Quand la FNSEA en appelle à la répression… du mouvement paysan

Le Poing Publié le 1 février 2024 à 08:13

D’après une note du renseignement consultée par Le Monde, l’encadrement de la FNSEA fait pression sur les autorités pour que les convois en route vers Rungis soient stoppés par les forces de l’ordre.

Si les discours tenus dans les médias par les différents responsables de la FNSEA s’opposent sans ambiguïté et depuis plusieurs jours aux tentatives de blocage du marché de Rungis, le syndicat a franchit un pas dans son opposition à une partie du mouvement des agriculteurs en colère.

Depuis quelques jours, des agriculteurs mobilisés ont formé à l’appel de la Coordination Rurale un convoi en route vers le marché de Rungis, en vu d’un blocage. Une action d’une importance stratégique toute particulière dans le bras de fer engagé avec le gouvernement, puisque qu’un blocage effectif du marché international assécherait sous 48 ou 72h la quasi-totalité des halles et restaurants de Paris et de sa couronne.

Le Monde dit avoir consulté une note des services de renseignement, lesquels mentionnent une grande inquiétude du syndicat majoritaire chez les exploitant.e.s agricoles. (55,42% des voix des votant.e.s aux dernières élections des Chambres d’Agriculture en 2019, avec tout de même une abstention de 53,6% pour le collège des exploitant.e.s ; 212 000 adhérent.e.s revendiqués en 2016 sur environ 400 000 agriculteurs.trices)

La FNSEA s’inquiète notamment du « risque que certains des militant.e.s de ses propres troupes rejoignent les convois pour des actions plus musclées ». Et la fameuse note de préciser que des pressions du syndicat sont là pour pousser les pouvoirs publics à stopper les convois en route vers Rungis. Déjà il y a plus d’une semaine, les même services de renseignement exprimaient des doutes sur la capacité de la FNSEA à contrôler la mobilisation, au vu notamment de l’importante participation d’agriculteurs.trices non-syndiqué.e.s et de la détermination observée.

Divergences sur le fond ? Arnaud Rousseau est à la tête de la FNSEA, mais aussi d’une immense exploitation agricole de plus de 700 hectares, président du groupe agro-industriel Avril (Lesieur, Puget, aussi actif dans l’alimentation des animaux d’élevage, les agrocarburants ou encore la chimie des huiles et protéines végétales.), président du Conseil d’Administration de Sofiprotéol, qui finance des crédits aux agriculteurs.trices (avec taux d’intérêts).

L’homme se positionne ces derniers jours en faveur des traités de libre-échange, de plus en plus décriés par la mobilisation agricole en cours.

Plusieurs dizaines d’agriculteurs sont parvenus ce mercredi 31 janvier à entrer dans une zone de stockage du marché de Rungis, avant de se retrouver nassés par les forces de l’ordre. Bilan : 79 interpellations, avec de nombreuses garde à vue. Plus 15 autres plus tôt en journée à l’entrée du marché.

Le gros du convoi, qui joue au chat et à la souris avec la gendarmerie mobile depuis son départ, est encore loin de Rungis, divisé en deux parties qui ont passé la nuit dans l’Essonne et dans le Loiret.

En prévision de l’intrusion de convois d’agriculteurs dans Paris et son environnement immédiat, hypothèse qui apparaît désormais « plus que plausible » d’après plusieurs sources de la préfecture de police citées par Le Monde, 24 compagnies de CRS seront positionnées jeudi 1er février en Ile-de-France.

La Coordination Rurale (21,54% des voix, 15 000 adhérent.e.s revendiqués) est régulièrement accusée d’accueillir en son sein des agriculteurs d’extrême-droite.

Serge Bousquet-Cassagne, actuellement à la tête de la Coordination Rurale du Lot-et-Garonne, commentait en 2001 une occupation de la préfecture du département par son syndicat, réalisée sur le mot d’ordre « On veut des Polonais et des Marocains » : « En clair, on veut des gens qui ont faim, qui ont envie de travailler. »

Thomas Gibert, un des secrétaire national de la Confédération Paysanne (classée à gauche ; 20,04 % des voix pour environ 10 000 adhérent.e.s), tempère néanmoins dans l’émission Au Poste du 29 janvier, enregistrée avec David Dufresne. Pour lui, la Coordination Rurale regroupe des sensibilités particulièrement réactionnaires et des personnes proches des revendications de son syndicat.

Dans la même émission, il appelle à ne pas méjuger les simples adhérent.e.s de la FNSEA, concédant que son organisation syndicale s’est construite autour d’une niche dans l’économie agricole française, soulignant que le marché du bio se contracte ces dernières années à cause des prix trop élevés auxquels les paysans et paysannes qui pratiquent cette agriculture sont obligé.e.s de vendre via les circuits courts.

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