Tribune : « Michaël Delafosse, les “connards” en ont marre de vos travaux »

Le Poing Publié le 4 octobre 2024 à 17:22
Michaël Delafosse, maire de Montpellier (image d'illustration)

La rédaction a reçu cette tribune, ce coup de gueule d’un montpelliérain, lecteur du Poing,qui a tenu à extérioriser sa colère face au mépris affiché du maire socialiste de Montpellier. Michaël Delafosse, lors du congrès du Parti Socialiste à Blois de cet été, avait employé le terme de « connard » pour parler des gens qui râlaient des travaux à Montpellier, et l’auteur des lignes suivantes en fait sans doute partie

Cher Michaël Delafosse. Ce matin, comme tous les matins, j’ai pris ma voiture pour aller travailler. Et j’ai beau être d’un naturel zen, il faut se l’avouer, être automobiliste à Montpellier, c’est éprouver chaque jour des pulsions violentes, des envies irrépressibles de casser des trucs, amplifiées instantanément pour peu qu’on allume la radio pour entendre les nouvelles crasses que le gouvernement nous prépare. Gouvernement qui vous ressemble par votre mépris et votre arrogance. Peut-être que vous auriez dû accepter ce fameux poste de ministre quand on vous l’avait, selon les rumeurs, proposé, vous auriez été dans votre élément et au moins, on aurait eu la paix dans le Clapas.

Car oui, je suis un de ces « connards » dont vous parliez cet été, à s’énerver après vos travaux, coincé dans les bouchons. Ma ville, je croyais la connaître sur le bout des doigts, mais voilà que vos panneaux « déviations » me font chaque semaine découvrir des rues, des itinéraires différents. On a connu mieux comme mise en valeur du patrimoine urbain de la « surdouée ».

Alors, oui, je peste, dans ma voiture que vous jugez trop polluante pour pouvoir rouler à Montpellier d’ici l’an prochain avec votre « zone faible émission », que vous insistez pour imposer malgré un recul du gouvernement sur cette question. Je me retrouve à éprouver malgré moi de la culpabilité quand je traverse les quatre boulevards, en contribuant à l’asphyxie des riverains des lieux qui gueulent depuis deux ans. Que voulez-vous, les « connards » n’ont pas tous les moyens de se payer une bagnole électrique (et si vous y tenez tant, vous avez qu’à descendre vous-même dans des mines de lithium avec des gosses des pays subsahariens pour extraire le composant principal des batteries dans des conditions abominables).

Je peste, car vos ingénieurs en « génie civil » et autres techniciens sont facétieux : parfois, une rue est signalée en sens unique des deux côtés, ou notifiée en sens interdit d’un côté mais pas de l’autre, créant des embroglios avec d’autres « connards » en bagnole, probablement aussi paumés que moi. Me voilà donc, baladé par mon GPS qui a du mal à suivre, à zigzaguer entre les travaux du tramway, les cyclistes perdus avec vos imbitables signalisations de pistes cyclables, à manquer de peu d’écraser un livreur exploité par une plateforme. Lui qui est obligé de rouler à des vitesses indécentes pour espérer gagner de quoi remplir son frigo. Mais pas besoin de leur donner des mauvais coups : la BAC de Montpellier s’en charge déjà, en intervenant comme des cow-boys pour les plaquer au sol dans des snacks.

Le tramway, parlons-en justement. « C’est gratuit mais c’est pourri », comme dirait l’autre. Dans un communiqué de presse des Usagers des Transports de Montpellier paru le 3 octobre, ceux-ci rappellent que les lignes 1 et 3 sont surchargées, et que le service s’est dégradé depuis 2021. C’est même les syndicats de la TAM qui vous le disent. La gratuité c’est bien, même si j’aurais personnellement préféré que les riches paient pour les pauvres. Un principe « socialiste », n’est-ce pas ? Cela vous parle ? Mais vous aviez prévenu le 21 décembre dernier au moment de l’inauguration du dispositif : « les entreprises sont ravies, elles n’ont plus à payer la part employeur de l’abonnement. » La gratuité, un cadeau aux patrons ?

Mon horoscope, que j’ai pu lire dans le dernier numéro papier du Poing, mon journal local préféré, m’a déprimé, en dressant un parallèle entre ma situation personnelle et le constat réalisé par la Cour des Comptes en 2021 : « Sexe : vous êtes comme le réseau de transports de la TAM, vieillissant et souvent en panne. » Monsieur le maire, j’espère sincèrement pour vous que contrairement à moi, vous n’êtes pas capricorne.

Votre solution : une ligne 5 qui tournera en service réduit dès son lancement et des « bus-trams » dont la mise en service est déjà repoussée ? Merci Michaël Delafosse. Et pendant qu’au cœur de l’été, vous sous-traitez la gestion de certains bus à une entreprise qui fait rouler des véhicules au gasoil, moi, avec mon vieux tacot, je n’aurai plus le droit de circuler ?

Si vous cherchez à faire des économies pour financer vos mesures, j’ai ma petite idée, je vous la souffle, parce que parfois, les « connards » ont bon cœur : pourquoi la TAM ne commencerait pas par réduire le salaire exorbitant de Loïc Messner, son directeur général, qui touche 180 000 euros brut, soit ce qu’a gagné Macron en 2018 en sa qualité de chef d’État ? En plus, le bougre bénéfice d’une voiture de fonction. Nul doute que monsieur est donc tout à fait au courant des problématiques des usagers de tramway…

Et puis, tout est une question de méthode : favoriser les transports en commun, je suis pour. Mais que des associations investies dans la question des mobilités découvrent votre « plan mobilité  à l’horizon 2032 » à l’occasion d’une réunion publique (sans élus) quelques jours seulement avant la fin de la concertation publique sur le sujet, ça en dit long sur votre mépris.

Une opacité que pourront également confirmer les opposants au projet de déplacement de la clinique du Parc à Castelnau-le-Lez sur des terres agricoles. Opposants qui se réjouissent d’ailleurs d’un rapport défavorable du commissaire-enquêteur, qui lui-même avait souligné que le projet était est beaucoup plus avancé que ce qu’il est dans la présentation qui en est faite.

Car ce mépris et cette opacité, monsieur le maire, sont vécus de manière violente par ceux que vous appelez les « connards » : j’exprime ici une pensée de soutien pour les riverains du quartier Nouveau-Saint-Roch, qui ont récemment pleuré la disparition d’un majestueux platane, sans en avoir été informés auparavant par la municipalité, ce qu’ils déplorent.

Des travaux, toujours des travaux, qui ne sont qu’en définitive le reflet d’une ambition idéologique plus globale : étendre la voracité d’une métropole barbare qui s’étend sans fin avec ses infrastructures polluantes et ses caméras, au service des intérêts capitalistes et au détriment de la santé et de l’environnement de ses habitants. Jusqu’où ? Jusqu’où chasser les pauvres des centre-villes via des vastes opérations de gentrification, d’aseptisation de nos espaces, comme dans le quartier des Arceaux, avec une place en l’honneur d’un défunt auteur occitaniste pour rappeler une vague spécificité locale, que l’on peine à discerner tant nos « quartiers apaisés », comme ils disent, se ressemblent désormais tous ?

Pendant que vous, maire de Montpellier, (élu, on vous le rappelle, avec 15% des voix des inscrits), évoquez la difficulté de construire des logements sociaux dans un contexte de forte croissance démographique, vous dévoilez au congrès HLM de l’Union sociale de l’Habitat votre nouvelle « folie » architecturale, le futur siège social d’Altemed, le principal bailleur social de la Métropole. Un projet qui coûtera la bagatelle de 30 millions d’euros. Les locataires des logements insalubres ACM ou les habitants de la Paillade menacés d’expropriation par vos opérations de gentrification mais pas encore relogés apprécieront. Même chose quand vous décidez de construire (des travaux, encore des travaux) un « hôtel des sécurités » pour mélanger les forces de police entre elles sur… le site d’un ancien bidonville… Quel symbole renvoyez-vous aux pauvres, aux ségrégués d’une Métropole toujours plus sécuritaire ?

Mais finalement, monsieur le maire, vous ne faites que suivre la ligne de votre mentor et prédécesseur Georges Frèche, dont les réseaux clientélistes qu’il a bâti vous ont sans doute aidé à arriver là où vous en êtes aujourd’hui. Lui disait « Les gens intelligents, ça représente 5 à 6 %. Moi, je fais campagne auprès des cons. » Trente ans plus tard, à quelques lettres près, le vocable reste le même, quoiqu’un poil plus véhément. Je terminerai par une question, posée à tous mes concitoyens : jusqu’à quand laisserons-nous le parti socialiste nous prendre délibérément pour des imbéciles ?

Un « connard » parmi d’autres

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