« On dirait des indigènes » : des commerçants de Montpellier dénoncent les gilets jaunes
Le Poing
Publié le 15 mars 2019 à 15:11 (mis à jour le 15 mars 2019 à 19:54)
À Montpellier, les manifestations des gilets jaunes tournent souvent à l’émeute. Vitrines cassées, poubelles incendiées, pluie de grenades lacrymogènes : le samedi, pendant quelques heures, l’insurrection gagne l’Écusson, rendant quasiment impossible toute consommation. Face à cette situation, les commerçants ont le bourdon. Le 16 février, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) a même déployé 130 agents de sécurité auprès des différentes boutiques de la ville. Les marchands de Montpellier en veulent-ils aux gilets jaunes ? Pour en savoir plus, le Poing leur a donné la parole. Extraits.
« À la base j’étais solidaire, mais… »
Les quatre commerçants que nous avons interrogés ont affirmé comprendre les revendications initiales des gilets jaunes, mais pas ce qui s’en est suivi. Dans cette histoire, ils estiment être des victimes collatérales. « À la base, j’étais solidaire affirme Patrick, propriétaire d’une horlogerie. Les gens pointaient du doigt l’augmentation des taxes et c’était justifié, mais le mouvement est parti dans la nature, il n’y a pas de chef, c’est devenu n’importe quoi… Nous, les commerçants, on n’est pas des bourgeois, on est la dernière roue de la charrette ! » Même constat pour Christophe, propriétaire d’une boutique de vêtements : « je comprends que les gens puissent être énervés, mais ça part dans tous les sens. Les gens veulent des écoles et des hôpitaux gratuits, mais personne ne veut payer ! Ils veulent à la fois des Iphones et BeIn Sports. À un moment donné, ça ne marche pas, il faut se donner les moyens d’avoir ce qu’on veut dans la vie, les choses ne tombent pas toutes crues d’en haut ! Et puis il ne faut pas nous confondre avec les patrons du CAC40 ! Eux sont les plus riches du monde et nous, les plus pauvres ». Patricia, propriétaire d’une boutique de lingerie de luxe, dément aussi péter dans la soie : « On est dans la même situation que les gilets jaunes. Parfois, on n’arrive même pas à se payer parce qu’il faut payer tout le reste ! » Enfin, Carole, vendeuse dans une boutique de vêtements dont elle n’est pas propriétaire, affirme soutenir les gilets jaunes, mais pas ceux qu’elles voient : « moi, les gilets jaunes, sur le papier je suis pour, mais ils devraient aller manifester autre part ».
« Les casseurs ne sont pas dans un état normal ! »
Les commerçants reprochent surtout aux gilets jaunes de semer la zizanie : « Il y a toujours eu des manifestations se souvient Christophe, mais quand c’est la CGT ou Force ouvrière, ça se passe très bien ! Si les gilets jaunes s’amusent à tout casser, c’est parce qu’ils ne payent pas d’impôts et qu’ils n’auront donc pas à en subir les conséquences. » Patricia nous assure que les marchands sont tous apeurés : « Chaque samedi, on craint pour son magasin, même si moi j’ai décidé de faire de la résistance et de rester ouvert, quels qu’en soient les circonstances. Le problème, c’est qu’on ne sait pas d’où sortent les casseurs. Certains d’entre eux ne sont pas dans un état normal, parce qu’ils arrivent à casser des choses qu’on ne peut même pas bouger en temps normal. Ils ont des forces herculéennes ces gens-là ! » De son côté, Patrick ne fait pas la distinction entre les gilets jaunes et les casseurs : « Je les vois moi, je suis en première ligne, et il y a des casseurs en gilets jaunes. Tout le monde s’amuse le samedi… » Carole a peur : « Le samedi, c’est stressant, angoissant. On entend des “ahou ahou ahou”, on dirait des indigènes venus de je-ne-sais-où ».
« Merci la police »
De telles analyses rendent difficile une contestation des violences policières. « Aujourd’hui on reproche aux policiers d’utiliser le flashball et les grenades, mais quand vous voyez qu’en face ils viennent avec des billes d’acier, des boules de pétanque, des bouts de bois avec des clous et des haches, vous comprenez bien qu’on ne peut pas laisser les policiers sans rien ! » clame Christophe. Son collègue Patrick défend l’insigne : « Moi, je dis merci la police. Merci aux forces de l’ordre qui sont agressés tous les samedis qui gardent pourtant une maîtrise d’eux-mêmes qui est extraordinaire, ils font preuve d’un total sang froid. » Carole est moins enjouée : « On a déjà reçu des gaz lacrymogènes, et je me suis déjà retrouvé enfermé dans un SAS de banque alors qu’il y avait de la fumée partout. Heureusement que quelqu’un m’a sorti de là… Franchement, ils tiraient n’importe où ! » Pour Patricia, ces débordements sont à mettre sur le compte de la fatigue : « Malheureusement, quand les policiers sont sans cesse attaqués, ils répondent avec ce qu’ils ont sous la main, parce qu’ils sont excédés. Eux aussi ils partent en vrille, ce sont des humains, mais eux, au moins, ils ne sont pas drogués ».
Avant de couper le micro, certains de ces commerçants, dont nous avons volontairement changé le prénom, nous confient réfléchir à la tenue d’une manifestation en partenariat avec la CCI pour dénoncer cette situation. Les indigènes drogués munis de haches qui ne payent pas d’impôts et qui se battent pour des Iphones tremblent d’avance…
Avant de couper le micro, certains de ces commerçants, dont nous avons volontairement changé le prénom, nous confient réfléchir à la tenue d’une manifestation en partenariat avec la CCI pour dénoncer cette situation. Les indigènes drogués munis de haches qui ne payent pas d’impôts et qui se battent pour des Iphones tremblent d’avance…
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