Une figure gilet jaune lourdement pénalisée après avoir fait appel
La Montpelliéraine Kaïna voit une peine de 500€ d’amende avec sursis passer à 6 mois d’incarcération avec sursis, après avoir fait appel de son jugement pour le barrage sur l’autoroute à l’acte XXI des gilets jaunes
Le 6 avril 2019, comme dans beaucoup d’autres sites en France, l’acte XXI des gilets jaunes est particulièrement combatif, et répressif, à Montpellier. Il passe notamment par un blocage momentané de la circulation sur l’autoroute au niveau de la bretelle d’accès de Prés d’Arènes. Les manifestant.es arrivent de la Comédie. I.elles sont entre deux et trois cents à descendre jusque sur la chaussée de l’ A 709 (c’est-à-dire la partie de l’autoroute affectée à la desserte urbaine).
Surprise par la tournure des événements, la police est quasi absente, si ce n’est par hélicoptère. Finalement, les manifestant.es se retirent d’eu.lles-mêmes, essentiellement soucieu.ses de ne pas se couper des simples quidams qui réagissent plus ou moins bien au moment de se trouver bloqués. Des incidents auront lieu bien plus tard, après retour en ville (dont l’incroyable contrôle d’identité de masse au niveau de la poste Rondelet, qui rappela d’autres périodes de l’histoire à des personnes très âgées qui nous en firent part).
Des vidéos de cette journée fameuse existent. Elles son toujours parfaitement accessibles en ligne. Quiconque en aurait envie, et les moyens, pourrait identifier visuellement des dizaines et dizaines de participant.es à ce blocage, certain.es même interviewé.es. Mais curieusement, la police ne parviendra à retrouver que deux des personnes présentes. L’une est Camille Halut. Observatrice des pratiques policières en maintien de l’ordre au titre de la Ligue des Droits de l’Homme, cette jeune femme est alors devenue une cible obsessionnelle de la corporation policière montpelliéraine. Très médiatisé jusque sur le plan national, son procès débouchera sur sa relaxe. Il est établi qu’elle n’a fait qu’observer.
Il est très intéressant de relever l’appréciation du Président du tribunal, Philippe Tremblay, indiquant alors que « sur le fond, le tribunal s’interroge sur l’entière procédure ». En effet, les policiers semblent avoir recherché un infraction a posteriori, qui permettrait d’incriminer Mme Halut après qu’elle ait été identifiée. Ainsi la procédure aurait été menée à rebours de la norme : non pas constater une infraction pour en rechercher l’auteur, mais donc identifier une personne à poursuivre pour seulement ensuite rechercher des motifs possibles de poursuite.
Tout conduit à se demander si la seconde personne inquiétée ne relève pas du même style de traitement “à rebours”. Car, parmi les deux à trois cents personnes présentes et participantes, il s’agit précisément de Kaïna, une figure très en vue des gilets jaunes montpelliérains. Elle n’est prévenue que d’entrave à la circulation (collectivement pratiquée par une foule entière ce 6 avril), et ne sera condamnée qu’à ce titre. Sa peine : 500 euros d’amende avec sursis. Sur une vidéo, on la voit s’expliquer vivement avec un chauffeur d’autobus qui a tenté de forcer le passage, au risque du pire : « Il n’y a que des mots de prononcés, et je lève les bras, tandis qu’on en distingue d’autres en train de frapper la carrosserie à coups de casque de moto et commencer d’ouvrir en force la soute à bagages. Mais c’est moi qui me retrouve au tribunal ».
Kaina est personnellement tout aussi mal vue de la corporation policière. Certes dotée d’un fort tempérament – ce qui ne constitue pas encore un délit – son implication est totale dans le mouvement. Cela particulièrement après la très grave blessure au front, reçue par tir de LBD, à l’instar de trois autres manifestants, lors du carnage répressif devant la gare de Montpellier le 29 décembre 2018. On tire aux armes de guerre sur une foule désarmée, qui n’a fait que bloquer les voies – comme l’ont toujours fait tous les viticulteurs, les artisans et commerçants, les étudiants, les infirmières en colère, qui se respectent.
Encore à leurs débuts, les gilets jaunes découvrent le déchaînement de la haine qu’ils inspirent aux hautes classes, exerçant alors l’ultra-violence d’État. Une fois soignée, on verra Kaina plusieurs fois sur des plateaux de télévision. Elle prendra part active au groupement des Mutilés pour l’exemple sur le plan national, et s’investira dans le soutien actif aux blessés. Encore à ce jour elle passe nombre de ses dimanches sous les fenêtres du commissariat de Montpellier, pour s’inquiéter du sort de manifestants interpelés.
Dès le prononcé de sa condamnation, même assez modérée, le 11 novembre 2019, elle décide d’interjeter appel, convaincue d’être seule condamnée pour l’exemple. Pourquoi ne bénéficierait-elle pas des mêmes doutes, exprimés sur le fond, par les magistrats eux-mêmes, lors du procès précédent, de Camille Halut ? Mal lui en aura pris. Le jugement en appel a été rendu le 4 janvier dernier. Les 500 euros d’amende avec sursis ont été convertis en six mois d’incarcération avec sursis. Cette aggravation est énorme.
« En tout cas, elle me vaut l’ouverture d’un casier judiciaire », déplore la manifestante. « Côté policier, l’opération est réussie. L’ épée de Damoclès est mise au-dessus de ma tête. On trouvera toujours à m’imputer quelque chose, c’est si vite fait, si besoin s’en fait sentir ». Ne l’a-t-on pas déjà traînée devant un tribunal, pour un supposé doigt d’honneur en direction d’une policière, si peu convaincant toutefois, que la justice aura dû conclure à sa relaxe ? A tout le moins, elle estime pouvoir parler d’ « acharnement » à son encontre.
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