Montpellier : une ex-candidate Reconquête aux législatives jugée pour provocation à la haine

Elian Barascud Publié le 15 novembre 2024 à 11:09 (mis à jour le 15 novembre 2024 à 11:17)
Salle d'audience du tribunal de Montpellier. (Image d'illustration Le Poing)

Ce jeudi 14 novembre, le tribunal d’instance de Montpellier jugeait Florence Médina, ex-candidate du parti Reconquête aux législatives de 2022 dans l’Hérault, pour provocation à la haine sur les réseaux sociaux. Elle avait évoqué la possibilité de “ratonnades” sur sa page Facebook. A la barre, elle a nié le caractère raciste de son message. Le délibéré sera rendu le 21 novembre

Il est déjà plus de 19 heures quand Florence Médina est appelée à la barre du tribunal d’instance de Montpellier. Cette ancienne candidate du parti Reconquête d’Eric Zemmour aux législatives de 2022 dans l’Hérault comparait pour “provocation à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion”, après une publication publique sur sa page Facebook en novembre 2023 où elle réagissait à la mort du jeune Thomas, tué dans une fête de village à Crépols, dans la Drôme.

Sur ce message, on pouvait lire : “Si c’est la guerre que les racailles veulent ils vont l’avoir. Dans les années 80 il existait des ratonnades – au risque de choquer on peut recommencer, mais nous ne laisserons pas nos enfants se faire assassiner lâchement par des racailles en surnombres et armés. Puisque le Gouvernement ne bouge pas, les Français de Province vont montrer à Paris comment il faut les traiter. Il vaut mieux que les flics les trouvent avant les locaux, car il risque d’y avoir de gros dommages collatéraux – Chez les chasseurs et les agriculteurs, les wesh wesh ne vont pas faire la loi.

S.O.S Racisme et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié (MRAP) entre les peuples avaient alors déposé plainte, et La Ligue des Droits de l’Homme s’était constituée partie civile.

“Émotion médiatique”

D’entrée de jeu, l’avocat de Florence Médina intervient pour soulever des conclusions de nullité. Pour lui, la mesure de garde à vue que sa cliente a subie (24 heures) est disproportionnée : “Normalement, on met quelqu’un en garde à vue pour s’assurer de sa présentation devant les enquêteurs. Ici on a affaire à une cheffe d’entreprise, l’archétype du citoyen respectueux de l’ordre et de la police.” Il mentionne également des difficultés qu’il aurait eu à accéder au dossier en garde à vue, ce qui laisse la juge perplexe. Mais surtout, il pointe du doigt “une enquête à charge pour donner une réponse à l’émotion médiatique”, qui aurait donné de la visibilité à un message qui n’en avait pas à la base. Un message qui, selon lui, a été posté sur “une communauté d’intérêt”, ce qui remettrait en question le caractère public de celui-ci. Florence Médina elle-même a affirmé qu’elle ne savait pas si elle avait posté un message public ou réservé à sa communauté.

Un argument qui n’a pas dupé Me Gallon, l’avocat du MRAP : “On est face à l’hypocrisie de Mme Médina : elle dit que le message n’est pas public, alors que son rôle politique l’emmenait à chercher l’exposition.” Le procureur, pas convaincu non plus, décide de joindre l’incident au fonds.

Tribune politique

Celle que son avocat présente comme une cheffe d’entreprise modèle, pleine d’engagements humanitaires, notamment en Afrique, reconnait la publication, mais nie son caractère raciste. Bien qu’elle ne soit plus membre du parti d’Eric Zemmour, elle commence alors dans la salle d’audience un discours digne d’un talk-show d’une chaîne du groupe Bolloré : “Non, ce n’est pas raciste. Pour moi, les racailles ce sont des gens violents, peu importe leur origine. Je n’ai pas visé de groupes en particulier avec ce terme.” La juge rétorque : “Pourtant, dans votre message, vous opposez les racailles aux français non ?”
Réponse de l’intéressée : “Les assassins de Thomas ont dit qu’ils venaient tuer du français, je l’ai vu sur une vidéo que l’on m’a envoyé, car les journalistes ne nous disent pas tout. Aujourd’hui, on peut se faire attaquer de manière aléatoire. Vous connaissez le nom des auteurs de ce fait ? Mon intention avec ce message était d’interpeller le garde des sceaux et le ministère de l’Intérieur pour les pousser à réagir, il faut dénoncer ceux qui tuent tous les jours nos enfants à coups de couteaux.”

Après un débat sémantique sur le terme de “ratonnade”, dont Florence Médina fait là encore mine de nier son caractère raciste (alors qu’en garde à vue, elle avait évoqué des actions menées par des “skinhead” dans les années 80 quand on lui en avait demandé la définition), elle reprend : “Je n’ai plus de boulot depuis cette affaire, qui est devenue publique. Je voulais juste me saisir d’un débat que l’on nous confisque depuis des années car le gouvernement manque de courage. Le problème vient des quartiers, avec des soucis de drogues, de radicalisation…”

Pour Me Gallon, Florence Médina “ne comprend pas ce qui lui est reproché. J’entends bien une forme de naïveté, mais quand on est une femme politique il faut faire attention à ce qu’on dit sur les réseaux sociaux. Elle semble mettre de côté la puissance du verbe, mais juste après cette publication, il y a effectivement eu une tentative de ratonnade à Romans-Sur-Isère, menée par l’extrême-droite, qui voulaient se venger du meurtre de Thomas. Pour moi, le délit d’appel à la haine est donc constitué.” Il demande 6 200 euros de dommages et intérêts pour le MRAP.

Le procureur souligne lui aussi une imprudence dans les propos de l’ex-candidate Reconquête. “Je suis inquiet, car vous n’avez pas su mesurer la gravité de vos propos. Quand vous parlez des “wesh-wesh, on sait que vous visez les arabes, c’est haineux et raciste.” Il requiert alors six mois de prison avec sursis, 15 000 euros d’amende, une inéligibilité pendant trois ans, l’affichage de la décision de justice pendant deux mois et un stage de citoyenneté.

Mais pour l’avocat de la militante, elle n’est pas raciste. “Elle a mené des projets humanitaires en Afrique, fait travailler une personne d’origine ivoirienne dans son entreprise en alternance… C’est une véritable mise à mort pour elle, on en a fait la fasciste de service, il n’y pas d’éléments intentionnels dans son message, c’est un appel aux autorités à faire quelque chose, pas un appel à la haine.” Il plaide quant à lui la relaxe. Le délibéré sera rendu le 21 novembre.

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