Présidentielles au Brésil : les 5 raisons de la victoire du fasciste Bolsonaro

Le Poing Publié le 29 octobre 2018 à 14:58 (mis à jour le 25 février 2019 à 20:59)

Jair Bolsonaro, soutenu par le parti social-libéral (PSL), a été élu la nuit dernière président du Brésil avec 55% des voix face à son rival Fernando Haddad, du parti des travailleurs (PT). Bolsonaro est raciste (« les noirs ne font rien et ne servent à rien, même pas à procréer »)(1), homophobe (« si je croise deux hommes qui s’embrassent dans la rue, je frapperai »)(2), misogyne (« J’ai cinq enfants. Quatre hommes, puis j’ai eu un moment de faiblesse et j’ai fait une fille »)(3), et fasciste (« L’erreur de la dictature [brésilienne] a été de torturer sans tuer »)(4). Voici 5 raisons non exhaustives expliquant sa victoire :

1) Tout sauf le PT

« Il y a une véritable haine contre le PT » note la philosophe brésilienne et membre du PT Juliana de Souza, invitée jeudi dernier à Montpellier pour discuter de la situation politique de son pays d’origine. « Les médias dominants sont largement responsables de cette haine anti-PT, ils ont tout fait pour pourrir Dilma Roussef (présidente PT de 2011 à 2016, destituée par le parlement, ndlr) et Lula (président PT de 2003 à 2011, incarcéré en 2018 pour corruption). » Malgré des réformes sociales qui ont concrètement changé le quotidien de la population(5), le PT s’est englué dans la corruption : l’opération Lava Jato (« Lavage express ») a révélé que la société pétrolière Petrobas a donné des pots-de-vin à toute la classe politique, y compris le PT, en échange de contrats publics surfacturés.(6) « La corruption est généralisée au Brésil » reconnaît Juliana de Souza, qui note aussi que « les leaders syndicaux ont été remplacés par des cadres du PT ». Quand la haine anti-PT a infusé, il n’y avait donc plus aucun contre-pouvoir de gauche crédible et populaire. Bolsonaro n’a pas été touché par ces scandales de corruption, mais il a déclaré : « si j’avais occupé de hauts postes, j’aurais certainement été moi-même impliqué dans Lava Jato ».(7) Face au dégoût généré par la corruption du PT, Bolsonaro a joué au « monsieur propre », avec un succès certain.

2) Fake news

« Cette campagne a été une tragi-comédie, c’était difficile de différencier le vrai du faux tellement il y a eu de fake news, surtout sur WhatsApp » constate Juliana de Souza. Le candidat malheureux Fernando Haddad a accusé Bolsonaro d’avoir monté une « organisation criminelle » avec de « l’argent sale » pour diffuser des fausses informations sur la messagerie instantanée WhatsApp. Le quotidien Folha de Sao Paulo a révélé que des entreprises ont effectivement financé l’envoi en masse de messages anti-PT peu soucieux de la vérité.(8) Dans un pays qui compte 120 millions d’utilisateurs WhatsApp pour une population de 195 millions d’habitants, cette gigantesque campagne de confusion a certainement influencé le vote.

3) Soutien de l’agro-business

« Bolsonaro veut criminaliser les militants de gauche et privatiser la forêt amazonienne, et ça explique pourquoi il est clairement soutenu par le Capital » juge Juliana de Souza. Soutenu par le puissant lobby des propriétaires terriens – La bancada ruralista (« banc rural ») – Bolsonaro veut dissoudre le ministère de l’environnement au sein du ministère de l’agriculture, construire une nouvelle autoroute à travers l’Amazonie et permettre l’exploitation minière dans les territoires autochtones.(9) Au sujet des peuples autochtones, dont l’existence même empêche la construction d’infrastructures dans des territoires de l’Amazonie, il a déclaré qu’il ne voulait pas « un centimètre de plus […] pour ces bons à rien ». Il a aussi promis de « donner des fusils aux producteurs ruraux ».(10) Le PT n’a pas fait grand-chose pour protéger la nature, mais ce zèle anti-écolo a assuré à Bolsonaro un soutien financier très utile de la part des capitalistes.

4) Soutien des évangélistes

Silas Malafai, dirigeant de l’Assemblée de Dieu, un regroupement d’églises rassemblant 12 millions de fidèles évangéliques, a appelé à voter pour Bolsonaro, comme Edir Macedo, qui représente 2 millions d’adeptes, et qui possède la deuxième chaîne de télévision du pays.(11) De nombreux pasteurs ont ouvertement soutenu Bolsonaro et dans un pays qui compte un tiers d’évangéliques, cette bénédiction a été un véritable don du ciel pour son élection.

5) Nostalgie de la dictature

« Il n’y eu aucun jugement de la dictature, aucun tribunal pour juger les tortionnaires, ceux qui ont commis des atrocités n’ont jamais été inquiétés » regrette Juliana de Souza. Suite au coup d’État de 1964, le Brésil sombre dans la dictature militaire jusqu’en 1985. En 1979, une loi d’amnistie a été votée pour assurer la tranquillité aux tenants du régime. Des centaines de personnes, dont de nombreux opposants de gauche, ont été tués, et des dizaines de milliers d’autres ont été incarcérées et torturées.(12) Lula et Dilma Roussef ont péniblement tenté de faire émerger une commission vérité, mais sa portée est restée symbolique.(13) Omerta sur le régime militaire, institutions déstabilisées par la corruption et insécurité généralisée(14) ont convaincu un certain nombre de Brésiliens que la dictature peut être une solution. En 1999, Bolsonaro a déclaré que s’il devenait président, il fermerait le parlement et lancerait un régime militaire : « Je ne doute pas, je commencerais le coup dès le premier jour. […] Faisons cette dictature ».(15)

Sources :

(1) « Présidentielle au Brésil : favori du premier tour, Jair Bolsonaro, raciste et nostalgique de la dictature », Europe 1 le JDD, 27 septembre 2018.
(2) « Jair Bolsonaro, le Trump tropical s’abat sur la démocratie brésilienne », France inter, 29 septembre 2018.
(3) « Au Brésil, vague féminine contre Jair Bolsonaro », Le Temps, 3 octobre 2018.
(4) « Brésil : la nostalgie de la dictature ou l’hommage au tortionnaire Brilhante Ustra », France culture, 9 octobre 2018.
(5) « 40 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté sous Lula », L’express l’expansion, 28 juin 2011.
(6) « Brésil : Petrobras, un scandale tentaculaire », Le Figaro, 21 janvier 2018.
(7) « Brésil : Bolsonaro joue l’incorruptible », Libération, 26 octobre 2018.
(8) « Fausses informations sur WhatsApp au Brésil: Bolsonaro mis en cause », Paris Match, 19 octobre 2018.
(9) « Au Brésil, le nouveau président Bolsonaro est une menace pour l’Amazonie et les peuples autochtones », Reporterre, 29 octobre 2018.
(10) « Brésil : l’ombre brune des grands propriétaires sur les urnes », Libération, 4 octobre 2018.
(11) « Brésil: les évangéliques bénissent Bolsonaro », L’express, 28 octobre 2018.
(12) « Brésil – Les militaires redoutent la fin de l’amnistie, Atmosphère de crise entre Lula et l’armée », Le Monde,‎ 12 janvier 2010.
(13) « Brésil : Dilma Rousseff annonce la composition de la Commission vérité sur la dictature », RFI, 12 mai 2012.
(14) « Brésil: plus d’un demi-million d’homicides en dix ans », Le Point, 5 juin 2018.
(15) « Au Brésil, comme un air de nostalgie de la dictature militaire », France 24, 9 septembre 2018.

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