Après les législatives, quelle dynamique pour le Nouveau Front Populaire à Montpellier ?

Le Poing Publié le 20 septembre 2024 à 17:46
6 000 personnes ont manifesté à Montpellier le 7 septembre pour demander la destitution d'Emmanuel Macron. (Mathieu Le Coz / Hans Lucas)

Montpellier, grande ville de gauche, a connu une grosse dynamique autour de la campagne du Nouveau Front Populaire pendant les législatives anticipées, où beaucoup de primo-militants se sont engagés en politique. Quelques mois plus tard, que reste-t-il de cette union de la gauche sur le terrain ? Le Poing a discuté avec des responsables politiques et des militants locaux pour en savoir plus

Article à retrouver dans le numéro 43 du Poing, “La rentrée des crasses”, septembre 2024.
Par Elian Barascud et Jules Panetier.

« On ne se fait pas respecter, on vote pour le Nouveau Front Populaire et on se retrouve avec un Premier ministre qui a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité ! » La colère est sincère dans les rangs de la manifestation du 7 septembre à Montpellier, nationalement lancée par des organisations de jeunesse, et localement assumée par des militants du Syndicat de combat universitaire de Montpellier (Scum), dont beaucoup sont aussi des partisans de La France Insoumise (LFI). « On a lancé l’appel pendant l’été en pensant que si on était 500, c’était le bout du monde » nous confie un militant.

Avec 6 000 personnes dans la rue, les organisateurs ne s’attendaient pas à un tel succès, malgré l’absence remarquée de l’intersyndicale, qui avait pourtant soutenu le NFP pendant les élections législatives anticipées. A noter, également, que les jeunes communistes n’ont pas appelé à la manifestation, même s’ils étaient présents. Le mini parcours prévu (de la préfecture à la Comédie) est apparu trop étroit pour quelques dizaines de jeunes, qui ont souhaité partir en manifestation sauvage, stoppée manu militari par la police. Le Président de la République s’est définitivement attiré les foudres d’une jeunesse dont l’indignation est à la hauteur de l’espoir suscité par l’union des gauches. Une nouvelle manifestation contre “Macron et son monde” est prévue ce samedi 21 septembre à 18 heures avec un départ donné à Albert Premier. Aura-t-elle le même succès que la précédente ?

« On veut des comités du NFP partout dans l’Hérault »

Boris Chenaud, militant montpelliérain au local associatif La Carmagnole, souhaite poursuivre cette dynamique par la création de comités locaux du NFP : « Nous, on a créé celui de Figuerolles parce que c’est là qu’on est implanté. On voudrait des comités partout dans l’Hérault, avec une coordination départementale pour défendre notre programme d’urgence sociale. Le but, ce n’est pas qu’on soit des colleurs d’affiche pour les partis, mais qu’on puisse s’organiser à la base. » Une lettre ouverte à l’attention des députés à récemment été envoyée par la Carmagnole pour faire connaître ces positions.

« Il n’y a pas de déclinaison locale du NFP »

De son côté, Julia Mignacca, porte-parole montpelliéraine d’Europe-Écologie-les-Verts, explique qu’ « il n’y a pas de déclinaison locale du NFP, pas de structuration officielle », non seulement parce que « les partis ont leur propre agenda » mais aussi parce qu’ « au niveau national, le Parti socialiste est sur une ligne Faure [chef du PS],  pro NFP, tandis qu’au niveau local, on est sur une ligne Cazeneuve [ancien Premier ministre de François Hollande, anti NFP] et Macron-compatible ».

L’enjeu, selon elle, c’est de « continuer à mobiliser les centaines de personnes qui se sont spontanément mobilisés aux législatives, avec un engouement incroyable, pour soutenir les candidats du NFP, peu importe leur étiquette ». Et les combats cités ne semblent pas guidés par les échéances électorales : la rénovation du quartier populaire de la Paillade, le maintien du stade de la Mosson, la nécessité d’une ceinture verte aux alentours de Montpellier, la solidarité avec la Palestine, etc.

Une volonté de se décentrer de Montpellier

Le local du Quartier Généreux (QG), bar associatif situé à Albert Ier, a été la porte d’entrée pour de nombreux primo-militants. « Ils n’avaient jamais fait de campagne électorale, voire n’avaient jamais participé à une action collective » nous confirme Cathy Aberdam, membre du QG. « Notre objectif, c’est l’élargissement géographique. Il faut créer du lien entre la métropole et la périphérie, décentrer le regard pour ne pas rentrer dans un entre-soi urbain. On va essayer de délocaliser le QG pour en faire un bar associatif mobile, avec des événements politiques dans la campagne héraultaise. » La gauche domine Montpellier, mais c’est en effet loin d’être le cas dans la ruralité héraultaise, les littoraux votant franchement à droite. Sur les neuf circonscriptions de l’Hérault, le Rassemblement national (RN) en a raflé quatre. Dont la quatrième circonscription, rurale, dont Sébastien Rome (LFI) est le député sortant.

Lui aussi s’interroge sur la manière de délocaliser la dynamique NFP observée à Montpellier dans la ruralité, « pourquoi pas en ouvrant des lieux alternatifs » s’interroge-t-il. Plutôt que de monter sur la métropole, il a préféré organiser une mobilisation à Lodève le 7 septembre. Un rassemblement similaire s’est tenu à Bédarieux. Il partage la nécessité de « continuer à mobiliser les centaines de personnes n’appartenant à aucun parti et qui se sont engagées dans la campagne du NFP. La dynamique ne doit pas venir des partis, mais des gens, des boucles telegram et whatsapp. »

Mais quand on lui demande concrètement quelle formule cela pourrait prendre, on comprend que l’affaire n’est pas dans le sac : « Certains ont évoqué l’idée de pouvoir adhérer directement au NFP, mais je doute que le PS accepte de se mouvementiser, ou que le PCF tolère le principe d’une double-adhésion, sans parler de la gestion des cotisations… Je pense que les candidats aux dernières élections législatives ont un rôle clé pour activer la dynamique NFP. La prochaine dissolution devrait avoir lieu d’ici un an, il faut que la mobilisation soit permanente d’ici là. »

« Sans rentrée parlementaire, on est au point mort »

Les insoumis, toujours majoritaires au sein du NFP, comptent bien faire avancer la coalition sur la base de leur propre agenda, avec leur campagne « censure, mobilisation, destitution ». Tom Guichard, jeune insoumis de Montpellier, évoque aussi la journée de grèves et de manifestations de l’intersyndicale du 1er octobre, jour de la rentrée parlementaire, « pour les salaires, les services publics et l’abrogation de la loi retraites », où la Carmagnole appelle à créer un “cortège NFP”. Il constate amèrement que « sans rentrée parlementaire, on est un peu au moins mort ». Et c’est tout le problème. La capacité de mobilisation et de politisation du NFP, ou plutôt, de LFI pour l’essentiel, ne s’épanouit que lors des périodes électorales. Et la gauche a beau dénoncer, avec justesse, des élections volées, c’est aussi un formidable aveu de faiblesse. En somme, Emmanuel Macron leur dit « et maintenant, vous allez faire quoi ? » Et la gauche de répondre : « eh bien, rendez-vous aux prochaines élections ».

Pas sûr que la jeunesse enragée se contente d’attendre sagement d’agir dans le cadre des institutions de la Ve République, taillées sur mesure pour des gouvernants toujours plus à droite qui ne tolèrent la démocratie que quand elle sert leurs intérêts. « Que voulez-vous, s’il y a des barricades, j’en serai du bon côté », s’amusait Jean-Luc Mélenchon aux universités d’été de son parti. On attend de voir…

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