Prison de Villeneuve-lès-Maguelone : transfert inquiétant d’un détenu mutilé par la police

Le Poing Publié le 22 octobre 2018 à 19:35 (mis à jour le 25 février 2019 à 21:49)

M. C., détenu gravement blessé par la police dont l’état de santé inquiète l’Observatoire international des prisons (OIP), a récemment été transféré à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Ses proches et ses amis ont rédigé un communiqué la semaine dernière pour dénoncer « l’isolement et le silence » sur cette affaire et « l’acharnement de l’administration pénitentiaire ».

5 jours au mitard sans pouvoir vider sa poche

Le 28 avril 2017, près de Perpignan, M. C. se fait tirer dessus par des policiers suite à une course-poursuite. « Il s’est fait toucher aux fesses, à l’intestin – du coup il a une poche [qui sert à recueillir ses selles, ndlr] –, et il a toujours une balle dans la jambe, qui ne peut pas être retirée car elle est trop proche de l’artère » nous confiaient les sœurs du détenu lors d’une cantine populaire de soutien, à Sète. Les policiers justifient ces violences en accusant M.C. d’avoir tenté de leur foncer dessus. Poursuivi pour « tentative d’assassinat avec arme » – « l’arme » étant la voiture –, M.C. est envoyé à l’hôpital carcéral de Toulouse avant d’être placé en détention provisoire le 17 mai 2017 à la maison d’arrêt de Perpignan. Le 23 novembre, il est envoyé au quartier disciplinaire, autrement qualifié le mitard, c’est-à-dire la prison de la prison. « Malgré les alertes que les deux médecins de l’unité sanitaire disent avoir envoyées à la direction, il y restera onze jours précise l’OIP. Plus grave encore, il ne pourra pas changer son matériel médical pendant cinq jours – alors qu’une telle poche doit être changée au moins quotidiennement. Un dysfonctionnement que la médecin chef de l’unité sanitaire, contactée par l’OIP, explique par un problème ponctuel d’approvisionnement. »(1)

« Il ne reçoit ni traitement ni soin approprié »

Malgré le rapport accablant de l’OIP, le syndicat policier Alliance 66 considère que M. C. « bénéficie de conditions d’incarcération adaptées ».(2) De son côté, l’administration pénitentiaire l’accuse de se servir de sa poche « pour cacher des substances et des objets interdits » et le syndicat UFAP/UNSA déclare qu’il « refuse de se faire soigner ».(3) Les proches et les amis de M.C. affirme qu’il « ne reçoit ni traitement ni soin approprié à son “état”. Il doit changer seul sa poche intestinale, avec des risques de complications engageant à chaque fois son pronostic vital. À cela s’ajoutent les diverses humiliations propres à la vie carcérale mais décuplées par sa situation médicale. […] Étant donnée la bienveillance de l’administration pénitentiaire à son égard, [M.C.] refuse de se faire achever dans un hôpital carcéral et demande à être soigné dans l’hôpital de son choix. […] Depuis le début de son enfermement, [il] a perdu plus de 17 kilos, et a souffert de nombreuses infections et intoxications alimentaires. Son état de santé s’aggrave de jour en jour. » Rappelons que dans les prisons françaises, on compte en moyenne un décès tous les deux jours,(4) la plupart du temps par suicide, et la France est régulièrement condamnée par la cour européenne des droits de l’homme pour les « traitements dégradants » infligés à ses prisonniers.(5) Le 4 novembre prochain, l’assemblée de Montpellier contre les violences d’État et pour les libertés organise un rassemblement devant la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone pour « soutenir celles et ceux qui subissent la répression d’état et l’injustice des lois. »

Sources :

(1) « Perpignan : un prévenu envoyé au quartier disciplinaire sans son matériel médical », Observatoire international des prisons.
(2) « Perpignan : Passe d’armes entre un syndicat de police et une ONG sur la détention de l’agresseur d’un policier », L’Indépendant, 6 juin 2018.
(3) « À Perpignan, un détenu handicapé n’a pas pu vider sa poche à excréments pendant cinq jours », France Bleu, 30 mai 2018. / « Perpignan: Un détenu passe cinq jours au quartier disciplinaire sans pourvoir vider sa poche à excréments », 20 minutes, 1er juin 2018.
(4) « Décès en détention et suicides », Observatoire international des prisons.
(5) « Prisons : l’Europe encore saisie du cas français », Les Echos, 23 août 2017.


Communiqué complet des proches et des amis de M.C. :

Parce que cela fait maintenant plus d’un an que Skhander [M.C., ndlr] est en détention provisoire subissant pressions policières, acharnement de l’administration pénitentiaire et traitements infamants.

Parce que l’isolement et le silence sur cette affaire laissent toute latitude à la police et à la justice de faire leur sale travail répressif habituel, en l’occurrence sans même s’embarrasser du vernis légal.

Parce que police et justice frappent d’autant plus fort qu’ils sont potentiellement mis en cause.

Parce que l’isolement et l’enfermement sont leurs armes pour briser.

Parce que l’information diffusée est toujours celle des flics, matons et magistrats.

Cette histoire, comme celles qui remplissent les prisons de par le monde, se doit d’être entendue et racontée, que circule une autre version que la version policière.

Le 28 avril 2017, près de Perpignan, suite à un refus d’obtempérer lors d’un contrôle routier classique, la police prend en chasse un véhicule. Une « course poursuite » s’initie.

Dans une impasse dans laquelle poursuivants et poursuivi se sont engagés, un policier tombe de sa moto. La voiture, conduite par Skandher, est immobilisée dans la même impasse.

Skandher sort de la voiture. Le policier à terre sort son arme et le met immédiatement en joue.

Skandher s’enfuit ; le policier tire. Il est atteint par trois balles: une dans la fesse, une dans la jambe qui ne pourra pas être extraite car trop proche de l’artère et une lui perfore l’intestin (ce qui le contraint depuis à vivre avec une poche intestinale).

Il parvient tout de même à s’enfuir mais il est retrouvé quelques heures plus tard dans le coma.

Il est immédiatement placé en détention provisoire pour une prétendue « tentative d’assassinat avec arme », l’arme étant la voiture.

Il est envoyé à l’hôpital carcéral de Toulouse (UHSA). Il y passera environ un mois à l’UHSA où il commence à subir des mauvais traitements et pressions policières. Il est notamment interrogé dès son réveil, encore sous morphine.

Il est par la suite transféré à la prison de Perpignan où il ne reçoit ni traitement ni soin approprié à son « état ». Il doit changer seul sa poche intestinale, avec des risques de complications engageant à chaque fois son pronostic vital. A cela s’ajoutent les diverses humiliations propres à la vie carcérale mais décuplées par sa situation médicale.

Au cours de son incarcération il est envoyé à plusieurs reprises au mitard où les mauvais traitements se sont encore évidemment intensifiés. Lors d’un de ces passages, il sera par exemple privé de poche de rechange pendant 5 jours, poche qu’il est censé changer quotidiennement. Depuis le début de son enfermement, Skandher a perdu plus de 17 kilos, et a souffert de nombreuses infections et intoxications alimentaires. Son état de santé s’aggrave de jour en jour.

Étant donnée la bienveillance de l’administration pénitentiaire à son égard, Skhander refuse de se faire achever dans un hôpital carcéral et demande à être soigné dans l’hôpital de son choix.

Rompons l’isolement, en publiant sa version, en lui écrivant massivement, en organisant son soutien. Solidarité avec Skandher et tous les prisonniers.

DES PROCHES ET AMIS

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Montpellier. Les cours de FLE reprennent du service au Barricade