Montpellier : une grande troupe israélienne empêchée d’ouvrir le festival de danse

Le Poing Publié le 17 juin 2025 à 14:05
La Batsheva Dance Company est souvent considérée, certes abusivement, comme "la" compagnie nationale" de l’État hébreu.(Photo de

La Batsheva Dance Company, le plus célèbre des ensembles chorégraphiques israéliens, devait danser au Corum samedi 21 et dimanche 22 juin pour l’ouverture du Festival Montpellier Danse. On ne peut attribuer l’annulation de sa venue à la pression des militants pro-palestiniens. Lesquels ne manqueront pas de se réjouir, néanmoins : c’est la furie guerrière du gouvernement de Nethanyaou qui pose une limite au soutien jusque-là inconditionnel du festival montpelliérain, pour dérouler le tapis rouge à cette compagnie symbole du Culture-washing de Tel-Aviv

La direction du Festival Montpellier Danse a publié dans l’après-midi de ce lundi 16 juin 2025 un communiqué annonçant l’annulation des deux spectacles de la Batsheva Dance Company, samedi et dimanche prochain en soirée dans le grand Opéra-Berlioz du Corum. La pièce Momo, sa toute dernière, avec son énorme effectif de vingt danseurs et danseuses sur le plateau, devait inaugurer la quarante-cinquième édition du festival international Montpellier Danse. Les quatre mille spectateurs attendus devront être remboursés.

Sous la direction artistique du chorégraphe Ohad Naharin, cette compagnie créée en 1964, est la plus connue des formations de danse israéliennes, sur le plan international. On l’a souvent considérée, certes abusivement, comme “la compagnie nationale” de l’État hébreu. C’était la quinzième fois, depuis 1992, qu’elle se voyait programmée sur une scène montpelliéraine. Le directeur du festival de danse. Jean-Paul Montanari (récemment disparu) lui a toujours déroulé le tapis rouge, en ayant fait de Montpellier l’un des lieux les plus actifs pour l’accueil des compagnies chorégraphiques israéliennes dans l’Hexagone.

Il a toujours juré que ses motivations n’étaient qu’artistiques. Il n’empêche que, chez ce directeur chevillé au système politico-institutionnel de la Ville, ces initiatives ont toujours donné lieu à de curieux mélanges de genre : présence des représentants diplomatiques de l’État d’Israël, mobilisation de la communauté juive montpelliéraine dans les salles, discours tonitruants des élus sionistes montpelliérains (dont le fameux « Nous avons fait de Montpellier un poste avancée de Tsahal », prononcé par Georges Frêche alors maire, lors d’une soirée de première de la Batsheva).

Encore récemment, la conférence de presse de présentation du festival 2025 voyait la présence de la très radicale déléguée régionale du C.R.I.F. (Conseil représentatif des institutions juives de France), dont on ignorait jusqu’alors un quelconque intérêt particulier pour les choses de la danse. Certes, une programmation de ce type se décide souvent avec un an d’avance, voire plus. Il n’empêche que les massacres à Gaza étaient déjà intensifs lorsque le directeur du festival montpelliérain décidait d’inviter cette compagnie pour ouvrir ce qu’il savait devoir être sa dernière programmation, éminemment symbolique au moment où il prenait sa retraite.

C’est pourquoi les soutiens du peuple palestinien ne pourront qu’éprouver une forme de soulagement devant cette annulation, même si ce n’est pas leur mobilisation qui en est à l’origine. Le communiqué officiel donne pour cause la fermeture de l’aéroport de Tel-Aviv, causé par la nouvelle guerre déclenchée cette fois contre l’Iran par Benyamin Nethanyaou. Mais Jean-Paul Montanari n’avait jamais caché que l’accueil de cette compagnie était aussi un vrai casse-tête, en termes sécuritaires, pour les autorités locales.

A plusieurs reprises, des mobilisations, certes pacifiques, s’étaient produites contre ces venues à Montpellier. Cela à l’initiative du groupe local de B.D.S., qui assume le boycott actif des productions artistiques israéliennes – parfois mal compris, puisqu’il est commun de penser la culture comme “neutre”, “sacrée” et par nature porteuse de “valeurs positives”. Pour l’ensemble de la campagne mondiale B.D.S. (Boycott, Désinvestissements, Sanctions), il ne faut pas tomber dans ce piège du Culture-washing, exposant la vitrine magnifique d’un État riche d’une vie artistique et intellectuelle ouverte, selon les normes occidentales, alors que ce même État pratique par ailleurs l’apartheid, la colonisation, et à présent le recours à la famine comme arme de guerre dans une logique génocidaire.

Si bien que la tenue des soirées au Corum auraient eu quelque chose de monstrueux en termes d’égarement moral, au regard d’une actualité terrifiante. Le communiqué publié comprend des extraits d’un message de Dina Aldor, la directrice exécutive de la compagnie, évoquant « notre cher Jean-Paul » pour parler du directeur montpelliérain récemment décédé, tout en égrenant de lénifiant vœux pieux à propos de « la capacité humaine à parvenir à la réconciliation et la compréhension », pour assurer enfin : « Nous prions pour la paix, toujours ».

D’autres se battent, en soutien aux victimes.

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