Montpellier : la saison deux des agriculteurs en colère a commencé
Ce lundi 18 novembre, quelques dizaines d’agriculteurs de la FDSEA, syndicat agricole majoritaire, et des Jeunes Agriculteurs, se sont réunis devant la préfecture pour manifester leur opposition au traité de libre échange entre l’Union Européenne et le Mercosur et leur colère contre la “surcharge administrative”. François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault, est allé à leur rencontre et a assuré entendre leurs revendications
Bon, il faut se l’avouer d’entrée, la manifestation de ce 18 novembre n’a pas grand chose à voir avec le précédent mouvement de protestation des agriculteurs à Montpellier le 26 janvier dernier : pas de cortège de tracteurs ni de palettes en feu devant la préfecture, et surtout, un nombre de manifestants bien moins important qu’au début 2024.
Quelques dizaines d’agriculteurs seulement ont répondu présent à l’appel de la FDSEA, branche départementale de la FNSEA, principal syndicat agricole français, dont la forme de cogestion, voire d’accointance avec le ministère de l’agriculture, a été maintes fois documenté. Jean-Pascal, vigneron de Béziers, en fait partie. Il vient pour manifester sa colère quant à la signature potentielle d’un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur (union de cinq pays d’Amérique du Sud). “On ne veut pas que la France importe l’agriculture qu’elle ne veut pas sur son sol, c’est-à-dire de la viande aux hormones ou d’autres produits dangereux pour l’environnement et la santé. Et puis ça créerait de la concurrence déloyale car dans d’autres pays, les coûts de productions et la main-d’œuvre sont moins chers. Nous, on souhaite la mise en place d’une TVA sociale avec une taxe sur les importations qui permettrait de financer autre chose, comme la sécurité sociale par exemple.” Jean-Pascal dénonce également “les contraintes administratives”. “Je dois passer une journée et demi par semaine dans la paperasse, c’est chronophage, ça et les contrôles, c’est épuisant…”
Pendant que ses confrères finissent d’entasser des panneaux de villages devant les grilles de la préfecture, Christophe Sabatier, l’un des responsables syndicaux de la FSDEA, rajoute au micro : “On travaille en moyenne 60 heures par semaines et 70% d’entre nous ne touchent même pas le SMIC, on en est au point où l’on est fiers quand les enfants ne reprennent pas l’exploitation et partent travailler ailleurs, pourquoi nous sacrifier pour importer de la merde ?”
Le préfet Lauch à la rescousse
Fait peu commun, le préfet de l’Hérault lui-même est descendu de son bureau pour rencontrer les agriculteurs. Plus rare encore, c’est au mégaphone (prêté par la FDSEA), qu’il s’exprime : “Je remercie les organisateurs pour les conditions dans laquelle cette manifestation s’organise. J’ai reçu cinq sur cinq vos revendications. Dans l’Hérault, vous payerez 6,4 millions d’euros au total de moins de taxe sur le foncier non bâti cet hiver, et nous mettons en place une aide de 12,8 millions d’euros à l’arrachage des vignes, et je soutiens le projet de retenues d’eaux hivernales du Département.” Après quelques échanges entre des agriculteurs et le préfet, le cortège s’en va en direction de la place de la Comédie pour mener une action de bâchage de la statue des Trois Grâces.
Divergences stratégiques
Est-ce parce que la FNSEA est réputée proche du gouvernement que François-Xavier Lauch s’est montré si à l’écoute, ou parce que l’État craint de nouveaux blocages comme le pays en a connu l’hiver dernier ? En tout cas, pour la FDSEA, la stratégie est pour l’instant de manifester pacifiquement, comme l’explique Jean-Pascal, notre vigneron biterrois : “Le but, c’est d’avoir l’opinion publique avec nous, donc de gêner le moins possible les gens, c’est pour cela que nous n’avons pas ramené les tracteurs et que nous n’avons pas organisé la manifestation avec la Coordination rurale [NDLR : syndicat agricole dont certains cadres sont proches de l’extrême-droite, dont les sections locales disposent d’une certaine indépendance. Lire notre article sur le boom de la CR34 par ici ]. On les a rencontré vendredi, on est d’accord avec eux sur le fonds, mais pas sur les stratégies. Eux ils veulent affamer le pays en faisant des blocages, c’est pas notre but à nous. S’il n’y a pas de solutions présentées rapidement, il se peut qu’on fasse des actions coordonnées avec eux. Coordonnées, mais pas ensemble.” Ni la FDSEA 34 ni les Jeunes Agriculteurs de l’Hérault n’ont communiqué en amont et en public de point de rendez-vous précis pour la mobilisation du jour, se contentant d’évoquer une manifestation à Montpellier. Les horaires de ladite manifestation n’étaient disponibles que dans la presse locale, dans des articles non-repris sur les réseaux sociaux des deux organisations agricoles. L’an dernier, le premier blocage du mouvement avait commencé spontanément dans la foulée d’une grande manifestation organisée par les même syndicats à Toulouse, sur proposition d’un simple adhérent de la FNSEA, Jérôme Bayle, plus ou moins désavoué par les cadres de son organisation.
De son côté, la Coordination rurale, justement, va entamer un blocage du frêt alimentaire à la frontière espagnole ce mardi 19 novembre. Un convoi partira vers le Boulou, avec deux rendez-vous. Le premier à 6h du matin au péage de Vendres/Béziers Ouest, auquel Robert Ménard a prévu de se rendre. Un second à 7h au rond-point de la liberté de Narbonne. Le blocage du frêt au Boulou sera initié par les Coordinations Rurales de l’Hérault et de l’Aude, pendant que les autres sections du sud-ouest organiseront des rassemblements devant les préfectures, avant de rejoindre. La Coordination Rurale annonce aussi des blocages de bases logistiques de la grande distribution.
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