Archives - Littérature 30 mai 2015

The Eve of St Agnes

graffiti de BIMS

Graffiti de BIMS

Une fois n’est pas coutume, nous parlerons ce mois-ci poésie et vitrail. Non nous n’avons pas – encore – signé de partenariat avec La Croix ou Le Jour du Seigneur sur France 2 alors inutile de s’enfuir dans la brousse tel un hérétique cathare.

John Keats (1795-1821) est l’archétype du poète romantique anglais : pâlot, le cheveu filasse, l’air sombre et tourmenté pour mieux pécho les ingénues de bonne famille, et comble du cliché, tuberculeux (au top 3 de la mort romantique avec le duel et le naufrage en mer).

En dépit d’une courte existence il n’en est pas moins un excellent auteur, et des textes comme « La Belle Dame sans merci », « Hyperion » ou « l’Ode au Rossignol » font frétiller des générations de jeunes kakous exaltés.

Une oeuvre en particulier retient l’attention : « The Eve of St Agnes », littéralement « La veille de la SaintAgnès » (1819). Long pavé lyrique de 42 strophes, il s’inspire d’une vieille tradition chrétienne. Au soir du 20 janvier, les jeunes filles amoureuses ou à marier se couchent tôt et à jeun s’il vous plaît ; ajouté à cela d’autres petits rituels superstitieux et le visage du futur époux est censé apparaître en rêve.

La belle Madeline aime le prince Porphyro mais le père de cette dernière, Lord Maurice, refuse l’union. Qu’à cela ne tienne, l’amoureux astucieux se faufile cette fameuse nuit dans le château et les deux coquinous disparaissent au nez et à la barbe de Momo et de toute la noblesse cuitée. L’écriture à la fois onirique et sensuelle, mythifie un amour interdit. Impossible d’en dire plus ; le sublime ne se commente pas, il doit s’expérimenter sans intermédiaire, tout simplement.

C’est là que Harry Clarke (1889-1931) intervient. L’un des leaders du renouveau artistique irlandais au Xxe siècle, est illustrateur – Edgar Allan Poe notamment – mais aussi artiste-verrier. En 1924 il va donc littéralement mettre sous verre « The Eve of St Agnes » en créant un vitrail éponyme, composé d’une quinzaine de scénettes représentant les différents temps forts du récit. Les couleurs sont saisissantes et les nuances d’une finesse incroyable ; les parures sont flamboyantes et les visages révèlent un aspect fantasmagorique.

Sans aucun conteste l’un des joyaux du patrimoine national irlandais, cet objet singulier, prouesse à la fois technique et artistique, réconcilie pleinement texte et image, spiritualité et matérialité.

Exposée à Dublin (Hugh Lane Gallery, entrée gratuite) et à raison d’une demiestrophe par jour, plus d’excuse cet été pour rester avachi telle une moule défraîchie sur votre serviette Playboy.

Eva

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