Procès de gilets jaunes à Montpellier : trois reports lors d’une audience branquignolesque

Le Poing Publié le 29 octobre 2019 à 10:33
Dans l’esprit commun, les magistrats sont perçus comme des personnes sérieuses, carrées. Et pourtant, l’audience de ce lundi au tribunal de grande instance de Montpellier, à l’occasion des procès de trois gilets jaunes, a révélé une nouvelle fois l’incurie de cette noblesse de robe.

Au tribunal, c’est la cohue. Un avocat se plaint au président d’un dossier qui manque. « Ah, mais il en manque plus d’un ! » complète la procureure. Le président charge un vieil huissier, peu connu des habitués, d’aller chercher les dossiers à l’intendance. – « Oui monsieur le juge ! ». – « Mais vous savez où c’est l’intendance ? », « – Heu… non. » En début d’audience, deux étrangers, emprisonnés depuis quelques semaines à Villeneuve-lès-Maguelone, se confondent en excuses pour quelques larcins commis dans des voitures : « J’ai honte monsieur le juge, mais c’était impossible de trouver du travail, je ne savais plus quoi faire pour vivre, c’était la seule solution qui me restait ! » traduit l’interprète. Un an de prison pour l’un, neuf mois pour l’autre. Avec un mépris insondable, l’huissier somme les deux malheureux et les policiers aux alentours de déguerpir vite vers la taule : « allez, allez ! Y’a du monde qui attend, il faut partir ! »

Le premier gilet jaune comparait libre. Suite à une décision de la cour d’appel, il est sorti de prison il y a quelques jours, après y avoir passé près d’un mois. Il est accusé d’avoir jeté des chaises sur des policiers lors de l’acte 46 des gilets jaunes. L’audience est surchargée, l’affaire est renvoyée au 2 décembre. Le contrôle judiciaire acté par la cour d’appel est maintenu : interdiction de l’Écusson. « Enfin, j’ai l’impression que c’est ça qu’avait demandé la cour d’appel… » marmonne le juge.

Le second gilet jaune est en détention préventive depuis fin septembre. Son histoire est compliquée. Il a subi une condamnation, plusieurs arrestations, et une perquisition, pour violences sur policiers, participation à un attroupement violent, et non-respect d’une interdiction de manifester. Son affaire est sans cesse reportée dans l’attente d’une expertise psy, réclamée depuis des lustres par le tribunal. Le président se lamente : le sésame médical n’est toujours pas arrivé. La procureure soupire et constate que le dossier n’est « encore une fois pas en état d’être jugé ». Le procès est renvoyé au 9 décembre. En attendant, le président décide de le libérer sous contrôle judiciaire – une décision applaudie par sa famille et ses proches, au grand désarroi de l’huissier.

Pour le troisième gilet jaune, membre du collectif anti-répression « Désarmons-les », c’est aussi un renvoi, encore une fois en raison de la « surcharge » de l’audience, avec un placement sous contrôle judiciaire en attendant le procès fixé au 9 décembre.

Ces reports ne sont pas forcément au désavantage des prévenus, mais ils en disent long sur l’état de déliquescence des magistrats, qui feignent de maitriser des dossiers dont on se demande s’ils ne sont pas étudiés uniquement au moment de l’audience.

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