Vidéosurveillance algorithmique : le logiciel Briefcam a été utilisé par la gendarmerie de Montpellier

Elian Barascud Publié le 5 novembre 2024 à 17:15 (mis à jour le 5 novembre 2024 à 17:56)
La journée de lancement du recours juridique contre la vidéosurveillance dans l'Hérault a eu lieu au bar associatif le Quartier Généreux. ("Le Poing")

Briefcam est un logiciel israélien de vidéosurveillance algorithmique qui permet la reconnaissance faciale. Après les révélations du média Disclose sur l’utilisation illégale de cet outil, il avait été désactivé en décembre 2023. Un rapport du Ministère de l’Intérieur publié le 28 octobre dernier fait mention de 20 utilisations de Briefcam par la section de recherches de la gendarmerie de Montpellier entre 2021 et 2023

Il faut fureter dans les annexes des 87 pages d’un rapport d’un rapport publié en catimini par le ministère de l’Intérieur le 28 octobre dernier pour avoir accès à l’information. Entre 2021 et 2023, la section de recherches de la gendarmerie de Montpellier a utilisé 20 fois Briefcam, un logiciel israélien de vidéosurveillance algorithmique qui permet la reconnaissance faciale, par le biais de 10 militaires formés à l’outil. Selon le ministère de l’Intérieur, l’utilisation de cette technologie est uniquement autorisée, a posteriori, pour des enquêtes judiciaires, et pas en temps réel.

Briefcam : le Big Brother de la vidéosurveillance

Mis en place auprès des services de police et de gendarmerie à l’échelle nationale en 2015, cette technologie permet, via l’intelligence artificielle, d’analyser des images captées par des caméras de détecter des situations jugées « anormales ». Selon le media Disclose, Briefcam permet “de traquer une personne sur un réseau de caméras grâce, par exemple, à la couleur de son pull. Il peut également suivre un véhicule à l’aide de sa plaque d’immatriculation ou examiner plusieurs heures de vidéos en quelques minutes. Il peut aussi analyser des visages.” Plus inquiétant encore, l’option d’utilisation de l’outil de reconnaissance faciale sur la base des photos présentes dans le fichiers des antécédents judiciaires (TAJ) -ce qui concerne 8 millions de personnes- peut se faire en quelques clics.

En décembre 2023, Disclose révélait que le déploiement et l’utilisation de ce logiciel par les forces de police et de gendarmerie a été effectuée en dehors d’un cadre légal. Une enquête qui avait entrainé la désactivation du logiciel, ainsi que la création du rapport susmentionné.

Dans ce rapport, on apprend que l’utilisation de la reconnaissance faciale a été mise en œuvre une fois hors de tout cadre légal sur les 563 utilisations du logiciel entre 2015 et 2023, Dans le Val-D’Oise, pour identifier des personnes dans les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel, tué par la police. Selon Disclose, “aucun magistrat n’est alors informé de cette procédure, comme cela devrait être le cas. Deux personnes ressortent de l’analyse automatique de visages effectuée par le logiciel, avant que l’enquête des gendarmes ne les mette hors de cause. Leur méthode d’investigation, intrusive et illégale, ne sera jamais mentionnée sur procès-verbal.”

Le rapport reste elliptique sur le nombre réel d’utilisation de la reconnaissance faciale : les auteurs du document notent qu’ils n’ont pas été en mesure de recueillir d’éléments matériels confirmant ou infirmant l’usage de la reconnaissance faciale par des policiers ou des gendarmes. En effet, le logiciel ne conserve « aucune archive informatique des données exploitées après traitement ». De plus, il n’existe « aucun enregistrement systématique et continu par les services permettant d’avoir une vision complète » de son utilisation. Comprenez : on n’en sait rien, y compris dans le cas Montpelliérain. Surtout que l’option était disponible par défaut sur le logiciel depuis fin 2018, et qu’elle ne pouvait « être désactivée qu’après une intervention informatique de l’administrateur ».

Malgré tout, les rapporteurs soulignent que les services de police et de gendarmerie souhaiteraient continuer de pouvoir utiliser cet outil, suspendu depuis décembre dernier. Les auteurs du rapports vont même plus loin, en suggérant d’« alléger le cadre réglementaire strict, facteur de lenteur », voire de généraliser le recours à la reconnaissance faciale « au-delà de la seule exploitation du TAJ ». Et ce, alors qu’au sein même des services (dont la section de recherches de la gendarmerie de Montpellier), les fonctionnaires reconnaissent que Briefcam n’a pas été “déterminant” dans la résolution d’affaire. Cependant, les agents du Clapas soulignent dans le même temps que “le matériel est apprécié des enquêteurs.”

Contre la vidéosurveillance, le festival Technopolice revient à Montpellier !

Face à l’essor des technologies de surveillance, La Quadrature du Net, association de défense des libertés dans l’environnement numérique, a lancé il y a cinq ans l’initiative Technopolice, “une campagne ayant pour but de mettre à disposition de tous·tes des outils pour lutter localement contre la surveillance de nos villes et de nos vies”. A Montpellier, un collectif est né en 2021 et organise depuis lors réunions publiques, mobilisations ludiques et actions de rue. Il porte actuellement, avec la Ligue des Droits de l’Homme, un recours juridique collectif contre le renouvellement et l’extension du parc de caméras de vidéosurveillance à Montpellier et à Sète.

Du 21 au 24 novembre, le collectif lance la troisième édition du festival Technopolice à Montpellier en partenariat avec La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le BIB Hackerspace, Solidaires 34, La Base, La Carmagnole, Le Quartier Généreux et La Tendresse. Au programme : ateliers, projections, débats et performances artistiques ainsi qu’une une manifestation festive sous les caméras de Montpellier, le dimanche 24 novembre à 14h30, où chacun·e pourra exprimer, avec humour et créativité, sa détermination contre la société de surveillance.

Plus d’infos sur https://technopolice.fr/festival-2024/

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