Présidentielles : Le retour du Midi rouge ?

Le Poing Publié le 13 avril 2022 à 18:32 (mis à jour le 13 avril 2022 à 18:34)
Source: Le Monde

Nous y voilà : le premier tour de l’élection présidentielle est passé, et le scénario de 2017 se répète. Même si une immense majorité de français ne le souhaitait pas, le pays se retrouve confronté au même duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mais l’histoire ne se répète pas et les rapports de force ont sérieusement évolués en cinq ans. Jean-Luc Mélenchon réalise une percée à Montpellier, en banlieue parisienne, dans les Antilles… Et l’infect Zemmour râte son pari, finissant à 7% ! Alors, quels sont les gagnants de cette séquence, et quels en sont les perdants ? Petit tour d’horizon.

Trois blocs différents

Tous les commentateurs politiques s’accordent à parler d’une « tripartition » : loin devant la concurrence, trois blocs se dessineraient, avec dans l’ordre un centre libéral macroniste, une extrême droite lepéniste, et une gauche mélenchoniste. Cette analyse est un peu simpliste. En cinq ans de gouvernement, par ses mesures antisociales et sa répression des soulèvements, Emmanuel Macron s’est attaché un électorat de droite et de centre-droit, un « bloc bourgeois » assez solide concentré dans les centre-ville aisés et dans l’ouest de la France. Marine Le Pen quant à elle a commencé assez bas dans les sondages, mais son profil de « meilleure challenger » et l’empêtrement d’Eric Zemmour dans l’outrance raciste lui a donné un coup de fouet. Les banlieues pavillonnaires, les villages, les zones désindustrialisées ont assez massivement voté pour elle, notamment dans le nord-est et sur la côte d’azur.

La dynamique de Jean-Luc Mélenchon est plus complexe. La dernière campagne du leader insoumis a été à la fois un succès lui offrant son meilleur score, et un échec, puisqu’il reste sur la troisième marche. L’appui massif de l’extrême gauche et les progrès engrangés dans les quartiers populaires comme dans les villes grâce à l’effet « vote utile » sont un trompe-l’œil. Son score est en recul dans la France périphérique : une campagne très marquée à gauche lui a permis de s’imposer dans cet espace politique comme une figure incontournable, mais sans possibilité de convaincre nombre d’abstentionnistes et d’électeurs d’autres partis dans les couches populaires. Il n’y a pas eu d’effet « gilet jaune ». Les excellents résultats de l’Union populaire dans les grandes villes et dans le Midi représentent en tout cas une tendance de fond. Mais il est probable que le retour à des élections locales sans intérêt et le retrait annoncé de Jean-Luc Mélenchon fasse rapidement exploser cet électorat fragile. Le manque d’implantation locale et de structuration de la France insoumise reste un problème important, les cadres sont toujours les mêmes qu’en 2017, et malgré l’emballement médiatique sur une percée de « l’extrême gauche », le fond du programme est celui de la social-démocratie historique, avec toutes ses limites.

Rappelons d’ailleurs que l’abstention domine toujours largement, particulièrement dans le prolétariat. Evitons ici la culpabilisation facile des votants comme des non-votants : le second tour mettra d’accord les abstentionnistes de toujours et les dégoutés du duel opposant deux projets barbares. Sa progression n’a pas été aussi forte que prévu mais elle reste à un niveau historique sur les vingt dernières années. Il y a une partie conséquente du peuple qui ne se sent pas représenté, ni par le projet fasciste heureusement, ni par la gauche.

Les losers

Maigre consolation pour le peuple : les responsables politiques d’hier sont sévèrement punis. Ces conservateurs qui nous ont pourri la vie durant les années Chirac et Sarkozy se retrouvent complètement vampirisés par Macron et l’extrême droite, au point où Valérie Pécresse doit venir quémander quelques millions pour que son parti survive (et si elle tapait dans sa fortune personnelle, cette assistée ?). Les infâmes socialistes ont réussi l’exploit de diviser par trois le score misérable de Benoît Hamon et sont au bout du rouleau. On ne les pleurera pas. Quant aux libéraux atlantistes repeints en vert et aux décomposés du parti « communiste » français, leurs scores ne leur permettront pas de sortir des poubelles de l’histoire. Ce qui ne les a pas empêchés d’appeler à voter pour le président sortant dès la clôture du premier tour, la bouche en cœur et sans un mot d’excuse. Quel plaisir enfin de voir les partisans de Zemmour humiliés ! Tous les grands bourgeois fascistoïdes qui le voyaient déjà à l’Elysée se sont pris une salutaire claque et leur OPA sur ce qu’il reste de la droite semble compromise.

Nous voilà donc maintenant avec deux candidats draguant le seul réservoir de voix sérieux pour le second tour : les électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Macron joue au loup se déguisant en agneau, proposant de « compléter » son programme, courtisant les mêmes gens qu’il insulte d’habitude. Après tout, les promesses n’engagent que ceux qui y croient, comme disait Charles Pasqua… Son camp agite le spectre usé du péril nazi pour tenter de faire oublier sa propre politique abjecte et les postes distribués à des Gerald Darmanin ou à des Anne Méaux. Quant à l’extrême droite, c’est du pareil au même : son programme de division, de guerre et de réformes antisociales est mis sous le tapis au nom de « l’unité » des français. On voit même des influenceurs fascistes venir draguer les gauchistes qu’ils menaçaient de mort quelques semaines auparavant. Les semaines qui s’annoncent promettent d’être pénibles. Ce cirque affligeant nous rappelle alors que le meilleur argument contre la démocratie parlementaire reste… la démocratie parlementaire elle-même.

Vivement l’insurrection.



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