500 gilets jaunes attendus en assemblée ce week-end à Montpellier
Le Poing
Publié le 29 octobre 2019 à 13:54
Après
une année d’actions, la quatrième Assemblée
des assemblées suscite
un fort engouement, chargé des attentes toujours très vives sur le
terrain. Une très grande attention est portée à la qualité
participative des débats.
Un
étrange bâtiment abandonné trône au milieu du parc de recherche
Agropolis, tout au nord de Montpellier, dans les magnifiques pinèdes
du secteur de Lunaret, que borde le Lez. Son dessin général lui
vaut son surnom : la Soucoupe.
De
1994 à 2010 siégeait là un Musée d’anthropologie de l’agriculture
et de l’alimentation, porté par des scientifiques. Il ferma ses
portes, victime d’un manque de fréquentation, puis achevé par les
guerres de pouvoir entre élus locaux s’asseyant sur des millions
d’euros d’argent public.
Il
est bien symbolique que des gilets
jaunes redonnent un destin collectif à cet espace, porteurs qu’ils
sont d’une parole des sans millions, et du souci public des devenirs
sociaux. Les organisateurs montpelliérains de l’Assemblée
des assemblées n’ont
essuyé que refus (et souvent le mépris de l’absence de toute
réponse) dans leurs recherches d’un lieu d’accueil auprès des
collectivités. D’où le retour à l’occupation de ce bâtiment, qui
connut quelques soirées musicales et militantes (anti-rep) dans les
années passées.
Le
geste est politiquement cohérent. Matériellement intimidant.
Tout est à remettre en ordre de marche – eau, électricité,
équipements de toutes
sortes,
création de multiples sous-espaces d’accueil et de travail, bar et
cantine, etc – dans ce bâtiment
gigantesque qui tient plutôt du hangar d’un seul tenant, assez
dégradé. À
cet égard, la réunion préparatoire (désormais quotidienne) qui se
tenait lundi soir, frappait par sa sérénité : cinquante
cerveaux et cent mains présents, pour aucun effet tribunitien,
pas une once de psychodrame, et un constant niveau d’inter-écoute.
Cela deux heures et demie
durant, passées à éplucher les moindres détails pratiques.
Pour
se résumer : d’importants besoins en hébergement restent à
solutionner (formulaire ad-hoc sur le site
assembleedesassemblees.org).
Une cagnotte est également ouverte (onglet sur le même site). Les
bonnes volontés sont attendues sur le terrain, en nombre et
immédiatement, sans attendre la surchauffe du dernier moment. Plus
précisément, des réunions générales se déroulent sur place à
18h30.
Tous
ces points ayant été examinés, la seule séquence « serpent
de mer » des échanges de lundi aura traité du degré
et des modes d’ouverture de l’assemblée de vendredi, samedi,
dimanche. Propice aux fantasmes, la question est à la fois simple et
délicate. L’Assemblée
n’est
pas une réédition d’une Nuit
debout. Elle
réunit des mandataires d’assemblées de terrain (typiquement, et
entre autres, de ronds-points).
Elle le fait pour permettre un travail « de
délibération, d’échange, de coordination, de mutualisation de
moyens, de pratiques, de contacts » avec
une visée de « structuration ».
Cela
ne s’aborde donc pas en simple curieux de dernier moment, les mains
dans les poches en butinant entre deux bières – si légitime et
généreuse puisse être cette curiosité. Or l’Assemblée
« n’a rien à cacher », et
intègre le souci de la notoriété publique (y compris médiatique)
de ses contenus de débats. Il faudra trouver moyen d’accueillir,
faire savoir ce qui est en train de se dire, tout en préservant la
qualité de travaux en petits groupes, entre mandataires inscrits,
sur des temps de parole suffisants, autour de thématiques annoncées
et préparées.
Une
révolution méthodologique se produira, par le renoncement à
l’adoption d’un « appel ». Plusieurs des organisateurs de
cette ADA
montpelliéraine ont participé aux trois précédentes (Commercy fin
janvier 2019, puis Saint-Nazaire et Montceaux-les-Mines). En ont tiré
des enseignements. Si l’ADA
cherche à renforcer « le
travail collectif et collaboratif » du
mouvement des gilets
jaunes, elle prend bien garde de ne pas s’autoproclamer en organe
unificateur. Il s’agit de « respecter
et concilier la diversité des approches » au
sein de ce mouvement, dont le caractère « hétéroclite »
est
pertinemment l’une des caractéristiques.
On
s’épargnera donc le théâtre des grandes et des petites manœuvres
que provoque la moindre intention de déboucher sur un appel unique
en assemblée plénière
– un cadre qui n’est en fait jamais « un
moment de débat et de paroles libres ». Les
petits groupes de travail antérieurs restitueront leurs échanges en
prenant soin de spécifier les convergences, et tout autant
divergences, conçus comme facteurs d’enrichissement général. La
restitution de ces restitutions polysémiques nourrira la grande
plénière.
Les assemblées locales seront bien assez mûres pour s’inspirer,
chacune à sa façon, ou pas, de toute cette matière d’élaboration
collective.
Ce
processus est fin, à l’image d’une belle toile d’araignée qui ne
résisterait pas aux tensions des assemblées mythiques abandonnées
aux querelles groupusculaires et intestines ; ni au brouhaha
d’allers et venues incessantes. Cinq cents gilets
jaunes de tout le pays s’y sont inscrits, dans des délais
aujourd’hui clos. Le nombre impressionne. Les précédents ADA n’ont
jamais connu plus de sept cents
participants. La curiosité médiatique n’est pas en reste. On ne
sera qu’à quinze jours du premier anniversaire de l’acte
1 des gilets
jaunes. Et chacun sent bien une atmosphère particulièrement
volatile, pourquoi pas inflammable, sur de multiples fronts.
Les
pré-inscriptions thématiques sont déjà pleines d’enseignements.
Les trois ateliers les plus fréquentés répondront à ces trois
préoccupations : d’abord « comment
retrouver un lien avec la population », puis
« comment
travailler avec les autres mouvements » ;
c’est à mettre en lien avec la fréquence d’une proposition émanant
des participants eux-mêmes, pour s’inquiéter de « la
grève générale du 5 décembre »
et ses suites. En comparaison, bien peu s’intéressent à « la
façon d’agir dans le contexte des municipales ». Face
à quoi, avec grande sagesse, l’autre atelier à succès place les
Assemblés
devant
leur propre responsabilité, en discutant des « rôles
et structuration de l’Assemblée des assemblées ».
Ce
week-end de trois jours permettra que deux cycles complets de
discussions s’enchaînent, permettant à chacun de plancher
sérieusement sur deux questions de son choix. Si un bar, des
ateliers pratiques, un piano sont annoncés, la note majeure tire
vers le sérieux des réflexions de fond.
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