Les salariés biterrois d’Enedis en lutte contre le projet de privatisation partielle d’EDF
Ce jeudi 17 décembre, sur le site Enedis d’Ovalie à Béziers, plusieurs salariés du secteur de l’énergie ont organisé un piquet de grève. Dans le viseur, le projet Hercule, qui prévoit une désintégration du groupe EDF, et l’ouverture à la concurrence de certaines de ces parties. Le mouvement continu, avec une autre grosse journée d’action prévue pour le 8 janvier.
Nationaliser les pertes, privatiser les profits
Ce jeudi 17 décembre, sur le site Enedis d’Ovalie à Béziers, plusieurs salariés du secteur de l’énergie ont organisé un piquet de grève. Ces derniers ont exprimé leur indignation et les inquiétudes qui les habitent face aux risques qu’une « désintégration du groupe EDF » entraînerait.
Sur le piquet de grève, salariés et retraités du groupe s’étaient réunis pour protester contre le projet de loi Hercule, décidé par la communauté européenne et le gouvernement français.
François Lefebvre, l’animateur régional de la fédération mine-énergie du Languedoc Roussillon, présent ce jeudi 17 décembre sur le piquet de grève, s’inquiète de l’impact que pourrait avoir le projet sur les salariés EDF ou Engie.
Si aujourd’hui, EDF englobe l’entièreté du processus de fournissement en électricité -production, distribution et commercialisation -, le projet planifie la division du groupe en filiales. A terme, cela annoncerait un morcellement en trois entités distinctes. « EDF bleu » pour l’énergie nucléaire, et qui resterait sous le contrôle de l’état. « EDF azur » pour la production hydraulique. « EDF vert » s’occuperait des énergies renouvelables et de la distribution d’électricité. Le gouvernement, qui accélère le projet sous les pressions de Bruxelles, projetterait l’entrée en bourse de la filiale « EDF vert ». En fragmentant ainsi le groupe EDF, le gouvernement espère favoriser l’investissement privé dans le secteur des énergies renouvelables, peu attractif pour l’instant.
Les salariés sur le piquet de grève demandent « des explications claires sur un projet obscur ». « Pour l’instant, ce qu’on comprend du projet, c’est que la partie nucléaire, qui est la plus coûteuse et surendettée, serait remise au contrôle de l’état, nationalisée. Ce qui implique que l’ensemble des dettes du secteur nucléaire reviendraient à la charge de l’état. Tandis qu’une autre partie, beaucoup plus juteuse et attractive, qui concerne la distribution et le transport de l’énergie, serait privatisée à hauteur de 35% à 40% » s’inquiète François Lefebvre.
Selon les salariés,« le risque, c’est la fin du service public ». En filialisant le groupe, les entreprises privées, notamment Total, pourront investir leurs propres capitaux, ce qui pourrait entraîner « une nationalisation des pertes et une privatisation des gains »
Suppressions d’emplois, augmentation des prix
Les salariés ne se battent pas pour leur statut mais pour préserver leurs emplois. Aussi, si le projet Hercule est mené à terme, et que Total rachète une filiale du groupe EDF, comme Enedis, la totalité des 36000 emplois ne sera sûrement pas conservée.
En plus de se battre pour la pérennisation des emplois, les salariés du groupe EDF se mobilisent contre le rachat du groupe qui pourrait augmenter le prix de l’électricité de manière exponentielle. Une augmentation des prix qui avait « déjà commencé depuis la privatisation partielle du groupe en 2004 » .
Opacité de la direction quant à l’avenir du site d’Ovalie
La semaine dernière, les salariés du secteur d’Ovalie à Béziers avaient déjà interpellé le directeur de la région Languedoc Roussillon Enedis. Celui-ci avait affirmé pourtant, qu’aucun projet n’était actuellement en cours. « Ce qui va à l’encontre de ce qu’on lit dans la presse ou de ce que l’on entend autour de nous », rétorquent les grévistes.
Lors de la journée de grève du 17 décembre, les salariés ont demandé à la direction du site d’Ovalie davantage de transparence sur le projet. Ils souhaitent connaître les conséquences du projet Hercule sur les contrats de travail, les agents et les usagers.
Suite à la non réponse de la direction du site, les agents ont fait le choix de quitter le blocage du site pour aller informer l’ensemble des usagers sur Béziers. L’opération de tractage a commencé symboliquement aux pieds de la mairie de Monsieur Ménard et s’est poursuivie à la place du théâtre.
Si le site a été débloqué, le préavis de grève reste ouvert, et les salariés prévoient d’autre journées de sensibilisation contre le projet Hercule.
Sur le site Enedis d’Ovalie à Béziers, 48% des effectifs étaient en grève contre le projet. A Béziers, Mr Ménard n’a pas rencontré les salariés grévistes, mais, comme s’en réjouit François Lefebvre, « Mme Menard nous a sollicités pour une rencontre, qui n’a pas encore eu lieu. Une rencontre est prévue avec la mairie de Montpellier également.»
L’intersyndicale mobilisée contre le projet
Sur ce combat là, au niveau national, les syndicats de FO, la CGT, la CFDT et la CFE ont décidé de s’unir pour faire front contre le projet. Des journées intersyndicales avaient déjà été menées le 26 novembre, le 3 et le 10 décembre 2020. Ces mouvements de mobilisation fédèrent l’entièreté du groupe EDF. Les salariés de tous les secteurs, de l’hydraulique au nucléaire, de la distribution à la commercialisation s’alarment contre ces mesures. Maud Mathieu, qui sera à partir du 1er Janvier, la déléguée syndicale centrale EDF pour la CGT témoigne de la réussite de ces journées : « sur certains sites, la grève réunissait plus de 50% des salariés».
A l’échelle nationale, le directeur du groupe EDF, Jean Bernard Lévy n’a pas réussi à rassurer les salariés. Les syndicats continuent à alerter les différents groupes politiques du parlement pour demander un débat public concernant le projet Hercule .
Il y avait eu un premier mouvement en octobre 2019 contre le projet Hercule, où le taux de grévistes avait été particulièrement important. Cependant, comme le projet n’était pas totalement abouti, sa mise en application avait été repoussée. La crise du Covid, également, avait induit l’ajournement de plusieurs mesures envisagées par le gouvernement Macron, dont celle-ci. Depuis cet été néanmoins, la communauté européenne met la pression sur le gouvernement pour que le projet s’accélère, et que le morcellement du groupe EDF ait lieu sous peu.
Jeudi 8 Janvier 2021, une autre action forte est prévue par les salariés du secteur, coordonnée au niveau nationale. « Toujours dans le but d’interpeller le gouvernement pour des informations claires sur le projet Hercule », a précisé François Lefebvre.
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