L’unité syndicale ? Pour quoi faire ?

Le Poing Publié le 24 août 2022 à 13:00

Vieux serpent de mer, l’unité syndicale, voire l’unification de syndicats au sein d’une même structure, n’est pas condamnée à être une chimère. Faut-il encore savoir si c’est utile.

Article publié en mars 2022 dans le n°35 du Poing

La FSU, réunie en congrès à Metz début février 2022, a confirmé son ambition de « réunir le syndicalisme de transformation sociale en débattant pour cela avec la CGT et Solidaires des étapes allant dans le sens de la construction d’un nouvel outil syndical, sans exclusive des forces qui seraient intéressées. » Même tonalité au dernier congrès de Solidaires, fin décembre 2021 en Vendée, avec un texte appelant à lever le « tabou » de la « recomposition syndicale à la base ». Ces prises de position sont loin d’être anecdotiques.

Au niveau local, la question de l’unité se pose différemment. « Sur le papier, les intersyndicales c’est très bien, mais dans la pratique, c’est souvent le lieu d’expression de toutes les rivalités et souvent, ce n’est pas productif » constate Murcia, secrétaire général à FO TAM, syndicat majoritaire dans sa branche. « Comment voulez-vous qu’on s’unisse avec des syndicats comme FO et la CFDT qui ont voté la loi Ségur ? » renchérit Lenaïc, de la CGT santé et action sociale. « C’est toujours plus fluide de parler d’unité au sens large mais quand on redescend sur le terrain et qu’on va dans les détails, c’est délicat ». L’unité ne fait pas non plus sauter de joie Richard, enseignant et inspecteur du travail à la retraite pourtant passé par la CFDT, la CGT, FSU et Solidaires : « Je ne suis pas sûr que ce soit un enjeu primordial et ce n’est en tout cas pas une condition pour s’engager dans une bataille ».

Serge Ragazzacci, secrétaire départemental de la CGT, y voit quant à lui « un enjeu majeur ». « Sans unité, dans la rue, ça ne le fait pas. Quand dans une boîte il n’y a que deux syndicats sur quatre qui appellent à se mobiliser, on est plus faible, tout simplement. Quand on appelle à des assemblées générales sur les lieux de travail et que les travailleurs et travailleuses sont impliqué·e·s, les autres syndicats sont obligés de suivre pour ne pas perdre en crédit. » Mais pas question de s’allier à tout prix. « Sur la loi travail comme sur les retraites, on voit bien que la CFDT porte un syndicalisme d’accompagnement et qu’ils préfèrent négocier branche par branche. Mais sans rapports de forces, leurs garanties ne valent rien… » C’est donc bien une question de fond, et non d’arithmétique. Le réformisme macronien de la CFDT semble peu compatible avec la combativité affichée de la CGT, dont la culture empreinte de centralisme semble aux antipodes des pratiques de démocratie directe de Solidaires, etc. Toutes ces différences ne peuvent pas être balayées d’un revers de la main. À moins, bien sûr, que l’unité ne prenne plus la forme d’une organisation syndicale mais d’une initiative plus floue, à l’image du collectif Plus jamais ça, rassemblant ONG et syndicats sur la base d’un appel pour répondre à la crise sanitaire. Mais on s’éloigne sérieusement de l’objectif syndical initial, à savoir l’organisation de la production et des luttes des travailleurs et travailleuses…

Les différentes organisations syndicales ont leur histoire, leur pratique, leur stratégie et reflètent l’état d’organisation actuelle des prolétaires, qui sont les seuls à pouvoir imposer l’unité, s’ils le souhaitent. Encore faut-il se syndiquer.

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