21 juin à Montpellier : (dé)fête de la musique et fête du flic
On était pourtant prévenu : la fête de la musique telle qu’on la connaissait n’aurait pas lieu cette année pour cause de COVID. A la vue de l’impressionnant dispositif policier déployé dès vendredi pour « sécuriser le centre-ville » (avec une colonne de CRS de Montauban venus spécialement pour l’occasion), on se dit que le message est clair : cette année, la fête de la musique se fera aux balcons.
Peu satisfaits par les directives du gouvernement sur un site internet dédié -chanter du Véronique Sanson à sa fenêtre, c’est pas le genre de la maison- nous avons décidé d’aller faire un tour en ville hier soir pour sonder l’ambiance de cette fête de la musique pas comme les autres.
Et nous n’étions pas les seuls : beaucoup de gens, comme nous, erraient dans les rues, quadrillés par des policiers lourdement armés (flashball, fusil d’assaut) à la recherche d’un quelconque évènement musical et festif.
Si quelques irréductibles grattaient quelques accords de guitares sèches le cul posé sur le béton de l’Ecusson, l’ambiance paraissait bien morne.
On notera quand même la présence d’ une fanfare dans l’écusson et une autre Place Salengro, à Figuerolles, vraisemblablement à l’initiative de la Carmagnole.
Autre détail significatif de par son caractère subversif : une déambulation d’intermittents du spectacles avec des masques de Macron, flûtes au bec, faisant exprès de jouer mal pour dénoncer les conditions de leur statut depuis la crise du COVID-19. (Le Poing avait d’ailleurs traité la question dans un article pendant le confinement).
Enfin, dernier fait notable dans un contexte ultra-répressif : une banderole en hommage à Steve, mort l’an dernier suite à une charge de police pendant la fête de la musique à Nantes, a été déployée devant la cour d’appel de Montpellier. A Nantes, la manifestation en son hommage a été violemment réprimée hier.
Seule la Soucoupe, squat en périphérie de la ville, a pu danser librement tout le weekend au son de la techno en hommage à Steve, et ce dès le samedi soir, sans être dérangée par la police.
Cette curieuse (dé)fête de la musique nous pose cependant question, ressassée depuis le début de l’épidémie, et qui prenait encore tout son sens hier devant les bars et restaurants blindés -où le port du masque était quasi inexistant- : on sait que les espaces de fortes contamination sont plutôt des espaces fermés. Comme ces fameux centres commerciaux, les bars et restaurants, ou les rames de métro et leur cohorte de premiers de corvée, que le gouvernement presse de se remettre en branle au nom de la « raison » économique. La ville ne dispose-t-elle pas d’espaces extérieurs suffisamment grands pour permettre des événements musicaux dans le respect relatif des gestes barrières ? Outre ça, Véronique Sanson fait-elle réellement parti de notre patrimoine national, voire de notre soft-power à la française pour que le gouvernement nous pousse à reprendre une de ses chansons à nos balcons?
Bref, difficile d’analyser ce non-évènement autrement que par le prisme d’un autoritarisme d’État couvert par une urgence sanitaire. Charmant préambule au “monde d’après” n’est-ce pas ?
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