Près de Montpellier, un collectif se mobilise contre la bétonisation de terres agricoles

Elian Barascud Publié le 26 septembre 2024 à 16:35 (mis à jour le 26 septembre 2024 à 17:07)
Les riverains du quartier Sablassou se mobilisent contre l'urbanisation de leur quartier, qui pourrait entraîner des expropriations. ("Le Poing")

Sur la commune de Castelnau-le-Lez, riverains et élus sont en lutte contre le déplacement d’une clinique privée qui urbaniserait 10 hectares de terres agricoles. Un projet qui pourrait figurer dans le Plan local d’urbanisme intercommunal, présenté le 8 octobre au Conseil de Métropole. Les opposants souhaitent utiliser ces terres pour des cultures afin d’alimenter les écoles de la commune

Début septembre, à cinq minutes à pieds de l’arrêt de tramway Notre-Dame-de-Sablassou, sur la commune de Castelnau-le-Lez, le soleil décline lentement sur les champs et les vignes, qui s’étendent presque à perte de vue. Sur la façade de l’une des maisons qui jouxtent cet espace de verdure, une grande banderole est déployée. “Sauvegardons les terres agricoles.”

Car cette zone relativement épargnée pour le moment par l’urbanisation est visée par un projet de la municipalité et de la Métropole de Montpellier : y établir une réserve foncière pour y déplacer la Clinique du Parc, établissement de santé privé actuellement située près des rives du Lez, fleuve qui longe la commune. Au total, une dizaine d’hectares seraient menacés par le projet.

Richard Corvaisier, conseiller municipal d’opposition à Castelnau-le-Lez, explique : “Au début, la majorité nous vendait l’idée d’un pôle numérique à Sablassou, et on nous disait qu’être contre, c’était refuser le développement économique de la commune. Puis est venue l’idée de déplacer la clinique du Parc, aujourd’hui située sur les Rives du Lez. C’est vrai que son accès est restreint et les voies de circulations sont inadaptées, mais aucune alternative n’a été étudiée, on n’a même pas accès au dossier. Nous, on propose de la mettre à côté du lycée Pompidou, plus proche du tramway et de la route. On nous a rétorqué qu’il y avait un risque incendie, alors qu’une gendarmerie se construit à côté. Et puis, qu’est-ce qu’on ferait de la clinique actuelle ? Là, on se met au service du privé sans contre-parties. Ce n’est pas opportun que la clinique aille à Sablassou, il y aurait des problèmes de transports et il existe une incertitude sur des potentiels risques d’inondations. Le projet actuel profite à la promotion immobilière. On pense que c’est le cheval de Troie de l’urbanisation.”

“Les terres les plus fertiles de la Métropole”

Les opposants au projets (élus, riverains, militants écologistes et experts de la question agricoles) se sont regroupé au sein de “Sablassou association”. C’est dans l’enceinte du jardin partagé de l’association “Maraichons à Sablassou” que l’on retrouve certains d’entre eux, entre des citrouilles déjà énormes, des rangs de pieds de tomate et quelques plantes aromatiques cultivées de manière à former une forme géométrique circulaire. “On l’a appelé Nelson Mandala”, plaisante Frédéric Ortiz, fondateur et animateur de ce jardin partagé, qui fait aussi des cantines populaires. “C’est un exemple de ce qu’on pourrait faire à grande échelle à la place de la bétonisation”, sourit-il en pointant du doigt le potager.

L’association “Maraîchons à Sablassou” cultive un jardin partagé sur les terres “les plus fertiles de la Métropole.” (“Le Poing”)

Car ces terres agricoles menacées d’urbanisation sont “les plus fertiles de la Métropole” selon Vincent Nourigat, co-président du réseau Impact en Occitanie (réseau qui regroupe 10 associations pour répondre aux problèmes agricoles de manière transversale). “Des étudiants en agronomie sont venus les étudier. Elles présentent un sol à la fois sableux, d’où le nom du quartier, mais aussi argileux et limoneux, donc il s’irrigue facilement et il y a un gros taux de matière organique. De plus, il y a 50 puits et norias pour irriguer, et le réseau BRL est déjà branché, et c’est en contact avec la nappe phréatique.” Il craint que de potentiels travaux d’urbanisation polluent ladite nappe.

Face au projet d’urbanisation, les opposants au projet souhaitent installer des agriculteurs en agro-écologie sur ces dix hectares de terres agricoles. “C’est une question de souveraineté alimentaire”, tranche Vincent Nourigat. “Avec ce qu’il serait produit ici, on pourrait alimenter les cantines des écoles de la commune ou la restauration de l’Ephad. Actuellement, la centrale qui fournit les repas aux écoles de Castelnau est basée à Perpignan, c’est une aération écologique et économique, ici on pourrait créer de l’emploi tout en préservant la nature.” Frédéric Ortiz enchaîne : “Cela fait un moment qu’on demande des terres à la Métropole pour montrer nos compétences.” Il imagine ici un “pôle multi-activités avec une installation collective de paysans qui feraient du maraichage, de l’arboriculture, il y aurait aussi des poules et une plateforme logistique pour livrer les produits dans le secteur”.

Pour eux, les propriétaires de ces terres font de la “rétention de parcelles” : “ça fait quarante ans que les municipalités successives leur disent de ne pas vendre ou de ne pas céder le bail à des agriculteurs car un jour ces parcelles seront constructible”, peste Frédéric Ortiz. D’où la revendication de faire de cet espace un “périmètre agricole et espace naturel”, afin de protéger ces terres de la prédation foncière.

Enquête publique et risque d’expropriation

Au cœur de l’été, une enquête publique a été lancée par la Métropole de Montpellier concernant ce projet. “On a eu 1 000 contributions sur Internet, dont 995 négatives”, se réjouit Richard Corvaisier. Si les résultats auraient dû être communiqués à la rentrée, cela n’a toujours pas été fait. Il ajoute que cette hypothétique réserve foncière “passe sous silence l’aspect humain”.

En effet, selon lui, une centaine de personnes vivant sur ces terres pourraient être expropriées. C’est le cas de Florence, une habitante du quartier de Sablassou, qui a récemment reçu un courrier pour l’en informer. “Du jour au lendemain, on apprend que là où vous avez fait notre vie, demain vous avez plus rien, on vous mettra dehors et avec ce qu’on va vous donner, vous ne pourrez pas refaire notre vie ici.”

Alors que le dossier, brûlant, n’a pas encore fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, il devrait figurer dans le Plan local d’urbanisme intercommunal, présenté le 8 octobre au Conseil de Métropole. Lors de leur conférence de presse du 17 septembre dernier en compagnie d’élus écolo métropolitains en rupture avec la politique de la majorité socialiste, tels que Coralie Mention, les opposants ont annoncé qu’il y aurait “une réponse forte en cas de passage en force de la Métropole.” Bientôt une ZAD à Sablassou ?


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