Surpopulation carcérale : une requête d’ associations sur la prison de Carcassonne rejetée

Le Poing Publié le 7 août 2024 à 21:34

Après une audience tenue le 24 juillet, M.Besle, juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté dès le lendemain un recours présenté par plusieurs associations concernant les conditions de détention à la maison d’arrêt de Carcassonne, la plus surpeuplée de France.

Mercredi 24 juillet se tenait au Tribunal Administratif de Montpellier une audience en référé liberté, introduit par plusieurs associations, dont la section française de l’Observatoire International des Prisons (OIP), le Syndicat des Avocats de France (SAF), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), l’Association Des Avocats Pénalistes (ADAP) et le Conseil national des Barreaux. L’objet du référé : les conditions de détention à la maison d’arrêt de Carcassonne, la plus surpeuplée de France.

Les avocat.es Maxence Delchambre, Tamaris Furtenheim et Hilème Kombila, représentant.es des associations, demandaient la mise en place par le juge des référés du dispositif Stop Écrou, lequel bloque temporairement les nouvelles incarcérations. Et ce afin de « faire cesser des atteintes graves aux droits des personnes ».

« Les détenus sont enfermés dans des cellules collectives 21 heures par jour, et disposent en moyenne d’un espace personnel de 88 cm2. », ont détaillé les avocat.es. Avant de rappeler l’actualité du rapport d’une commission d’enquête du Sénat déposé en juin 2000, lequel qualifiait les prisons françaises « d’humiliation pour la République ». « La surpopulation à la Maison d’Arrêt de Carcassonne augmente de jours en jours, on en est actuellement à plus de 250% des capacités d’acceuil, avec 16% des détenus dormant sur des matelas à même le sol. », ont continué les plaignant.es. « L’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme [NDLR : lequel interdit aux États de pratiquer la torture, ou de soumettre une personne relevant de leur juridiction à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants] n’est pas respecté, ce qui justifie notre demande auprès du juge des référés. »

Les avocat.es représentant les associations ont ensuite mis en avant le fait que des dispositifs Stop Écrou ont été ordonné par certains Tribunaux Administratifs récemment. « La perspective raisonnable que ces mesures puissent être mises en œuvre rapidement, critère de l’action d’un juge des référés, est ici attestée. » Dominique Simonnot, Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté, allait même plus loin dans son rapport d’activité portant sur l’année 2022, rappelant les limites des dispositifs Stop Écrou reposant sur des conventions locales, et proposant un « stop écrou national défini à partir de 90% de surpopulation.”

Le plaidoyer a ensuite continué, les avocat.es demandant également la mise en astreinte de l’Administration Pénitentiaire de la Maison d’Arrêt de Carcassonne pour réaliser divers travaux et prendre des mesures améliorant les conditions de détentions. « Nous demandons entre autre que les détenus soient convoqués pour être informés de leurs droits aux recours quand leur lieu de vie est inférieur à trois mètres carrés. Que les plaintes déposées au Parquet sur les conditions de détention soient transmises tous les mois à la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté. Et que divers travaux soient entrepris par l’Administration Pénitentiaire : dératisation et désinsectisation des locaux, étanchéité des fenêtres, garantie de respect de la chaîne du froid pour l’alimentation, remise en fonction des bouches d’aération des salles d’eau, fourniture régulière de produits d’hygiène et de papier toilette, cloisonnement des toilettes, ventilation. »

Stéphane Gély, directeur interrégional des services pénitentiaires d’Occitanie, a ensuite fait part de son désaccord avec la demande de dispositif Stop Écrou déposée par les associations, arguant du fait que les magistrat.es sont déjà informé.es de la situation lors des procès, ce qui leur permettrait de prendre leur décision en toute conscience. L’homme a plutôt plaidé pour un renforcement de cette démarche, avec la possibilité de stipuler aux magistrat.es le nombre de places restantes pour les différents types d’incarcération. « On communique sur le nombre de place disponibles en aménagement de peine, en semi-liberté etc… », a ajouté M. Cassi, chef d’établissement de la Maison d’Arrêt.

« Un plan de rénovation a déjà commencé à la Maison d’Arrêt, mais la surpopulation est un obstacle à sa mise en œuvre, nous n’avons nulle part où déplacer les détenus pendant les travaux. De plus l’Administration Pénitentiaire manque cruellement de moyens pour les travaux », a poursuivi Stéphane Gély.

M. Cassi est ensuite intervenu pour nier certaines des observations faites dans l’établissement par la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté, notamment sur les données chiffrées exagérant selon lui l’exiguité dans laquelle vivent les détenus.

Le juge des référés, après quelques questions, a annoncé prendre un délai pour sa décision, avant de suspendre la séance.

Celle-ci est arrivée dans une ordonnance rendue dès le 25 juillet. Verdict : le juge des référés rejette l’ensemble des demandes associatives. « Après avoir rappelé que son office se limite à ordonner des mesures d’urgence de nature à sauvegarder, dans un délai de 48 heures, une liberté fondamentale, [le juge des référés] juge, tout d’abord, qu’il n’entre pas dans son pouvoir d’ordonner la suspension des incarcérations dès lors que la compétence en matière d’écrou appartient exclusivement à l’autorité judiciaire. Ensuite, il écarte, eu égard à son office de juge de l’urgence, les demandes de mesures qui ne peuvent être mises en œuvre à brève échéance, telle que la réalisation de travaux et aménagements de caractère structurel. Enfin, il constate que certaines améliorations ont d’ores et déjà été apportées par l’administration pénitentiaire, tel que l’équipement mobilier des cellules, ou que certaines des carences dénoncées ne sont pas établies comme l’accès aux soins et aux droits. », peut-on lire sur le compte rendu de décision.

Le Tribunal Administratif de Montpellier avait déjà rejeté une demande de mise en place du dispositif Stop Écrou concernant le centre pénitentiaire de Perpignan, en août 2023.

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