Retraites : doucement la rue s’anime à Montpellier

Le Poing Publié le 19 mars 2023 à 18:50 (mis à jour le 19 mars 2023 à 18:54)

3000 participant.e.s au plus fort de la manif, une intrusion sur les voies de la gare Saint-Roch, la façade du Polygone peinturlurée de toutes les couleurs : avec un nouveau défilé organisé ce samedi 18 mars en dehors de l’intersyndicale locale, petit à petit les mouvements de rue contre la réformes des retraites et le 49.3 s’animent à Montpellier.

Depuis l’annonce d’un recours à l’article 49.3 pour faire passer en force la réforme des retraites, les manifestations sont devenues quotidiennes, à Montpellier comme dans de nombreuses villes de France. Quotidiennes et animées. Jeudi 16 2000 personnes défilaient d’après les chiffres de l’intersyndicale, à son appel. Le rassemblement aura finit place de la Comédie par un feu de colère. Vendredi 17, environ 300 personnes se retrouvaient devant la préfecture, une partie du cortège finissant par envahir la gare Saint-Roch.

Samedi 18, différents petits syndicats locaux, parmi lesquels Sud Éducation, la CNT, le Snudi-FO, ou encore les comités de mobilisation universitaires et différents collectifs actifs dans le mouvement social en cours, appelaient à remettre le couvert, en début d’après-midi place de la Comédie.

Belle réussite, puisque dès 14h des centaines de personnes se pressent au pied des trois grâces. Remontant la rue de la Loge jusqu’à la préfecture puis le Peyrou, et enfle encore et encore. Si bien qu’on se retourne au milieu du boulevard Jeu de Paume sur une manif à son apogée numérique, forte de bien 3000 participant.e.s.

Pas mal de gilets jaunes en vue, quelques drapeaux syndicaux par ci par là, une absence totale de la CFDT et de l’UNSA et quasi totale de la CGT. Le cortège, nettement plus dynamique que les grandes manifestations déclarées de ces dernières semaines – ”voilà enfin une manif”, peut-on entendre dans la foule – presse le pas à l’approche de la gare Saint-Roch, alors qu’aux slogans contre la réforme des retraites se mêlent appels au soulèvement populaire et chants anticapitalistes.

Alors que la police ferroviaire, prise de cours, se presse de fermer les portes de l’établissement, un sprint d’une poignée de manifestant.e.s en tête de cortège permet à tant d’autre d’y pénétrer. Environ 200 personnes se retrouvent à l’intérieur de l’établissement, alors que le reste de la manif patiente dehors. Une cinquantaine se retrouve sur les rails de la voie A, empêchant un TGV d’accoster, sous le regard de quelques agents de la Brigade Anti-Criminalité. Le blocage des voies sera de courte durée : au bout d’une vingtaine de minutes, le bruit court d’une arrivée imminente d’effectifs de police en nombre, tout le monde sort.

Là l’ensemble du cortège s’est réduit, de moitié peut être. Il reste une bonne foule pour prendre la direction du centre commercial Le Polygone, tout proche. Lequel devra fermer ses portes, et verra ses portes redécorées de nombreux slogans et jets de peinture. Après une grosse demi-heure, quelques centaines de personnes repartent en direction de la Comédie. Quelques échauffements entre manifestant.e.s ont lieu, autour de l’opportunité de virer de la manif la petite poignée regroupée autour de la banderole des Frères Dissidents, nouveau groupuscule local d’extrême-droite, qui s’est choisi comme thèmes de prédilection la ”dictature sanitaire”, la sécurité, et squatte depuis un an et demi maintenant les manifs montpelliéraines du samedi contre le pass sanitaire, la suspension de certains professionnels refusant le vaccin, la vie chère, et maintenant la réforme des retraites.

Place de la Comédie, après être passés devant cinq ou six camions de CRS prêts à l’emploi, les manifestant.e.s fraternisent avec un petit groupe de ressortissant.e.s sénégalais, mobilisé.e.s contre la répression de l’opposition sur place. L’occasion de rappeler que les même qui soutiennent ici la réforme des retraites organisent le pillage des ressources en Afrique, y appuyant des régimes peu recommandables.

Le cortège remonte vers la préfecture, gardée par quelques policiers de la CDI, qui chargent nerveusement leurs lanceurs de gaz lacrymogène. Les manifestant.e.s dansent, chantent, pendant encore une grosse demi-heure, se tenant à distance des casqués, malgré quelques rares projectiles lancés dans leur direction. Avant dispersion.

Au bilan, une manif plus sauvage, plus dynamique qu’à l’habitude. Malgré une timidité collective encore présente, les souvenirs des samedis gilets jaunes flottent dans l’air. Et pas juste dans les têtes de quelques manifestant.e.s et des membres de la rédaction du Poing, à en juger par les planches de bois préventivement installées par plusieurs agences bancaires place de la Comédie et boulevard Victor Hugo.

On sort donc ragaillardis de ce nouvel épisode de combativité post-49.3. Lequel ne doit toutefois pas cacher les enjeux réels du mouvement. Les défilés en centre-ville, tout déterminés soient-ils, ont montré leurs limites ces dernières années. Les manifs quotidiennes et spontanées consécutives au 49.3 démontrent la colère et la détermination d’un noyau dur investi dans la lutte contre la réforme des retraites, et agrègent peut être un peu plus largement parmi celles et ceux qui n’attendent qu’une fin de statut quo entre la rue et le gouvernement pour plonger dans la bataille. Mais le mouvement de grève et de blocage de l’économie, fort sous certains aspects, mais qui a aussi montré des failles ces dernières semaines, s’étendra-t-il dans les jours et semaines à venir ?

Pour le moment, la grève à la SNCF se poursuit, mais se faisait de moins en moins impactante au quotidien avant l’annonce du 49.3. Au moins deux raffineries ont annoncé la mise à l’arrêt prochaine des installations, signe d’une grève durable, tandis que le blocage installé devant le dépôt de pétrole de Port-la-Nouvelle se poursuit depuis mercredi soir, après que celui de Frontignan ait été levé.

Sur Montpellier, l’université Paul Valéry reste bloquée tous les jours de la semaine, jusqu’à une prochaine AG le jeudi 23, nouvelle grosse journée de mobilisation interprofessionnelle et intersyndicale.

En attendant d’en savoir plus sur l’évolution du mouvement social, les initiatives sont quasi-quotidiennes sur Montpellier.

Ce dimanche 19 mars a eu lieu une assemblée générale contre la précarité, les réformes du chômage, des retraites, du RSA, et la dégradation des conditions de vie de la population est appelée à 14h place Salengro à Figuerolles par l’assemblée ”Montpellier contre la vie chère” et le collectif Droit Au Logement. Au programme : tribune libre, assemblée et moment de convivialité en musique.
Lundi 20 mars, un rassemblement devant les locaux du MEDEF, à l’appel de la CGT34, pendant que les personnels et étudiant.e.s de la fac de science seront en assemblée générale, prévue pour midi dans le hall du bâtiment 36. Le soir, à 18h30, une nouvelle assemblée interprofessionnelle se réunira à Paul Valéry, en amphi 4.
Le mardi 21 mars, la CGT organise un filtrage des entrées de la ville, alors qu’un tractage massif interprofessionnel aura lieu avec un rendez-vous à 7h30, tram Château d’Ô. Avant un rassemblement appelé à 11h à la gare Saint-Roch, avant départ en manif pour midi, et un rassemblement des cheminot.e.s devant la direction régionale de la SNCF pour 13h.
Et le jeudi 23 mars, une nouvelle grosse journée de mobilisation interprofessionnelle et intersyndicale est prévue, avec manif à 10h30 place Zeus.

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Retraites, précarité : à Montpellier, une assemblée générale à Figuerolles, place Salengro, dimanche 19