Delafosse rendu très nerveux par les actions des anti-pub
Expert en louvoiements politiciens, le maire de Montpellier creuse le fossé avec les militants de terrain. En conseil de métropole, on l’a vu débordé par les mobilisations pour le climat, malgré son stratagème électoral avec les Verts
On ne se refait pas. On ne naît pas à la politique dans les rangs des Jeunesses socialistes à Montpellier, on ne gravit pas les échelons du pouvoir au sein du système Frêche et du PS, pour muter soudain en héraut d’un enjeu un peu radical. Par exemple : la lutte contre le changement climatique. Laquelle exige une rupture avec le système en place. « L’écologie sans l’anticapitalisme n’est que du jardinage » avertit un slogan aujourd’hui répandu.
Michaël Delafosse présidait ce lundi le Conseil de métropole de Montpellier-Méditerranée. Et on l’y a vu piégé, au lendemain d’une marche pour le climat qui avait parcouru les rues de la ville, à l’appel du collectif d’une trentaine d’entités qui appellent à « changer le système, pas [seulement] le climat ». Sur le plan national, les manifestants dénonçaient les graves insuffisances de la loi Climat – laquelle enterre une bonne part des recommandations élaborées par la convention citoyenne qui a bossé sur cette urgence. Sur le plan montpelliérain, l’accent était mis aussi sur le Règlement local de publicité intercommunal. Un dossier figurant à l’ordre du jour du conseil de métropole de ce lundi. Justement.
On ne se refait pas. Avant d’entamer l’interminable liste des dossiers, Michaël Delafosse soulevait deux points préliminaires. D’une part il mentionnait la manifestation en cours sous ses fenêtres : celle des vacataires de la Métropole qui ne veulent plus être traités comme des moins que rien. Voulant faire peuple, l’élu social-démocrate macron-compatible racontait avoir rendu visite à quatre heures du matin – non… !? – à des ripeurs. Lesquels lui expliquèrent en être à sept années cumulées de non-contrats dans le non-statut de vrais-faux vacataires de la Métropole (on tient cette notion de fausseté du statut, de la bouche d’un haut cadre administratif s’étant lâché au cours d’une audience).
Elu “de gauche” , Michaël Delafosse a donc assuré qu’une telle chose ne pouvait plus durer. La solution sera mise à l’agenda de la revalorisation sociale au sein des employés de la Métropole. Banco. Sauf. Sauf que le cas des ripeurs n’est qu’une petite partie des problèmes qui affectent les centaines de “vrais-faux” vacataires surexploités par la Métropole. Et sauf que peu après, était justement présenté en séance de ce même conseil, le fameux agenda d’améliorations touchant les ressources humaines des services. Une présentation au cours de laquelle, jamais on ne put entendre prononcer le mot de “vacataire”, ni le lire sur le diaporama du rapport projeté à l’écran.
C’est la reconduction d’une éternelle invisibilisation. Il y a le monde des dominants, des Delafosse, avec leurs paroles. Puis, derrière les effets de communication, le monde des invisibles, des relégués, en butte à la réalité. On ne se refait pas. Autre point que le maire de Montpellier tenait absolument à mettre en exergue avant tout autre débat : l’affaire du chèque généreusement versé à la société Decaux. Laquelle se plaint – la pauvre – de souffrir des conséquences de la crise.
Michaël Delafosse a finalement révélé un accord conclu depuis lors avec la multinationale leader mondial du mobilier urbain à visée publicitaire : dorénavant, cinquante pour cent de la surface d’affichage seront consacrés à l’exposition d’œuvres d’artistes montpelliérains. Et l’autre moitié à la communication des équipements culturels dès que ceux-ci auront pu reprendre leurs activités. Forcément, on s’étonne. Ainsi Decaux deviendrait un mécène intégral à Montpellier, renonçant aux bénéfices de son activité de marchand de pub ? Et pourquoi d’aussi longues semaines avant de fournir ces explications ?
Décidément, le cas Decaux, et la publicité plus généralement, semblent un caillou dans le soulier du jeune premier magistrat montpelliérain. Lui qui joue la courtoisie des échanges jusqu’à paraître un pot de miel, s’est soudain énervé alors qu’on en était venu, quelques heures plus tard, au fameux dossier portant sur le nouveau Règlement local de publicité intercommunal. Alenka Doulain, conseillère d’opposition au nom de Nous sommes, disait avoir trouvé « limites » et « gênants » les arguments avancés par Michaël Delafosse justifiant le cadeau fait à Decaux. Selon lui, il en allait de la nécessité « d’accompagner les entreprises face à la crise », par ce qu’il s’agit de « préserver l’emploi des gens ».
Et le voici qui s’emporte, coupe la parole de son opposante – ce qu’il s’interdit toujours de faire – en lui lançant : « qu’êtes-vous en train de sous-entendre ? Quelle est la nature de votre sous-entendu ? ». La conseillère explique alors comme il est étonnant, gênant, que les « collectivités locales aient à se porter au secours de multinationales », particulièrement lorsque celles-ci trempent « dans des scandales d’évasion fiscale » (JC-Decaux était systématiquement nommé parmi les premiers bénéficiaires dans l’affaire dite OpenLux, quand l’existence du chèque montpelliérain a été connue).
Finalement réjouissante, cette nervosité palpable de Michaël Delafosse ne doit pas détourner de l’attention portée au dossier du règlement intercommunal de la publicité, en tant que tel. Essentiellement élaboré durant le mandat précédent – celui de Philippe Saurel – ce document arrive aujourd’hui quasi identique devant l’assemblée de métropole. Cherchez l’erreur. Car entre-temps, Montpellier serait dorénavant gouverné par les lumières écolos dispensées par les Verts aux termes de leur tripatouillage électoral avec Michaël Delafosse.
Lequel ne se refait pas. Dès dimanche, sortaient dans Midi Libre des extraits bouffons des échanges entre un élu vert, censé présenter le dossier de la pub au conseil, et des militants de terrain qui n’en peuvent plus d’avaler des couleuvres. Incroyable mic-mac puisque le groupe vert a finalement voté contre ce rapport que l’un d’eux était censé présenter, donc défendre !!! En catastrophe, le malheureux politicien en herbe aura laissé la place au maire de Castelnau-le-Lez, Frédéric Lafforgue. Le dauphin de Jean-Pierre Grand, figure de la droite métropolitaine, aura eu beaucoup de mal à convaincre que les panneaux numériques de publicité ne sont jamais que d’heureuses « techniques du vingt-et-unième siècle, au service du dialogue avec le vivant (sic!!!) »
Comble de l’agression visuelle, de la manipulation des esprits, du dévoiement technologique, de la gabegie énergétique, ces panneaux numériques, ainsi que l’affichage lumineux en général, ont été particulièrement mis sur la sellette par les campagnes des anti-publicité à Montpellier. Le règlement proposé par les amis de Michaël Delafosse s’en accommode très bien. Le plan adopté n’envisage guère qu’une réduction “potentielle” de 25 % de la totalité de l’exploitation publicitaire sur la Métropole, avec l’espoir assez fumeux que les contrats puissent s’améliorer et le règlement s’aiguiser avec le temps.
Enfin, on remarque qu’est renvoyée à l’initiative des maires – pourquoi alors un règlement intercommunal ? – l’autorisation d’exploitation du mobilier urbain “traditionnel”. Or l’opposante Alenka Doulain a déniché, dans le rapport d’enquête publique, un vœu formulé par le délégué régional de la société JC-Decaux souhaitant vivement cette exemption très généreuse, qui n’était pas envisagée du temps de Saurel (tandis que le commissaire enquêteur est bien obligé de mentionner la très large opposition des populations à l’encontre de la publicité de voie publique). « Vous me semblez avoir été particulièrement sensible à cet argument [du représentant de Decaux] », persiffle-t-elle.
L’électricité ambiante s’était par ailleurs survoltée, avec la publication d’un canular des anti-pub, parodiant la communication institutionnelle de la Métropole, comme si celle-ci s’était enfin décidée à être la première à s’affranchir des diktats du marché publicitaire sur son territoire. Décidément très mal inspiré, l’institution a fait savoir son intention de déposer plainte à l’encontre des auteurs de ce détournement assez génial. Mais comment ne pas rêver qu’un splendide procès public vienne braquer les projecteurs médiatiques sur les louvoiements du Pinocchio rose-vert montpelliérain ?
Jusqu’à présent, c’est par sa capacité à adhérer aux thèses de droite extrême de Gérald Darmanin, que le premier magistrat “socialiste” montpelliérain s’est attiré les grâces d’une presse nationale idéologiquement décérébrée. On ne pourrait qu’espérer la mise au grand jour de ses autres capacités remarquables, de contorsionniste illusionniste.
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