“L’ivresse des communards”, une conférence pour débunker la propagande bourgeoise du XIXe siècle
Dans son livre qu’il viendra présenter du 25 au 27 octobre à Frontignan, Montpellier et au Vigan sous la forme d’une conférence illustrée, Mathieu Léonard dissèque avec méthode les discours contre-révolutionnaires et hygiénistes qui dépeignaient les classes ouvrières en lutte comme la marque d’une « dégénérescence » en amalgamant mouvement ouvrier, alcoolisme et maladie mentale
L’ivresse des communard, prophylaxie antialcoolique et discours de classe (1871-1914). Derrière ce nom aux mots compliqués se cache un fait simple : après l’insurrection de la Commune de Paris en 1871, les bourgeois se sont servi de l’alcool pour développer un discours stigmatisant les prolétaires, les ouvriers et les révoltés. Par le biais d’images issues de la presse de l’époque, Mathieu Léonard viendra parler de cette thématique le 25 octobre au local La Grève à Frontignan, le 26 octobre au Barricade à Montpellier et le 27 octobre à la P’tite Base au Vigan. En attendant, Le Poing a discuté avec ce chercheur indépendant pour en savoir plus.
Le Poing : Qu’est-ce qui t’as amené à travailler sur cette question et quelles ont été tes sources ?
Mathieu Léonard : Je me suis toujours intéressé à l’histoire. J’avais déjà écris un livre sur la Première Internationale. Et en 2021, la Commune a fêté ses 150 ans, beaucoup de choses sont sorties ou sont réapparues, et pas seulement des récits militants, mais aussi des récits de vie des gens de l’époque. Ce boulet pour le roman national français a quand même été une défaite du mouvement ouvrier. Je me suis donc intéressé au poids du discours contre-révolutionnaire, qui accablait les communards, en les traitant d’ivrogne, de piliers de cabarets ou de canailles. Au début, je me disais que c’était tellement grossier que ça n’allait pas plus loin que l’insulte, mais en fait, je me suis rendu compte que derrière ce discours réactionnaire il y avait tout un volet hygiéniste véhiculé notamment par les médecins versaillais. Du coup je me suis penché sur la littérature contre-révolutionnaire de l’époque, sa presse, les revues de médecine et juridiques.
Tu évoques un discours « hygiéniste », notamment propulsé par des médecins, tu peux développer cette idée ?
Déjà, il faut dire, oui il y avait de l’alcool à cette période-là. Le XIXe siècle est le siècle de l’industrialisation, donc on voit apparaître une industrie de l’alcool. Alcool qui se retrouve dans les cabarets, les bistrots, qui sont des lieux de sociabilité pour les prolétaires à ce moment-là. Mais ce qui préoccupe les bourgeois, hantés par les paniques morales de leur époque, c’est la peur de la révolution, des soulèvements, et donc du prolétariat. Cela va créer un discours psychiatrique sur la « dégénérescence » présumée de la société, qui agirait par contagion, comme la syphilis. Et comme les prolétaires se massent en ville là où il y a du travail, l’alcool va devenir l’aiguillon de ce discours hygiéniste, vu comme une menace contre l’humanité, créateur de maladies héréditaires et de malformations selon les médecins bourgeois de l’époque. Pour eux, c’est un fléau à éradiquer. Cette analyse irriguera plus tard les discours eugénistes.
En fait, c’est comparable aux bourgeois américains qui disaient que le cannabis rendait violent pour stigmatiser les personnes noires et les joueurs de jazz ?
Oui bien sur, on retrouve ça plus tard dans l’histoire. La substance est assimilée à une menace sociale, voire raciale. Quand Darmanin parle « d’ensauvagement de la société », c’est un terme qu’utilisaient déjà les contre-révolutionnaires à l’époque à propos de l’alcool et du prolétariat, il n’y a rien de récent là-dedans.
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