“Je ne trouve plus de sens à mon métier” : à Montpellier, des AESH en grève
A l’appel de plusieurs syndicats de l’éducation nationale, les Accompagnant·es des élèves en situation de handicap (AESH) étaient mobilisé·s ce jeudi 16 janvier dans les rues de Montpellier pour demander la reconnaissance de leur profession, des augmentations salariales et des recrutements
En cette journée de grève nationale appelée par plusieurs syndicats de l’éducation nationale (CGT, FSU, SNALC, FO et Solidaires), quelques centaines de personnes se sont réunies place de la Comédie pour réclamer une reconnaissance du métier et une augmentation salariale des AESH, qui aident les enfants en situation de handicap à l’école. Cette profession, précaire et à temps partiel, a vu ses conditions de travail se dégrader ces dernières années par le biais de réformes successives conduisant à une mutualisation des agents pour plusieurs élèves, voire sur plusieurs établissements.
Clovis, AESH depuis une dizaine d’années dans un collège montpelliérain classé en zone d’éducation prioritaire, témoigne : “Quand j’ai commencé, j’étais en 30 heures pour m’occuper de trois élèves, soit dix heures par enfant, et on était sept AESH dans l’établissement. Aujourd’hui, je suis toujours en 30 heures, mais je dois m’occuper de sept enfants, et on est quatre. Comme beaucoup, il partage la revendication de l’intersyndicale de reconnaître ses trente heures de travail comme un temps plein pour voir son salaire, au SMIC horaire, augmenter, ainsi que la création d’un vrai statut de fonctionnaire de catégorie B pour les AESH. “Il faudrait plus d’embauches aussi”, ajoute-t-il.
“Il y a des élèves que je vois très peu, là par exemple cette semaine j’en ai vu un que je n’avais pas accompagné depuis presque 15 jours, je dois tout le temps modifier mon emploi du temps si je veux tous les voir”, continue le trentenaire. “Du coup, j’arrive en cours, je ne sais plus où les profs en sont des programmes, je ne sais pas si l’élève que j’accompagne a tout retenu… Puis je dois accompagner un élève en fauteuil roulant et l’aider à se déplacer entre les salles à chaque heure, donc j’abandonne l’élève avec qui je suis en cours cinq minutes avant la sonnerie, et je reviens au cours suivant cinq minutes après qu’il ait commencé.”
Une “flexibilité”qui pourrait encore s’accroitre avec une nouvelle réforme que les syndicats souhaitent voir abandonner : les PAS («pôles d’appui à la scolarité ). D’abord présenté dans le projet de loi de finances 2024, le dispositif avait été censuré par le Conseil Constitutionnel, qui avait jugé que cela n’avait rien à voir avec une loi de finances. Les voilà réapparus sous forme d’expérimentation dans quatre départements (le Var, l’Aisne, la Côte-d’Or et l’Eure-et-Loir) à la rentrée 2024. Ils visent « à simplifier et clarifier la gestion des AESH sur les temps scolaire et périscolaire, et à permettre aux AESH un temps quasi complet en ajoutant aux 24 heures de temps scolaire jusqu’à 8 heures pour la pause méridienne », est-il précisé dans un dossier de presse gouvernemental daté du 16 mai dernier.
Les AED aussi dans la rue
Et dans la manifestation, on croise aussi quelques assistants d’éducation, trivialement surnommés “pions”. Ces derniers mois, ceux du lycée Mermoz s’étaient mobilisés contre une suppression de poste dans leur équipe, mettant à mal selon eux la sécurité des élèves dans l’établissement. Paul, AED dans un autre lycée montpelliérain, raconte : “Avant, on ne pouvait faire ce métier que six ans. Maintenant, on peut passer en CDI au bout des six ans, mais la paie n’augmente pas, il n’y a pas dévolution de carrière, et comme beaucoup de gens qui font ce métier sont étudiants ou précaires, c’est dur de se mobiliser. Là où je travaille, on est vraiment à flux tendu, si il y a un absent c’est une galère sans nom pour s’organiser, il faudrait embaucher plus, et qu’on soit payés mieux que le SMIC.”
La manifestation s’est terminée devant le rectorat, où une délégation a été reçue pour faire entendre ses revendications. “Mais avec Elizabeth Borne au ministère de l’éducation, qui dit qu’elle ne croit pas qu’on attende d’un ministre qu’il soit spécialiste de ces sujets, je ne sais pas si ça va vraiment aboutir”, souffle un prof venu en soutien.
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