Montpellier : gros coup de semonce des chauffeurs de bus tram
Aucun service public des transports urbains ne fonctionnait ce vendredi dans la ville. Ce mouvement de grève révèle le malaise profond de centaines d’agents dépendant directement de la Métropole
« Une journée historique » estimait Laurent Murcia, responsable du syndicat Force ouvrière, archi majoritaire parmi les personnels de la TAM, la société de transports publics urbains desservant Montpellier et les communes de sa Métropole. Historique car le mouvement de grève de vingt-quatre heures déclenché ce vendredi 12 novembre s’est traduit par un blocage total de tout le réseau : pas un seul autobus, pas une seule rame de tramway n’ont circulé sur les quinze lignes desservies par ceux-ci, les quatre par celles-là (sur la commune même de Montpellier). Il faut appeler cela une démonstration de force.
Deux cents manifestants se sont regroupés en début de matinée devant les locaux d’accueil du public en centre ville, face à la gare. De là ils ont effectué une remontée jusqu’aux jardins du Peyrou. Dans le sens montant ou descendant, tout journaliste du Poing a effectué ce parcours de manifestation, interrompant une bonne part du réseau de tram, des dizaines et des dizaines, voire centaines de fois. Mais pour cette occasion supplémentaire, c’était intriguant, sollicitant, très particulier, que les manifestants soient cette fois les propres conducteurs des trams ou bus empruntant normalement ce boulevard.
Un épais malaise s’est installé dans l’entreprise TAM, et selon le responsable syndical, « il va vraiment falloir que ses dirigeants s’occupent des problèmes du personnel, sinon c’est le personnel qui va devoir s’occuper d’eux ». Depuis quelques temps Force Ouvrière brandissait la menace d’une grève perlée, les vendredis et samedis jusqu’à la Noël.
Voilà qui ressemblait à une arme redoutable de dissuasion massive : Mickaël Delafosse peut-il vanter sa politique des mobilités, si celle-ci se traduit par une paralysie du transport public pour la première période de sur-consommation des Fêtes de fin d’année qui pourrait signifier un retour à la “normale”, après des années de fortes perturbations provoquées par les politiques anti-populaires d’Emmanuel Macron, et la pandémie de COVID ?
Finalement, ce mot d’ordre est pour l’heure suspendu, après qu’un accord salarial ait été conclu, certes modeste (1,37 % d’augmentation du point, et l’octroi d’une prime COVID de 400€ à 700€ par agent en fonction de leur niveau de revenus). « Disons que cela garantit un maintien du pouvoir d’achat, puisqu’hélas nous en sommes arrivés là dans ce que nous pouvons espérer obtenir, ce qui est déjà bien mieux que dans beaucoup d’autres secteurs » estimait toujours le responsable syndical.
Dans l’ensemble, le cortège ne se remarquait pas pour une quelconque fébrilité impétueuse. L’atmosphère très automnale semblait faire écho au maquis des questions qui restent dorénavant à négocier. Ces questions touchent, à une profonde « dégradation des conditions de travail », qui est aussi « une dégradation du service public. Aujourd’hui, 70 % des lignes de bus sont affectées par des retards d’horaires. Et la ligne 4 de tramway fonctionne de fait en service réduit permanent ».
Tout cela par manque de moyens mis en face des nécessités de service, dans une phase de sur-pression liée à la sortie des confinements, et à la mise en place difficultueuse de la gratuité. Un employé fait part des inquiétudes du personnel de l’entreprise : « Certains de nos chauffeurs craignent de voir de plus en plus d’accidents se produire, et c’est avec soulagement qu’ils rentrent le soir quand la journée s’est bien déroulée». La densification du trafic due entre autre aux nouvelles pistes cyclables couplées aux mesures de limitation de la vitesse à 30 km/h en agglomération ajoutent des tensions sur la route et sur les horaires que doivent tenir les employés.
En outre il confie : « l’application de ces mesures prises par la mairie va trop vite, et l’entreprise ne prend pas assez en considération les changements rapides de la ville, on commence à être dépassé ». A cela s’ajoutent le mécontentement des usagers, et la pression psychologique qu’ils
subissent. Pointé du doigt, le manque de personnel est une revendication essentielle. Selon un délégué syndical « il manque quarante à cinquante conducteurs de tramway et de bus confondus ». Laurent Murcia poursuit : « en prenant en compte les départs en retraite, mais aussi les services à temps partiel qui se font plus nombreux avec l’évolution actuelle des modes de vie, on a un taux de remplacement du personnel qui ne correspond pas du tout à la réalité des services ».
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