Gilets jaunes à Montpellier : la grève du 5 décembre ne tombera pas tout cuit dans la marmite de Prés d’Arènes
Le Poing
Publié le 17 novembre 2019 à 20:01 (mis à jour le 18 novembre 2019 à 08:26)
Un
débat sur le rond-point fait l’inventaire des acquis des gilets
jaunes en vue de la grève générale à partir du 5 décembre. Reste
à savoir comment peser vraiment sur la tournure des événements
Un débat sur l’herbe au
milieu du rond-point. Et une escouade d’autres gilets jaunes ne
cessant de tourner tout autour, sur la chaussée, en provoquant un
bouchon… C’est sur cette scène assez surréaliste que se sera
conclu le week-end montpelliérain de l’acte
53, marquant une première année
complète de mobilisation.
Puis quand les deux groupes
ont fini par se mêler, ce fut d’abord pour de franches explications.
En manifestation spontanée ce dimanche depuis le centre ville, les
gilets jaunes tournant venaient demander des comptes à ceux
statiques de Prés d’Arènes, pour l’accueil jugé par trop frileux
réservé par ces derniers la veille au soir, aux manifestants qui
tentaient de les rejoindre, poursuivis par la police.
On ne sera pas en mesure de
trancher ici le différend. Mais il faut constater que ces 16 et 17
novembre n’auront pas permis, au contraire, d’aplanir les
dissensions qui se manifestent de manière désormais explicite. Dans
le cas d’espèce, on a vu cristalliser le partage entre ceux qui
misent sur l’ébullition de la rue, dont pas mal de jeunes pas
toujours vêtus de jaune, et ceux qui jurent par la reconquête des
ronds-points, jusqu’à avoir déclaré légalement en préfecture
l’installation méthodique de leur “village”
– un vocable très significatif – à Prés d’Arènes.
De
façon sous-jacente, mais ne se recoupant qu’en partie, se lisent les
polarités
plutôt anarcho autonomes de l’AG du Peyrou, du Casa del Sol –
auréolés du succès de la récente Assemblée
des assemblées – et
celle plus syndicaliste, assez proche de la France Insoumise tendance
Carmagnole, qui vibre sur le rond-point. En tous les cas, René
Révol, premier magistrat de Grabels, seul maire de cette formation
dans l’agglomération montpelliéraine, a bénéficié de tous égards
chaleureux à l’occasion de sa prise de parole dans le débat de
dimanche après-midi 17 novembre (il
était venu exposer les dégâts des désengagements d’État –
une dotation tombée de 800 000 à 400 000 euros en quatre ans, dans
sa commune qui ne cesse de croître
– dans la vie quotidienne au niveau local).
On
peut penser que sur les deux journées complètes d’installation du
“village jaune” – impeccablement ceint de nombreuses
banderoles d’excellente facture collectant tous les slogans sociaux
et progressistes du mouvement – un millier de personnes doivent
être passées à un moment ou à l’autre sur le rond-point. Cent
cinquante s’y trouvaient donc,
pour assister, sagement,
au débat sur l’avenir du mouvement, se confondant peu ou prou avec
l’échéance de la
grève générale du 5 décembre – et sa poursuite
illimitée, largement souhaitée parmi les présents.
Outre
René Révol, un jeune cheminot cégétiste à chasuble jaune, des
Alban et Nestor en figures du mouvement, parlant
de démocratie et du RIC,
Sabine s’exprimant en enseignante, une militante chevronnée des
droits des femmes les plus anciens et sociaux les plus actuels au
jour du handicap, ou
Richard Abauzit, ont
volontiers rivalisé de verve oratoire pour redire l’essentiel des
revendications – qu’on ne découvrait donc pas vraiment – mais
aussi dresser inventaire des acquis des gilets
jaunes, dont ils ne veulent surtout pas croire qu’il soit éteint
(« premier
mouvement à avoir été capable de faire reculer Macron »,
« capable
de semer la peur dans les quartiers bourgeois », et
enfin « capable
d’infuser des méthodes de débordement au cœur
de bien d’autres mouvements » soulignait
un participant).
Le
cheminot a analysé l’échec des grèves du secteur en 2018 comme
étant celui d’une grève isolée (« et
cette fois, les régimes spéciaux ne représentent que 3% des
bénéficiaires des retraites qui vont tous être impactés – il
faut avant tout déjouer la division à ce propos »).
Selon
Richard Abauzit, le principal atout des gilets
jaunes réside dans leur capacité de réunir une diversité immense
de profils socio-économiques. De quoi subvertir l’inefficacité du
cloisonnement par micro-spécificités professionnelle qu’entraînent
les représentations traditionnelles, syndicales particulièrement.
On
ressentait néanmoins quelque chose d’un peu incantatoire, quand
c’est la
remontée jusqu’à la Commune de Paris, et mieux, jusqu’aux cahiers
de doléance de la Révolution française, qui s’attiraient
les faveurs acclamatoires de
l’assistance. Au
sein de
laquelle, on perçut finalement comme assez salutaire, la douche
froide provoquée par un syndicaliste, rappelant que le 5 février
2019, les gilets
jaunes s’étaient déjà lancés
dans une convergence de luttes, sans que cela produisît de très
forts résultats.
On
redescendait donc sur terre, et dans les toutes dernières minutes,
le débat se fit beaucoup plus concret, effectif, sur la manière
d’espérer influer dans le sens d’une grève générale illimitée :
intensifier les contacts avec les secteurs les plus combatifs,
provoquer des assemblées générales ouvertes aux non syndiqués, et
y compris aux non actifs (retraités, chômeurs, etc), dresser
piquets de grèves et organiser des blocages, faire circuler et
remonter efficacement les échanges…
Bref :
tout un savoir s’organiser qui provoquera des réunions de travail
d’ici là. Si nul n’est capable de prédire de quoi sera fait ce 5
décembre, chacun est placé devant ses responsabilités : les
surenchères incantatoires ne suffisent pas à faire tomber rôti le
succès des mobilisations.
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