Mouvement des retraites à Montpellier : le 7 mars de toutes les attentes
Un cortège encore plus massif que les précédents. Mais des conditions toujours incertaines pour l’ancrage de la lutte sur le terrain, en force et dans la durée.
Plus de 25 000 manifestant·es selon la police. 42 000 selon les syndicats. Une chose est certaine : en nombre, à Montpellier, ce 7 mars 2023 aura connu le plus puissant des rassemblements contre la réforme des retraites. Un rassemblement encore nettement plus fourni que le seul qui fut organisé un samedi (le 7 février). Et cela alors que désormais la protestation est suffisante pour que les petites villes du département connaissent leurs propres cortèges, aux résultats parfois impressionnants (1000 à 2000 manifestant·es à Clermont l’Hérault), à déduire de la foule dans le chef-lieu.
Il faut donc l’écrire et le réécrire : la ténacité de cette opposition de rue est d’une ampleur et d’une durée rarement égalées. Mais on peine à en dire beaucoup plus : les allocutions des représentants syndicaux, prononcés pour une fois avant le cortège (à partir de 13h30 sur la place de l’Europe, en bord du Lez à Antigone), ont essentiellement martelé l’argument de l’unité syndicale, large et inébranlable, avec elle aussi les allures d’une première historique.
Mais une autre question était également dans les têtes, de manière pressante, face à ce nouveau rendez-vous réussi : « Il n’y a pas à tergiverser. C’est maintenant que toutes les conditions sont réunies. C’est maintenant qu’il faut y aller. Sinon c’est plié ! » estimait un enseignant gréviste, au cours de l’AG de lutte du secteur de l’Éducation, tenue dans la matinée à la Maison des Syndicats. D’une autre manière, Laurent Murcia, leader Force Ouvrière de la TAM, n’était pas moins tranchant en répondant au Poing : « Le gouvernement est allé tellement loin dans le refus d’écouter qu’il n’y a maintenant plus qu’une solution pour gagner, et c’est la grève illimitée ».
De manière analogue, dès 5 heures le matin, le personnel de la société Nicollin se déclarait en grève à 100 %, reconductible, jusqu’à ce que la gêne provoquée se respire très fortement dans la ville. Mais quelles sont les conditions pour que cela se traduise dans les faits ? Le syndicaliste de la TAM confiait aussi : « C’est très dur d’amener tout le monde dans la grève. Les gens sont acculés par les effets de l’inflation ». Même pour cette journée de blocage du 7 mars, des trams étaient en circulation, réduite au niveau de service d’un dimanche, semblait-il peu ou prou.
De manière analogue, dès 5 heures le matin, le personnel de la société Nicollin se déclarait en grève à 100 %, reconductible, jusqu’à ce que la gêne provoquée se respire très fortement dans la ville. Mais quelles sont les conditions pour que cela se traduise dans les faits ? Le syndicaliste de la TAM confiait aussi : « C’est très dur d’amener tout le monde dans la grève. Les gens sont acculés par les effets de l’inflation ». Même pour cette journée de blocage du 7 mars, des trams étaient en circulation, réduite au niveau de service d’un dimanche, semblait-il peu ou prou.
Quant à son homologue de Nicollin, le cégétiste Sébastien Valéro, il précisait que la grève illimitée reste malgré tout au stade d’un objectif : « Il va falloir tirer les conclusions de ce qui se passe vraiment ce 7 mars. Il faudra voir aussi ce qu’indiquera l’intersyndicale sur le plan national. Nous réunirons un C.S.E. ce soir, et c’est sur ces bases qu’on pourra envisager la suite ».
A l’agenda, figure en première place, dès ce mercredi 8 mars, la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, avec son appel à la grève, convergeant cette fois avec le mouvement des retraites. Une AG ouverte aura lieu dans la matinée à la Maison des syndicats (à 11h), enchaînant sur une manifestation (14h, place Zeus). Les allocutions de ce mardi ont souligné comment plus de la moitié des femmes partent en retraite avec une allocation de moins de mille euros mensuels ! Entre autres discriminations de toute nature.
A l’agenda toujours, l’appel des organisations de jeunesse suit, dès ce jeudi 9. Lors des allocutions de ce mardi, la représentante du syndicat étudiant SCUM a souligné comment l’âge moyen d’accès à un emploi stable est actuellement de 27 ans – imaginons la suite en terme d’annuités pour la retraite. La journée de ce mardi avait commencé par des blocages lycéens à Joffre, Clémenceau et Jules Guesde. Dans le cortège d’après-midi, la composante juvénile était beaucoup plus nombreuse que jamais ces derniers temps, et encore plus « déter et révolutionnaire ». Des AG s’annoncent dès aujourd’hui à Paul Valéry et en sciences (où le personnel présent en AG ce mardi s’est prononcé en faveur d’une grève reconductible).
Malgré une bruine assez méchante, c’est l’ensemble du cortège d’après-midi qui n’a pas manqué de pêche (merci les trois bandas). Et en son sein, la section la plus combattive comptant entre deux et trois mille personnes, ce qui n’est pas mince, pour crier puissamment : « Nous, ce qu’on veut, c’est la grève générale »(on trouve là les jeunes, étudiants et lycéens, des bataillons de Sud étonnamment fournis, l’AG montpelliéraine contre la vie chère, les mouvances plus directement politiques de l’UCL, du NPA, de Révolution permanente, quantité de non organisées, les Gilets jaunes).
Celles et ceux de Prés d’Arènes avaient marqué leur matinée en s’invitant à l’intérieur même de la grande surface bordant leur rond-point. Puis devant la gare, et encore Place de l’Europe, ils ont muté en chorale pour exhumer une première version historique du chant “On est là, on est là…”, lequel est en fait issu d’une lutte plus ancienne des cheminots. Ces derniers ont rappelé leur engagement en reconductible dès ce mercredi.
Ce bouillonnement se complétait d’une première tentative de blocage effectif d’une zone d’activités : soit le rond-point qui, à Mauguio, dessert des plateformes de fret de la Poste, d’UPS, et de Bolloré Logistics. Une vingtaine de membres de l’AG montpelliéraine contre la vie chère ont pu s’y installer en filtrant, une bonne part de la matinée, non sans recueillir des marques de sympathie. Toujours avec l’espoir de méthodes d’actions plus ouvertes et entreprenantes, le CAASOS, qui anime la lutte des travailleurs sociaux depuis plusieurs mois, appelait à une AG d’après-manif à la Carmagnole, où la question de constituer une véritable interpro devait être discutée (et qui fait salle comble à l’heure où nous publions ceci).
Dans la matinée, Le Poing avait pu suivre l’AG éducation, qui elle aussi déborde des seules étiquettes syndicales. On put y percevoir comme une synthèse de la situation actuelle : les bilans de la grève du jour étaient généralement encourageants, avec pas mal d’établissements proches du blocage. Puis furent débattues toutes ces idées qui permettraient à un mouvement de se renforcer et faire tâche d’huile : cela va de blocages en inter-pro en sortant des établissements, à toute une quantité de décloisonnements. Par exemple, le marché de La Mosson connaîtra un tractage spécifique des enseignants vers la population, tant la grève des premiers peut impacter les parents d’élèves que sont les seconds. Or ces derniers, les femmes notamment, feront partie des populations les plus durement touchées par la réforme en projet.
On a appris là que certaines caisses de grève connaissent un magnifique succès – grâce à l’effort des retraités notamment. Mais on s’est inquiété de la manière de n’en pas faire profiter que les seuls syndiqués, et de se préoccuper très particulièrement des plus précaires, AESH, et AED, souvent les plus combattifs, mais les moins à même de tenir dans la durée. Aussi bien a été évoqué un décloisonnement où les personnels de lycée se préoccuperaient de ceux des collèges avoisinants ; de même de collèges vers les écoles élémentaires. Cela de sorte que nul ne se sente faible et isolé. Sans oublier qu’il n’y a pas que des enseignants dans l’Éducation, mais aussi des personnels relevant d’inter-pro, qu’ils soient départementaux, œuvrent en cantines, ou autres.
C’est ce décloisonnement, cette ouverture active, cette audace des formes d’action, qu’on n’a pas eu la sensation de cultiver en se contentant de manger les sandwichs de la merguez-party de la place de l’Europe, alors que, physiquement, les occasions devraient y foisonner, pour débattre et se solidariser. On y remarqua un stand et un seul témoignant d’une ouverture élargie au mouvement social : celui de TechnoPolice, qui se bat contre la société de contrôle et de surveillance. Dans le même ordre d’idée, saluons cette pancarte aperçue au bras d’une des manifestantes, élargissant, certes gravement, les horizons : « La main d’œuvre que vous réclamez, vous la laissez couler en Méditerranée ».
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