Montpellier : un 8 mars internationaliste et intersectionnel
Plusieurs milliers de personnes se sont réunies dans la rue à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes ce vendredi 8 mars pour une manifestation et une journée d’action syndicale. En parallèle, une action féministe a été réalisée dans l’enceinte de l’internat du CHU pour dénoncer la culture du viol dans le milieu médical
La manifestation est finalement passée entre les gouttes. A 14 heures, sur la place de la Comédie, plusieurs milliers de personnes étaient réunies dans le cadre de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Pour la première fois, cinq confédérations syndicales ( CGT, Solidaires, CFDT, FSU et UNSA) ont appelé de manière unitaire à une grève féministe pour exiger “l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes“. “Quand les femmes s’arrêtent, tout s’arrête”, ont-elles scandé.
Dans leurs prises de paroles, les militantes syndicales ont rappelé que 80 % des emplois à temps partiel étaient occupés par des femmes, et que 70 % des bénéficiaires des banques alimentaires étaient des femmes. Elles demandent ainsi des revalorisations des salaires, des minimas sociaux, des retraites, et des constructions de logements sociaux.
La récente constitutionnalisation de la “liberté de recourir à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG)”, a également été sous le feu des critiques. “On veut un vrai droit dans la constitution, pas une liberté”, ont précisé les militantes, qui demandent également la “réouverture de tous les centres d’IVG qui ont fermé”. D’autres militant·es ont d’ailleurs souligné que cette loi excluait les hommes trans du recours à l’IVG. “Les trans n’ont pas le droit à la PMA ni à l’IVG, c’est le pouvoir qui décide de si on a le droit de procréer ou d’avorter”, s’agaçait une personne concernée.
Quant à ce qui a été brandi par le gouvernement comme “grande cause du quinquennat”, à savoir l’égalité hommes-femmes, les syndicalistes ont fustigé le soutien récent d’Emmanuel Macron à Gérard Depardieu, accusé de viols et d’agressions sexuelles, et exigent 3 milliards d’euros pour des mesures concrètes de protection des victimes. La manifestation s’est ensuite mise en marche en scandant ‘Réarmement féministe contre la menace fasciste”.
Soutien aux femmes palestiniennes
Plus loin dans le cortège, on a croisé une vingtaine de femmes de l’association Tin Hin An (du nom d’une princesse berbère qui a appris à lire ses domestiques) venues du quartier populaire de la Mosson. “D’habitude, on ne participe pas à ces manifestations, mais c’est important pour nous de dire que les femmes de la Paillade sont aussi mobilisées”, explique Zhor, l’une d’elles. “Nos revendications portent sur le droit à l’éducation pour toutes les femmes, car beaucoup d’entre nous, qui viennent du Maroc, ne sont jamais allées à l’école, et sur la précarité.”
La cause des femmes palestinienne a également largement résonné au sein du cortège : le mouvement de soutien à la Palestine BDS (Boycott désinvestissement sanctions) avait d’ailleurs son propre cortège. “Dans une guerre, les premières victimes, ce sont les femmes. En visant les femmes, Israël, dans sa volonté génocidaire, empêche la reproduction sociale du peuple palestinien”, expliquait une des militantes de BDS à la fin de la manifestation. A noter qu’à Paris, des membres de la Ligue de Défense Juive (LDJ), organisation sioniste d’extrême-droite, a agressé des soutiens à la Palestine lors de la manifestation du 8 mars. [EDIT : selon le collectif “Juif.ves révolutionnaires”, opposé à la colonisation menée par Israël, qui dénonce l’utilisation d’un service d’ordre exclusivement masculin, celui-ci n’était pas composé des membres de la LDJ mais plutôt de ceux du Service de Protection de la Communauté Juive qui joue un rôle de protection communautaire devant les écoles et synagogues juives. Bien qu’en désaccord avec le collectif “Nous Vivrons”, classé d’après eux à droite et non pas à l’extrême droite, ils dénoncent le comportement de certains pans du cortège féministe en soutien à la Palestine, rappelant qu’en aucun cas des femmes ne peuvent être jugées comme fascistes ou terroristes du simple fait de leur lieu de résidence, de leur nationalité, de leur religion ou de leur dénonciation des violences sexuelles comme arme de guerre. Avant de dénoncer le refus de l’interorga bordelaise d’accueillir “Nous Vivrons” à la manif du 8 mars.]
La fin de la manifestation montpelliéraine fut l’occasion d’exposer, au sein des luttes pour les droits des femmes, des problématiques ou revendications plus spécifiques. Un collectif de travailleuses du sexe a notamment pris la parole pour dénoncer des lois qui les pénalisent : “Si notre conjoint ou conjointe gagne moins que nous et qu’on l’invite au restaurant, on peut être considérée comme proxénètes, car on fait bénéficier quelqu’un des bénéfices de la prostitution. On a plus de difficultés à se loger, car si on travaille chez nous, on a peur que nos bailleurs nous expulsent, on a aussi peur de se faire agresser”, tout en précisant que “le travail du sexe existera tant que le capitalisme existera.”
Les membres d’un collectif transféministe ont quant à elles évoqué les discriminations que ces personnes subissaient parfois au sein même du mouvement féministe : “On est soit trop féminines, soit trop masculines et oppressantes, certaines organisations féministes nous voient comme des prédatrices et reproduisent un système de domination patriarcal.” Elles ont aussi précisé que sur les 380 personnes trans tuées à travers le monde en 2023, 94% étaient des femmes et 80 % des personnes racisées.
La manifestation s’est ensuite dispersée dans le calme, mais selon nos informations, quatre à cinq personnes auraient été immobilisées par la police au moment de la dispersion, au niveau de l’Opéra-Comédie, et une personne serait actuellement en garde à vue.
Action contre les peintures sexistes au CHU
En cette journée internationale de lutte pour le droit des femmes, quelques internes en médecine au CHU de Montpellier ont décidé de recouvrir les peintures représentant des scènes sexuelles dégradantes pour les femmes qui tapissent le self de l’internat du CHU. L’une d’elle explique au Poing : “Ces fresques pornographiques et sexistes sont présentes sur les murs de tous les internats et chambres de garde des CHU de France, et font partie selon les médecins de la culture interne aux études de médecine. Le gouvernement a demandé leur retrait depuis plusieurs années. Il y a notamment déjà eu une action du collectif Osez le féminisme de Toulouse il y a quelques années.”
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