« Se pré-occuper du monde d’après ! » : au théâtre de la Plume de Montpellier, une occupation originale
Ce petit théâtre indépendant, que l’on distingue à peine en passant dans la rue Guillaume Pellicier près du plan Cabannes à pied ou en transport, se fait remarquer depuis début mars par son originale participation au mouvement social qui secoue le monde de la culture. Nous sommes allés les rencontrer pour mieux les connaître.
Depuis mars dans la continuité des occupations de lieux culturels le théâtre de la Plume a décidé d’assumer collectivement un positionnement politique en travaillant à l’identification de leur place dans le mouvement « Occupons partout ». Une première prise de position politique qui s’élabore au jour le jour pour communiquer avec des positionnements individuels énoncés dans cet article. On pourra conseiller aussi sur le sujet les podcasts réalisés par nos camarades de Radio Gine, ici[j1] et ici.
Le théâtre de la Plume a 20 ans c’est un théâtre historique dans le quartier de Figuerolles dont d’ailleurs l’origine du nom est inconnu ! L’association qui le gère, « Je Pars à Zart », a 10 ans et l’équipe qui l’anime actuellement est en place depuis 5 ans. Huit personnes le gèrent au quotidien mais une quinzaine de personnes gravitent autour et 60 bénévoles peuvent se mobiliser pour des projets en cours. Mais son originalité c’est que son activité se trouve à mi-chemin entre le spectacle vivant et le travail d’animation sociale. C’est un projet qui mêle ces deux expériences des professionnel(le)s qui l’animent : la culture pour tous en référence aux valeurs du mouvement de l’éducation populaire dans une dynamique de transformation de la société. Développer un travail autour du jeu et de l’imaginaire dans des pratiques artistiques et culturelles pour tous.
Pratiques artistiques et activités du théâtre de la Plume :
-Accueil d’une programmation dans le théâtre
-Créations artistiques de l’équipe
-Pratique d’ateliers qui regroupent chaque fois une dizaine de personnes dans un équilibre entre enfants et adultes, des ateliers se déroulent également dans la région PACA à Sausset les pins.
-Des histoires à vivre, qui sont des grands jeux artistiques dans des interventions à l’extérieur du théâtre et du quartier ; dans des structures spécialisées ou des collèges par exemple.
-Un festival annuel pluridisciplinaire et familial de trois jours Festizart ; c’est une histoire de création collective qui ambitionne de « refaire et recréer le monde ».
– Un projet international, bénéficiant de financements européens, avec des échanges culturels et artistiques pour des adolescents, en ce moment la Grèce. Projet bloqué évidemment actuellement.
– Un partenariat riche et ancien avec les associations du quartier qui connaissent le public et peuvent le mobiliser : ADEMMASS -association culturelle et citoyenne qui travaille au développement des mixités artistiques et sociales, la Boutique d’écriture , PEPS qui s’occupe de soutien scolaire, le café des enfants Zadigozinc.
Avec d’autres associations sur la ville le centre d’animation du Mas des moulins, l’association La Gerbe.
Et surtout une intervention à la Paillade dans le cadre du « programme de réussite éducative cité éducative » pour des élèves exclu(e)s du système scolaire.
Tout ce panel de projets et d’activités ne bénéficie d’aucune subvention publique de fonctionnement (hormis le projet européen), celles-ci peuvent éventuellement être accordées mais « au projet ». Ce qui isole la problématique de chaque action qui est conçue et réalisée dans une dynamique de complémentarité.
Toutes ces actions nécessitent donc de l’argent, quand on pratique une activité, quand on va au spectacle on doit payer même si la somme est minime. « Et de fait elle l’est mais c’est déjà trop cher ! Pousser la porte pour les personnes du quartier Figuerolles c’est difficile déjà, pour un engagement sans perspective ensuite, vu la situation d’urgence sanitaire, et la gratuité ça ne marche pas. Même le principe de « places suspendues » à la caisse c’est à dire achetées par ceux et celles qui peuvent en offrir dans une dynamique solidaire et les tarifs réduits ne règlent pas les difficultés financières. D’ailleurs le tarif c’est une chose mais ça ne fait pas tout, la question d’aller au théâtre reste entière… »
L’activité du Théâtre de la Plume, comme tous les autres lieux dédiés à la Culture, a pu reprendre avec un protocole sanitaire strict pendant deux mois à partir de Septembre. Et la peur de payer une année tronquée pour la pratique des ateliers, bien que le paiement soit mensuel, a lourdement handicapé les inscriptions.
Lire ce communiqué en lien avec le mouvement d’occupation au théâtre de la Plume.
Donc à la mi-mars l’équipe de la Plume s’est mise à fréquenter les Assemblées générales « d’ icionoccupe » en restant très dubitative sur l’intérêt d’occuper leur théâtre qui est un lieu privé. « C’est comme si on occupait notre appartement dont on paie un loyer !, argumente l’un d’eux. Et puis est ce que l’on peut lutter sans désobéir ? Notre première expérience de lutte collective nous a poussé à réfléchir sur comment amener la Culture dans le non-public, comment fluidifier les liens entre les espaces publics et les lieux culturels ? Où en sont les mouvements d’éducation populaire ? Ceux qui sont subventionnés et qui ont des lieux peuvent être des hauts parleurs des luttes et se servir de leur lieux pour changer les choses. On se pose des questions sur les actions de rue, aujourd’hui la rue est sous l’impact d’un zapping permanent, tous les mots écrits sont volés, n’accrochent plus. Aujourd’hui il y a une logique de camp binaire dans la société, Macron a réussi à tout diluer. Alors on s’est dit que notre place était dans notre théâtre, avec ce que l’on sait faire dans un travail au long cours qui permette d’ouvrir notre lieu aux luttes et de continuer à défendre des valeurs sociales. C’est l’objectif de notre vitrine intermitthon.fr / 507 heures de direct pour libérer la culture.»
Les 507 heures ce sont les heures de travail nécessaires à faire pour obtenir le statut de l’intermittence, elles représentent un continuum de 21 jours.
« Nous sommes en lien direct et permanent avec toutes les occupations et en accord avec les revendications mais nous réfléchissons les formes ; tenter de se réapproprier cette lutte grâce à nos métiers, créer un espace de l’art du loisir de l’imaginaire où nous pourrions construire du narratif, du joyeux ; un carré d’expression qui deviendrait artistique. », résume un des membres de l’équipe du théâtre.
Un agenda :
-La vitrine joyeuse, débridée qui donne à voir, qui reconnecte dans le respect des règles sanitaires
, qui a commencé le 15 Avril à 10H et finira le 6 Mai à 13H, peut également être visionnée sur la chaîne YouTube suivante.
–Radio bougeotte se lance, la première émission se fera ce dimanche 25 Avril au théâtre autour d’une table ronde CCN/CDN/ Théâtre de la Plume pour présenter les différents modes d’occupations. L’émission pourra se suivre en live, YouTube et radio, dimanche à 16h. Cette émission d’une heure pourrait devenir permanente, hebdomadaire et récupérer la dynamique de la vitrine après le 6 Mai.
– Le festival Festizart qui aurait lieu 3 jours en Septembre au Château de Montlaur à Montaud pendant les journées du patrimoine.
« Finalement un théâtre fermé mais occupé qui n’a plus son activité régulière peut permettre que d’autres personnes viennent y mettre les pieds et nous avons besoin d’un soutien populaire pour qu’il reste un lieu de lutte ou chacun(e) proposerait des choses pour la vitrine et profiterait de ce créneau de liberté. Que le public réagisse et soutienne notre occupation, on est expert de sa vie ! », s’enthousiasme la bande de la Plume !
Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :