Sur Montpellier, le collectif Technopolice présente une initiative collective contre le fichage de masse

Le Poing Publié le 1 juillet 2022 à 20:50 (mis à jour le 1 juillet 2022 à 20:52)
Image d'illustration

Le nouveau collectif Technopolice de Montpellier, appuyé par la Quadrature du Net et diverses forces militantes, présentait ce jeudi 30 juin sa proposition de démarche collective pour agir contre le fichage généralisé de la population. En commençant par s’attaquer à un des fichiers de police les plus larges : le fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires.

Le fichier TAJ est un fichier de police et de gendarmerie, extension du système de casiers judiciaires, qui permet aux « forces de l’ordre », de rencenser en plus des personnes condamnées devant des tribunaux, tout suspect ou victime lié à un crime, délit, ou à une infraction parmi les plus graves, punies d’une contravention de cinquième classe (attroupements, participation à des manifs non-déclarées, troubles ou risques de troubles ou d’atteintes à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat par exemple, typiquement le type de formulation fourre-tout derrière lesquellles se cache une criminalisation massive de l’action collective revendicative ou contestataire.)

Tous suspects, tous fichés ? Presque. D’après un rapport de l’assemblée nationale d’octobre 2018, avant la vague de contestations peu légalistes ouvertes avec les gilets jaunes, près de 19 millions de personnes y étaient inscrites. Dont au final très peu de victimes, et près de 8 millions de photos de face susceptibles d’être exploitées par des logiciels de reconnaissance faciale.

Pourquoi autant de monde ? Quelques explications ont été avancées lors d’une soirée au local associatif montpelliérain Le Barricade, ce jeudi 30 juin au soir, organisée par le tout nouveau collectif Technopolice Montpellier, lui-même appuyé par la Quadrature du Net et diverses forces militantes. On se retrouve exposés à une fiche au TAJ dans un panel de situations extraordinairement larges : contrôle d’ientité, présence dans une manif non-déclarée ou qui a déjà subie des sommations à se disperser, simple cyber-activisme laissant soupçonné un rôle dans des actions collectives, entre autres.

Le code de procédure pénale, dans son article R40-25, indique que la TAJ ne doit servir qu’au fichage de personnes contre lesquelles il existe des indices graves. En théorie. En pratique le fichier est plus utilisé comme un moyen de communication interne à la police et à la gendarmerie, puique chaque agent est libre de le remplir comme bon lui semble. Les garde-fous censés prévaloir contre les abus ne sont pas très efficients, puisqu’il s’agit de procureurs censés se prononcer sur la validité de telle ou telle fiche. Dans un contexte ou aucun de ces magistrats, par ailleurs connus pour leur manque d’indépendance et leur collusion avec l’institution policière, n’est spécifiquement dédié à cette tâche, alors que la justice est comme tous les services publics français en état de délabrement budgétaire avancé. Inquiétant, quand on sait que le TAJ sert de matière à diverses enquêtes pénales et administratives, et qu’il est comme tout fichier informatique de masse truffé d’erreurs d’orthographe, de frappe, d’homonymie, voire d’identification. Et qu’il autorise un recensement d’informations assez larges sur les personnes concernées : identité, surnom ou alias, date et lieu de naissance, situation familiale, filiation, nationalité, adresses physiques et mail, numéros de téléphone, profession, statut de la personne ( par exemple SDF ou mineur isolé).

Le collectif Technopolice Montpellier propose donc une démarche d’action collective sur le sujet. L’idée étant d’utiliser en masse les recours légaux, sans grande illusion sur leur efficience, pour consulter voire effacer sa fiche. A partir de là, c’est bingo pour ceux qui obtiendraient satisfaction, et la possibilité de dénoncer publiquement l’inannité de ces recours légaux pour les autres. La première phase de cette opération consistera donc à envoyer un courrier au Ministère de l’Intérieur, demandant à savoir si on est fichés dans le TAJ. Lequel a deux mois pour répondre, sans quoi on peut saisir les magistrats compétents pour passer à l’étape suivante. Un nouveau rendez-vous sera donc donné courant septembre.

Notons que certaines interventions pendant la présentation au Barricade tendaient à préconiser l’usage de masques, foulards, ou tout objet servant à dissimuler son visage lors des manifs et rassemblements, pour enrayer la progression du fichage et de la reconnaissance faciale. Ce qui depuis la loi anti-casseur votée début 2019 pour faciliter la répression des gilets jaunes et du mouvement social peut-être caractérisé comme un délit par les forces de police.

L’idée étant de donner une envergure collective à la démarche, n’hésitez pas à faire tourner l’dée parmi vos proches, et à prendre contact avec les initiateurs, qui pourront notamment vous fournir des lettres-type, via l’adresse mail dédiée : sortirdutaj@protonmail.com.

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