Qui veut “désinfecter” Montpellier de ses sans abris ?

Le Poing Publié le 6 février 2021 à 16:22 (mis à jour le 6 février 2021 à 16:25)

Depuis trois mois, la police chasse les sans-abris du cœur de ville, constatent des bénévoles de l’action humanitaire, qui n’obtiennent aucune explication.

Aujourd’hui Céline est très embarrassée voire outrée et scandalisée par ce qui se passe à Montpellier. Céline Bouloc est la responsable de l’antenne “Action froid” à Montpellier. Nous l’avons rencontrée, en ayant eu l’occasion de nous joindre à une maraude le soir de Noël. “Action froid” est une association nationale créée en 2012 qui a actuellement une vingtaine d’antennes dans les grandes villes de France. Dont une à Montpellier depuis trois ans. Cette association effectue deux maraudes par semaine, avec une dizaine de bénévoles. Elle ne demande aucune subvention à la mairie de Montpellier, puisqu’elle est considérée comme une association relevant du national.

Ses objectifs et missions sont essentiellement de fournir des vêtements, des produits d’hygiène de première nécessité et de la nourriture à un public de personnes sans-abris. Ces personnes, celles que l’on appelle les bénéficiaires (!), sont à la fois des mineur·e·s, des jeunes suivis par l’aide sociale à l’enfance. Également des personnes qui ont parfois un âge avancé ou d’autres qui relèvent d’un suivi psychiatrique qui a été interrompu… Depuis le Covid, la demande de nourriture s’est considérablement accrue.

Céline Bouloc est donc en colère : le centre-ville de Montpellier est « nettoyé » des personnes sans abri, « sans aucune délicatesse » dit-elle, voire avec des verbalisations, par la police nationale constate l’association, et la municipale n’est pas en reste. Cet état de fait s’est développé depuis trois mois, sans que l’on sache à qui l’imputer. Qui prend ce type de décision ? Et pour quelle raison ? « Un plan vigipirate renforcé ? La troisième vague du Covid ? » s’interroge l’équipe d’”Action froid”.

En tout cas les policiers forcent, manu militari, verbalisation à l’appui, les sans-abris à quitter le centre-ville. Avant cette période, chaque maraude rencontrait habituellement une quarantaine de personnes. Parmi lesquelles, aujourd’hui, seule une dizaine essaye de passer inaperçue pour rester en ville. Il faut planquer ses affaires, s’habiller « passe-partout », éviter de se faire remarquer pour demander une pièce. Or, rester en ville, c’est l’assurance de pouvoir faire la manche, d’avoir un peu moins froid, d’être sous la lumière, donc un peu plus en sécurité, surtout pour les femmes.

Aujourd’hui “Action froid” est obligée de faire ses maraudes en voiture, totalement en périphérie, pour trouver et aider ces personnes en détresse, qu’on voudrait invisibiliser totalement. Ils vont à la recherche de ceux qui n’ont plus rien et que l’on ne voit plus. Ce plan de « désinfection » de la ville est mis en place toute la journée ; on ne peut donc l’attribuer à la seule application du couvre-feu nocturne. Et ils contribuent à l’aggravation massive de toutes les inégalités. Il arrive même que les bénévoles, accompagnés de leur attestation pour œuvrer, soient interpellés également. Le refuge des sans-abris à la périphérie de la ville ce sont les ponts, la pollution routière, la peur et l’isolement du reste du monde.

Or, « personne aujourd’hui, ni des services d’État, ni de notre nouvelle municipalité PS, ne communique sur cette situation. Si on cherche à savoir d’où vient la décision de ce nettoyage, personne ne répond » déplore Céline Bouloc en pointant : « Il vaut mieux faire signer la nouvelle charte de la laïcité aux associations, plutôt que répondre aux questions d’urgence vitale posées par ces inégalités qui se perpétuent… Quand est-ce que les collectivités prendront en charge les inégalités que notre société produit ? Quel est le sens de notre devise “Liberté Egalité Fraternité” quand on ferme les yeux sur des situations inacceptables, pour se focaliser sur une charte de supposée laïcité, qui perd tout son sens au regard de ces situations ? »

À son sens, chaque citoyen·ne devrait se mobiliser à son niveau pour refuser ces situations, aider matériellement, mais aussi interpeller notre municipalité sur la raison de ce nettoyage de la ville.

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