À Montpellier, la rentrée noire des gilets jaunes

Le Poing Publié le 8 septembre 2019 à 19:54 (mis à jour le 8 septembre 2019 à 20:42)
Les grandes vacances ont-elles permis aux gilets jaunes de se reposer ? Il faut croire que oui au vu de l’ambiance explosive de la manifestation montpelliéraine de ce samedi 7 septembre. Après un été marqué par une baisse de la mobilisation, près de 2500 personnes ont participé à ce 43e acte, qui faisait l’objet d’un appel national sur les réseaux sociaux. Retour en écrits et en images sur cette rentrée noire des gilets jaunes, prometteuse pour la suite d’un mouvement qui ne cesse d’étonner par sa ténacité.

À l’assaut des banques et de la police

Dès 14h45, à peine quinze minutes après le départ du cortège depuis la place de la Comédie, le gaz lacrymogène se fait sentir au niveau de la gare.

Pour se protéger des projectiles policiers et éviter d’être identifiés, les blacks blocs, présents par centaines, déploient des parapluies, comme leurs collègues émeutiers de Hong-Kong. Après ce premier affrontement, le cortège s’engage sur le faubourg du Courreau et très vite, les vitrines des banques, des assurances, des publicités et des magasins de luxe volent en éclats, sous les applaudissements nourris des gilets jaunes, des blacks blocs, et même des passants et de quelques voisins.

Une voiture de police municipale, imprudemment laissée à l’abandon, est incendiée par quelques audacieux, avant que le feu ne soit éteint par d’autres manifestants, pas pour calmer les ardeurs, mais plutôt par souci de ne pas brûler les mauvaises cibles, en l’occurrence les appartements situés à proximité.

Les slogans sont clairs : « anticapitaliste », « révolution » et « tout le monde déteste la police ». Il n’y aucun doute : l’écrasante majorité de celles et ceux qui ont participé à cet appel national ne sont pas venus pour faire de la figuration, mais pour se battre. D’où la présence massive de casques, de lunettes de protection, de masques à gaz, de feux d’artifice et de marteaux. Après une tentative infructueuse d’envahir la place de la préfecture, visiblement interdite d’accès par le nouveau préfet de l’Hérault Jacques Witkowski à en croire les grilles anti-émeutes bloquant les accès, les gilets jaunes se retrouvent rapidement dispersés, mais parviennent à regagner progressivement la place de la Comédie. Les manœuvres policières nous font deviner que les autorités souhaitent cantonner les manifestants à cette place. Ainsi soit-il, la bataille rangée aura donc lieu ici : cacatov, pavés, fusées de détresse et feux d’artifice d’une part, lanceurs de balles de défense (LBD), grenade lacrymogènes et explosives d’autres part. L’audace prend le pas sur la peur, les gilets jaunes chargent les forces de l’ordre à deux reprises. Certains manifestants y ont littéralement perdu des dents.


Le canon à eau arrose la place, provoquant la chute d’un CRS, et la dispersion des gilets jaunes. Certains se réfugient sur l’Esplanade, d’autres campent sur leurs positions, devant l’opéra. Près de l’avenue Jean Moulin, des CRS se lâchent et matraquent à tout va. Aux alentours de 20h, après des heures d’affrontements violents, une petite cinquantaine d’irréductibles s’égosillent avec des chants antifascistes sur la place de la Comédie.

L’échec Witkowski

Le préfet Jacques Witkowski, en fonction depuis le 26 août, l’avait annoncé : « n’attendez pas de laxisme de ma part ». Comme son prédécesseur, il avait pris un arrêté préfectoral instaurant des contrôles aux gares et dans certains centres commerciaux de la ville. Il avait prévu 400 agents des forces de l’ordre pour réprimer la manifestation, ainsi que deux canons à eau. Le dispositif BAC – brigade anticriminalité – était surprenant : ces policiers en civil, cagoulés et surarmés, ne se sont pas collés aux manifestants, mais rôdaient aux alentours du cortège dans une fourgonnette. Plusieurs policiers membres des renseignements territoriaux ont été aperçus dans le cortège. Le nombre de blessés est dramatique : manifestants et gilets jaunes intoxiqués par le gaz, trou dans la mâchoire, contusion à l’épaule, pieds brûlés, visages en sang. Des visions effrayantes, révoltantes. Un photographe du Poing s’est quant à lui fait toucher par deux impacts de LBD, au bras et au genou. Le préfet Witkowski a certes rempli une partie de ses objectifs – interdire la préfecture et diviser les manifestants en plusieurs cortèges –, mais le fait est que le centre-ville a été ravagé, qu’une voiture de police a brûlé, et que les gilets jaunes n’ont pas hésité à charger les policiers.

Comparutions immédiates

La préfecture parle de neuf interpellations. Trois personnes auraient été arrêtés préventivement pour port de matériels de protection, avant d’être libérées. Les médias en relation avec la police parlent de neuf gardes à vue en cours. Le Poing assistera demain aux audiences de comparution immédiate et vous donnera des informations précises sur la situation des personnes déférées.

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Montpellier. Gilets jaunes, acte 43 : 2500 manifestants, une voiture de police brûlée, des blessés et des interpellés