’espèce la porte arrière du commissariat de la Comédie. Il aurait été repéré par des caméras de vidéosurveillance, et des messages Messenger retrouvés sur son portable auraient contribué à l’incriminer. Son casier judiciaire porte quatre mentions, notamment pour outrage et rébellion. Il ne reconnaît pas l’attaque du commissariat mais avoue le reste. Le procureur requiert neuf mois de prison ferme avec mandat de dépôt, après s’être félicité de « tenir enfin un Black Bloc ». Au grand soulagement de sa compagne enceinte et de sa mère, il a été condamné à neuf mois de prison ferme mais sans mandat de dépôt, c’est-à-dire neuf mois aménageables (bracelet, semi-liberté…), avec en complément une interdiction de se rendre à Montpellier pendant un an.

Par ailleurs, deux personnes placées sous contrôle judiciaire lors d’une audience antérieure ont été présentées au juge pour des faits réputés avoir été commis au cours du mouvement lycéen de décembre 2018 :

– Le premier est accusé de « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Interpellé à Lodève pendant une manifestation lycéenne, il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis.

– Le second est accusé de « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Muni d’un masque, il se serait saisi d’une pierre, aurait armé son bras en direction de policiers, avant de renoncer à la lancer. Il a été condamné à un mois avec sursis.

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