Compte-rendu du procès du syndicaliste Richard Abauzit
Montpellier Poing Info, le 7 septembre 2017 – « Je ne suis pas inquiet car je n’ai rien à me reprocher, mais j’ai la rage ». Devant les 50 personnes venues pour le soutenir, le syndicaliste Richard Abauzit ne décolère pas. Convoqué à 14h au tribunal de grande instance de Montpellier, il devra attendre plus de 4h30 avant d’être interrogé par le juge. Ça laisse le temps de remarquer quelques scènes étranges : des journalistes installés sur la table réservée à la presse, comme il est d’usage, mais qui se permettent de manipuler les dossiers que les greffiers ont laissé près d’eux, et qui, quelques dizaines de minutes plus tard, comparaîtront eux aussi en tant que prévenus dans une affaire de diffamation ; des avocats qui ricanent avec le procureur alors que la nature de leurs fonctions respectives font qu’ils ne devraient pas être si proches ; ce-même procureur qui se permet de parler à un inconnu pendant plusieurs dizaines de minutes en plein milieu des débats, sans que le juge ne le reprenne à aucun moment. Bref. Richard Abauzit finit par être appelé à la barre.
Son crime ? Avoir dénoncé, lors d’une conférence de presse qui a donné lieu à la rédaction d’un article publié le 2 décembre 2014 dans la Marseillaise l’Héraut du jour(1), les méthodes de gestion du personnel de l’institut Saint Pierre de Palavas-Les-Flots. Le directeur de cet hôpital pour enfants, Patrick Beeusaert, n’a pas apprécié les critiques et a porté plainte contre Richard Abauzit pour diffamation. Ce qui est formellement reproché à ce dernier, c’est d’avoir dénoncé « une situation cruelle et perverse » et « un management de la terreur ». L’ancien inspecteur du travail nie avoir employé l’expression « management » car il préfère toujours parler de « gestion du personnel » et ne pense pas avoir parlé de « terreur » car il sait à quelle période historique cela fait référence, mais sur le fond, il estime que la journaliste n’a pas dénaturé ses propos et il assume tout.
Pour le défendre, son avocat rappelle le cas de ce salarié qui a signé 51 CDD alors que la loi prévoit deux renouvellements au maximum, et le cas de cette femme, qui après avoir porté l’entreprise devant les prud’hommes pour, même topo, un renouvellement abusif de CDD, mais qui a abandonné ses démarches après une promesse d’embauche de CDI, et qui s’est finalement faite virée deux semaines après la signature du contrat pour « faute grave ». Est-il vraiment déraisonné de parler d’ « une situation cruelle et perverse » et d’« un management de la terreur » dans ce cas là ?
La défense a également pointé du doigt la confusion de la fonction de directeur de M. Beeusaert et de sa fonction de pasteur. Dans une vidéo publiée le 27 avril 2009 par Ze Mag(2), « le plateau TV où les invités peuvent parler ouvertement de leur expérience avec Dieu », lorsque le journaliste demande au directeur si ses employés viennent le voir en tant que pasteur, il répond « Oui. Les chirurgiens me disent “je viens voir le pasteur, l’homme de Dieu, celui avec qui on peut prier” ».
Le délibéré sera rendu le 16 novembre à 14h.
(1) « A l’institut Saint-Pierre, “une situation irrationnelle”», La Marseille l’Hérault du jour, 2 décembre 2014
(2) Lien de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=kpFIoC-ytHY
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