Montpellier : les lycéens de Jean Monnet mobilisés contre le bac en présentiel
Après Jules Guesde (également mobilisée ce matin), le ronflement des poubelles à roulettes résonnait tôt ce matin sur le bitume du lycée Jean Monnet à la périphérie de Montpellier. Une foule de lycéens chantant slogan et invectives à l’encontre de Jean-Michel Blanquer dénote quelque peu avec l’image idyllique que le ministre présente de sa gestion de l’épidémie au sein des établissements scolaires. Fidèle à la réputation de son gouvernement il tient, envers et contre tout : quitte à se contredire d’un jour sur l’autre, quitte à s’improviser épidémiologiste du dimanche, quitte à faire passer Ionesco, Genet et d’autres afficionados de l’absurde pour des esprits pragmatiques. Ce serait presque drôle si la réussite scolaire et la santé de milliers de lycéens n’était pas actuellement en jeu. La volonté obstinée du ministre de l’éducation nationale est finalement parvenue à mobiliser les lycées un peu partout en France contre l’imposition d’épreuves en présentiel – malgré des conditions d’enseignement désastreuse depuis le début de l’année.
Plateformes numériques surchargées, informations contradictoires, incertitude totale quant au contenu et au déroulé des épreuves de fin d’année… Autant de raisons qui ont poussé les élèves du lycée Jean Monnet à se mobiliser pendant cette matinée pluvieuse. Un blocage qui s’est en grande partie déroulé dans le calme. Deux patrouilles de police étaient présentes à distance de l’établissement, et ne sont intervenus que pour écarter une poubelle incendiée -rallumée puis éteinte par les pompiers vingt minutes plus tard. Aux alentours de midi, une pluie torrentielle venait à bout des derniers contestataires réfugiés devant le lycée : affaire à suivre dans les prochains jours, avec une suite de la mobilisation plus que probable.
« Aucun programme n’est arrivé à son terme »
Le Poing : Quelles sont les raison de votre mobilisation aujourd’hui et du choix du blocage de votre établissement ?
Ulysse, lycéen en première à Jean Monnet : On se mobilise avant tout par rapport aux épreuves du Baccalauréat, quand on voit que dans les lycées privés il y a du 100% présentiel et que nous dans le public nous sommes à 50% de la jauge d’accueil : je trouve cela inadmissible de devoir payer pour accéder à l’éducation. Jean-Michel Blanquer a fait quelque modifications sur le BAC suite à la mobilisation des lycéens, notamment sur l’épreuve de philosophie où seule la note la plus élevée entre celle du contrôle continu et de l’examen sera conservée. Pour les BTS le système n’a pas changé, les élèves sont obligés de venir passer leur examen sous peine de se voir infliger un zéro : et cela même s’il sont déclarés positifs au Covid ! On est censé continuer à aller en cours et à passer des examens comme si les conditions étaient normales, c’est intolérable.
Les premières de cette année se retrouvent avec un oral de français et un BAC écrit dans la même matière, c’est inadmissible de faire passer des épreuves à des élèves qui ne disposent que de la moitié des cours alors que d’autres y ont pleinement accès.
Entre les semaines de confinements et des cours morcelés dans une désorganisation totale aucun programme n’est arrivé à son terme, la situation est catastrophique.
En ce qui concerne la partie d’enseignement à distance, comment vis-tu les cours délivrés par voie numérique ?
Personnellement j’ai énormément de mal à suivre, je n’arrive pas à apprendre correctement avec ces outils. Passer plusieurs heures d’affilée devant un écran facilite le décrochage, difficile de maintenir son attention dans ces conditions. A côté de cela l’éducation nationale s’obstine à maintenir les outils du CNED pour l’enseignement à distance – apparemment la seule plateforme autorisée pour les enseignants – des outils qui ne fonctionnent pas, la plateforme nationale est saturée en permanence. On ne peut donc pas accéder aux cours, et cette situation n’est pas nouvelle : elle date du premier confinement ! Depuis mars dernier rien n’a changé, seulement l’adaptation en semi-présentiel.
Qu’attendez-vous de cette mobilisation et quelles sont vos revendications pour cette journée de blocage ?
Notre but n’est pas de mettre en difficulté les élèves, par exemple aujourd’hui des épreuves ont lieu pour les BTS : nous les laissons passer pour qu’ils puissent être présents à leurs examens. Avant tout nous souhaitons un passage en contrôle continu pour la totalité des épreuves – pas uniquement le BAC de philosophie – ainsi que l’annulation du « grand oral ». Les terminales passent cet examen d’ici un mois, et ne connaissent toujours les modalités d’évaluation de manière précise. Tous les terminales sont perdus car les informations sont envoyés au compte-goutte, parfois on apprend quelque chose pour que l’exact inverse nous soit énoncé quelque jours plus tard : personne ne comprend cette situation. Aucune consigne n’est claire, même l’administration et les enseignants en sont au même stade que nous.
Comment réagissent les enseignants et le personnel de l’administration à votre mobilisation ?
Les réactions sont très variées. Des professeurs sont avec nous et nous soutiennent, mais ne peuvent pas le manifester directement, même chose pour certains surveillants et membres de l’administration. D’autres sont plus virulents dans leurs réactions, ici ou comme au lycée Jules Guesde où des membres de l’administration ont été particulièrement violents lors des blocages de l’année précédente.
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