“Gabriel Attal, ministre du tri social” : A Montpellier, les profs disent non au “choc des savoirs”

Elian Barascud Publié le 2 avril 2024 à 18:01
A l'appel des syndicats, plusieurs centaines de profs ont manifesté le 2 avril à Montpellier pour s'opposer à la réforme du "choc des savoirs". ("Le Poing")

Mardi 2 avril, plusieurs centaines de professeurs se sont réunis dans les rues de Montpellier pour demander l’abrogation de la réforme du gouvernement sur l’éducation nationale, qui devrait entériner la création de “groupes de niveaux” au collège

Oudéa-Castera est partie, mais la colère, elle, perdure. Après leur manifestation le 1er février dernier, les syndicats de l’éducation nationale ont appelé à une nouvelle journée de grève ce mardi 2 avril pour s’opposer à la réforme “choc des savoirs”, officialisée dans la nuit du 16 au 17 mars dernier. Ils dénoncent “un tri social” des élèves de par la création de groupes de niveaux en français et en mathématiques au collèges.

“Manque de moyens”

Fanny, professeure de français en collège et syndiquée à Sud éducation, n’en peut plus : “On dit que les gamins vont pouvoir changer de niveau en cours d’année, mais c’est une hypocrisie totale, on va se retrouver avec des groupes d’élèves en difficultés qu’on ne pourra faire avancer car ils seront surchargés en effectifs et qu’on aura pas de moyens. En plus, le gouvernement veut que les profs se coordonnent et se concertent pour faire des progressions communes entre les classes, mais on à déjà pas le temps, et en plus, on ne sera pas payés pour ça.”

Cette “absence de moyens” est sur toutes les lèvres dans le cortège. “Déjà, si il y avait un prof par classe tous les jours comme Macron l’avait annoncé l’été dernier ça serait bien”, ironise Valérie Barylo, secrétaire générale de la FCPE 34, principale fédération de parents d’élèves. “Nous on se bat déjà au quotidien pour ça en demandant plus de moyens pour embaucher des profs et pour que les absents soient remplacés. Et puis tout le monde est contre cette réforme, qui va créer un tri social entre les élèves. Et d’un point de vue du bien-être à l’école, on constate que la réforme des lycées a eu des effets délétères : à partir de la première, il n’y a plus vraiment de classes car les élèves sont répartis en fonction des matières qu’ils ont choisi. C’est plus dur d’avoir des repères stables et de se faire des copains. Avec cette histoire de groupe de niveau, 9 heures par semaine, il va se passer la même chose, alors qu’à cet âge-là, l’école est un vecteur de repères et de sociabilité.”

De son côté, Jordan Homps, professeur de physique-chimie au collège Arthur Rimbaud de Montpellier et délégué départemental SNES-FSU, explique : “On demande l’abrogation de cette réforme. Le fait que le gouvernement veuille employer des retraités pour venir faire cours à des collégiens, ou charger en effectifs les groupes des élèves les plus avancés en matière d’apprentissage, prouve qu’il n’a même pas les moyens d’appliquer correctement cette réforme. Nous, on demande le vrai collège unique, sans devoirs à la maison, car c’est un vecteur d’inégalités sociales entre ceux qui peuvent se faire aider et les autres, une hausse des salaires et des moyens. Le plus rageant c’est que les établissements privés sous contrat ne sont pas tenus d’appliquer cette réforme, et que même le ministère de l’Éducation nationale est incapable de dire précisément combien d’argent public est alloué à ces établissements”, fustige-t-il, en faisant référence à un rapport parlementaire sorti ce 2 avril sur la question.

Carole, professeure de maths au lycée Mermoz et également syndiquée à la FSU complète : “Dans l’enseignement en mathématiques, le gouvernement veut imposer la méthode Singapour, qui passe énormément par la visualisation et la manipulation d’objets pour l’enseignement. Sauf qu’à Singapour, les élèves ont 12 heures de maths par semaines, contre 4 en France, et les profs ont des temps de formation et de concertation qui n’existent pas chez nous. On nous impose une méthode, mais pas les moyens qui vont avec.”

Une“imposition de méthode” qui passe également par de nouveaux manuels scolaires estampillés “Éducation Nationale”, bientôt obligatoires. C’est ce qui a poussé Florian, un parent d’élève de l’association Une école un avenir, à rejoindre les rangs de cette manifestation “en soutien au corps enseignant”. Il dénonce une “perte de liberté académique” dans les choix de supports qui sont faits par les enseignants pour enseigner le programme. “Il faut respecter les enseignants, on ne peut pas imposer une méthode”, affirme-t-il, drapeau de son association à la main.

Tout un secteur concerné

Et si le collège semble attiser toutes les colères de par la mise en place des groupes de niveau, le “tri social” dénoncé par les syndicats commencerait en fait plus tôt. C’est ce qu’explique Sabine, enseignante en primaire et syndiquée à Force Ouvrière : “Les rectorats commencent à demander aux enseignants de CM2 de faire des évaluations qui permettent déjà de dessiner les groupes, et de rendre des avis lors de conseils écoles/collèges avec les équipes du second degré. Ce n’est pas notre mission.”

Dans la manifestation, des lycéens sont également venus “en soutien de leurs profs”, et surtout, pour s’opposer à la mise en place du Service National Universel. Chani, lycéenne à Jean-Monnet et membre du Syndicat de Combat Héraultais lycéen, en fait partie. “Maintenant, on a un stage obligatoire en entreprise à faire à la fin de la seconde. Sauf que Gabriel Attal a dit que ceux qui ne trouveraient pas de stage iraient au SNU. Nous, on est contre cette militarisation de la jeunesse, et c’est injuste, car trouver un stage c’est dur, il faut avoir les contacts, le réseau, et certains ne l’ont pas.”

“Les gamins des classes populaires iront à l’armée pendant que les autres iront en stages, sauf que le SNU pourra pas absorber, et qu’on va se retrouver à accueillir ceux qui restent au lycée, alors qu’on est en plein BAC, je ne sais pas ce qu’on va faire pour eux”, déplore une autre enseignante.

La manifestation s’est terminée devant le rectorat où une délégation a été reçue.

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