Une assemblée montpelliéraine prépare l’accueil de révolutionnaires et d’indigènes mexicains en lutte
Une délégation de peuples indigènes mexicains en lutte et de zapatistes, des habitants de zones insurgées au sud du Mexique qui vivent en situation de rupture partielle avec le capitalisme, seront présents dans la région languedocienne pour la première semaine de septembre. Une assemblée de préparation a eu lieu ce samedi 2 mai sur les marches du Corum de Montpellier.
Le 1er janvier 1994, des membres de l’EZLN -armée de libération nationale en espagnol- occupent plusieurs bâtiments publics du Chiapas, une région particulièrement pauvre du sud mexicain, dont une part importante de la population se rattache à des ethnies descendantes des anciens indigènes de la région. C’est le début d’une expérience de transformation sociale originale, au long cours et relativement peu violente, qui brouille les frontières communément admises entre réformisme et révolution.
Issue de la rencontre entre d’ancien militants marxistes-léninistes et des membres de ces peuples indigènes en lutte, cette expérience sociale, la plus longue de l’histoire à une aussi grande échelle, aura su remettre en question les schémas traditionnels.
Un temps en pointe du mouvement altermondialiste des années 90, le zapatisme -du nom d’Emiliano Zapata, un révolutionnaire mexicain du début du 20ème siècle- prend vite du recul par rapport à une forme de socialisme par le haut, porté dans l’altermondialisme par les gouvernements de gauche qui prennent le pouvoir dans de nombreux pays d’Amérique latine.
Rejetant aussi bien la transformation de la société par une révolution autoritaire et étatiste que la social-démocratie, le zapatisme tente de mettre en pratique, depuis plus de 25 ans maintenant, une nouvelle vision du changement social : l’autonomie.
Des luttes très diverses s’y coordonnent, cherchant à rogner petit à petit, et par l’implication populaire ( en bas à gauche, disent les zapatistes ), de plus en plus d’autonomie face aux institutions du capitalisme. Ce qui se traduit très concrètement sur place et à une grande échelle dans la reprise en main par le peuple de domaines aussi variés que l’éducation et la santé publique. Ou encore par des modèles de fonctionnement démocratiques très originaux.
Aujourd’hui, 25 ans après, les représentants des communautés zapatistes cherchent de plus en plus à nouer des liens avec les peuples de tous les continents. Sans chercher de modèle révolutionnaire préconçu, l’idée étant bien plutôt de s’appuyer sur les expériences locales, dans leurs spécificités et leurs différences, pour construire de vastes mouvements de résistance, pluriels et ouverts.
Premier continent visité, en 2021 : l’Europe. Tout un symbole, puisque le 13 août 2021 correspondra dans la mémoire collective de ces communautés indigènes au 500ème anniversaire du génocide des peuples aztèques par les armées du conquistador espagnol Cortez. Il va s’en dire que la délégation sera en Espagne au mois d’août…
La délégation, principalement composée de femmes, et qui devrait réunir entre 150 et 200 personnes débarquera début septembre en France. Dans la région de Montpellier entre le 1er et le 7. Elle sera composée de membres de l’EZLN, du Congrès National Indigène-Conseil Indigène de Gouvernement qui rassemble les peuples autochtones en lutte contre leur extermination et contre le saccage capitaliste, du Front des Villages en Défense de l’Eau et de la Terre des Etats de Morelos, et de Puebla et Tlaxcala qui lutte contre des mégaprojets de centrales thermoélectriques.
Partout sur le territoire français des individus, membres d’associations diverses, partageant tous une sensibilité commune avec l’expérience des luttes sociales des indigènes mexicains, ou pour certains curieux de voir ce qu’une telle caravane peut provoquer de rencontres entre européens, s’organisent et se coordonnent pour préparer l’accueil.
L’assemblée générale de ce jour avait donc pour objet de continuer à creuser les modalités d’accueil de cette délégation à et autour de Montpellier. Pour se faire, il aura d’abord fallu se mettre d’accord sur les attentes de tout un chacun envers cet évènement. L’idée principale émergente à ce propos étant qu’il s’agit d’une formidable occasion de voir la convergence, ou l’articulation, des différentes luttes que nous connaissons par chez nous d’une autre manière, à travers le prisme des expériences de vie et de combat des indigènes sud-mexicains.
Plusieurs commissions se sont formées autour de l’assemblée montpelliéraine, pour se répartir les différentes tâches sur lesquelles avancer : un groupe en charge de la logistique, un autre des traductions, un autre de la communication avec les habitants de la région et avec les mobilisés des différentes luttes locales. Une dernière commission se chargera d’organiser les différents évènements qui jalonneront cette semaine de rencontre.
Pour continuer à préparer la venue de cette délégation, une prochaine assemblée est déjà programmée pour le dimanche 16 mai, à 12h sur les marches du Corum. En attendant, on trouvera plus d’infos sur le site de la coordination nationale des groupes locaux d’accueil. C’est par ici !
On pourra aussi lire, au sujet de cette “invasion inversée”, le papier de Jérôme Baschet, qui a énormément travaillé sur ce mouvement, paru dans Lundi Matin.
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