Montpellier : une amende pour diffamation requise contre José-Luis Moraguès de BDS

Elian Barascud Publié le 22 mai 2025 à 20:41 (mis à jour le 22 mai 2025 à 20:59)
Image d'illustration du tribunal d'instance de Montpellier/ "Le Poing"

Après moult renvois, le militant de la cause palestinienne était jugé ce jeudi 22 mai pour diffamation envers le sénateur PS Hussein Bourgi, la présidente de la Région Occitanie Carole Delga et le président du Département Kléber Mesquida pour une pancarte où leurs têtes, ainsi que celles d’autres élus, étaient affichées avec la mention “Israël et ses complices”. Le délibéré sera rendu le 3 juillet

C’est qu’il y en aura eu, des rassemblements de soutiens à José-Luis Moraguès, fondateur de l’antenne Montpelliéraine de BDS (Boycott désinvestissement sanctions, un mouvement non-violent de soutien au peuple palestinien), devant le tribunal d’instance de Montpellier. Ils étaient une quarantaine, ce jeudi 22 mai, pour assister à une audience dans une affaire de diffamation, renvoyée déjà plusieurs, fois, qui oppose le militant antiraciste à trois barons socialistes locaux.

C’est une affiche de BDS, que José-Luis Moraguès a partagé sur son compte Facebook, qui a déclenché des plaintes venant de Hussein Bourgi, sénateur PS Héraultais, Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, et de Kléber Mesquida, président (lui aussi socialiste) du Département de l’Hérault, en avril 2024. Sur celle-ci, plusieurs visages (des membres du gouvernement israélien notamment), dont ceux des élus socialistes, étaient ornés d’une mention “sanction contre Israël et ses complices”. Plus bas, dans une autre police, on pouvait aussi y lire le mot “génocide”. Affiche qui appelait à une manifestation qu’on retrouvera quelques jours plus tard collée dans une rue de Montpellier. Hussein Bourgi dénonce quant à lui le fait d’avoir été la cible d’un slogan lancé par des militants de BDS, qui auraient scandé “Israël Assassin, Bourgi complice”, alors qu’il traversait la place de la Comédie en mai dernier.

“Lanceurs d’alerte”

“Nous avons fonctionné comme des lanceurs d’alerte, nous voulions interpeller les élus sur leur silence à propos du génocide en cours”, explique José-Luis Moraguès à la barre du tribunal. “Depuis 1977, les élus socialistes de la Ville, du Département et de la Région participent chaque année via des délégations à la “journée de Jérusalem, capitale Une et indivisible de l’État D’Israël” organisée par le centre culturel juif Simone Veil au domaine de Grammont alors que cette position est contraire au droit international. Nous ne visons pas Hussein Bourgi, mais le sénateur PS, nous faisons un travail de dénonciation politique des violations du droit international”, continue-t-il. La dénonciation de la tenue de cette journée par BDS n’a d’ailleurs pas été sans effet : lors du conseil municipal du 10 avril dernier, Michaël Delafosse, maire de Montpellier a été obligé, sous la pression de son opposition de gauche, d’annuler le déroulement cette journée dans un lieu public mis à disposition par la mairie, comme cela était le cas avant.

Une “animosité” contre le PS ?

Du côté des avocats des parties civiles, c’est bien la mention du terme “génocide” sur l’affiche qui a provoqué des crispations, et la base de l’argumentation des plaidoiries. Me Mendel, l’avocat d’Hussein Bourgi, s’exclame d’entrée : “Ce n’est pas au tribunal de Montpellier de trancher s’il y a un génocide en Palestine. Pour Mr Moraguès, c’est un fait, pas un jugement de valeur. Or, génocide, c’est un crime, donc attentatoire à la dignité de mon client. Et monsieur Moraguès n’emmène pas de preuves d’une quelconque complicité de Mr Bourgi. Il aurait pu dire “Bourgi silencieux” et être dans la prudence, mais il a préféré parler de complicité.” Et de commenter les actions de Boycott des produits israéliens que mène BDS dans les magasins Carrefour : “Vous bousculez les étals de supermarchés”. “C’est faux”, entendra-t-on quelque part dans la salle d’audience.

Pour l’avocat, José-Luis Moraguès a “une animosité” envers les socialistes, seuls élus héraultais présents sur l’affiche, la justifiant selon lui par l’invasion des locaux du parti socialiste par des militants pro-palestiniens en 2014 et une banderole de BDS ciblant Michaël Delafosse où les deux “S” de son nom étaient typographiés de manière à rappeler une organisation du régime nazi. Il demande 5 000 euros de dommages et intérêts et 3 000 euros de frais de justice qu’Hussein Bourgi entendrait reverser à la Croix Rouge et à Amnesty International. L’avocat de Kleber Mesquida, demande quant à lui 1 500 euros au titre des frais de procédure.
Gilles Bauer, avocat de Carole Delga, revient quand à lui sur les notions de “complicité” et de “génocide”, invalidés selon lui par… un tweet de celle-ci, où elle appelle au cessez-le-feu. Tweet publié en mai 2024, soit après la publication de ladite affiche. La présidente de la Région Occitanie demande de son côté 5 000 euros de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre des frais de procédure, qu’elle reversera, selon son avocat, à une association de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

“Je n’ai pas les éléments pour affirmer que José-Luis Moraguès a crié des slogans contre Hussein Bourgui où qu’il est lié à l’affiche retrouvée dans la rue, par contre il est clair qu’il a partagé cette affiche sur son compte Facebook, il le reconnait-lui même”, résume la procureure, qui requiert 3 000 euros d’amende dont 2 000 avec sursis, compte tenu du casier judiciaire vierge du militant de la cause palestinienne.

“C’est son combat qu’on attaque”

Après une heure de plaidoiries des avocats des parties civiles, Me Tahrraoui, l’avocate de José-Luis Moraguès, se lance dans une exégèse de la fameuse affiche : “L’affiche parle de sanction contre Israël et ses complices, et plus loin, dans une autre police, il y a écrit le mot génocide, il n’y a pas de lien entre ces groupes de mot et la partie adverse transforme ça en accusation de complicité de génocide, or, ce n’est pas le cas, ils sont complices de l’État d’Israël par leur silence. C’est une interpellation des élus PS sur le sujet, un combat politique. Mon client l’explique très bien dans une vidéo que les avocats des parties civiles ont présenté eux-même dans le dossier. Il communique son opinion, et le fait pour garantir une liberté démocratique et faire avancer la société. C’est le combat de José-Luis Moraguès qu’on attaque ici, il a subit 14 procédures classées sans suite. Les élus ne sont pas contents d’être sur cette affiche, alors ils n’avaient qu’à prendre la parole plus tôt.” Elle demande la relaxe de son client.

Puis, en s’adressant à Me Mendel : “Quant à la question de l’animosité, c’est monsieur Bourgi qui a une animosité contre Monsieur Moraguès, en l’accusant de porter la banderole dont vous avez parlé alors que ce n’est même pas lui qui la tient sur la photo qui a tourné sur les réseaux sociaux, et en le qualifiant de marchand de haine sur Twitter. Nous allons porter plainte.”

Et au prévenu de conclure : “Je suis choqué de la déformation qui a été faite du message de l’affiche C’est moi qui suis diffamé ici.” Le délibéré sera rendu le 3 juillet.

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