À Montpellier, la mobilisation contre l’islamophobie est partie pour durer
Le Poing
Publié le 24 novembre 2019 à 19:59 (mis à jour le 24 novembre 2019 à 20:04)
Une centaine de personnes, pour la plupart des noirs et des arabes, ont manifesté sous la pluie cet après-midi à Montpellier, en scandant « islamophobie, ça suffit » et « le racisme ne passera pas ». Déjà, le 28 octobre, en réaction aux propos racistes d’un élu d’extrême-droite à l’encontre d’une musulmane, cent cinquante personnes s’étaient rassemblées sur la Comédie, et des femmes voilées avaient pris la parole pour dénoncer un climat islamophobe. Après l’émotion, la construction d’une mobilisation anti-raciste pourrait bien être à l’ordre du jour sur Montpellier.
« Il faut qu’on se batte »
« Je n’ai pas l’habitude de parler dans un micro, mais aujourd’hui j’en ai vraiment besoin » clame cette femme voilée sur la Comédie. À la télévision, les politiciens et les éditorialistes se bousculent pour parler des femmes voilées, mais la parole des principales intéressées importe peu. D’où l’importance de les écouter : « Je suis investi dans les deux écoles de mes enfants, en tant que parent-déléguée, et je m’occupe de tous les élèves. J’investis mon temps, mon argent et mon esprit pour améliorer les problèmes de tous, et je ne vois pourquoi cela devrait s’arrêter parce que je porte un voile. Je passe une formation pour devenir assistante maternelle, et après une semaine seulement, mon voile a été évoquée, alors que j’ai parfaitement le droit de le porter. Il faut qu’on s’exprime, c’est comme ça qu’on se bat dans ce pays. »
« Racisme d’État »
L’un des organisateurs de la mobilisation tient à politiser l’événement : « Se défendre individuellement, oui, mais ce qu’on subit, c’est un racisme d’État, qui s’inscrit dans la continuité de la colonisation. Si les problèmes pour trouver un logement ou un emploi sont les mêmes aux quatre coins de la France, c’est bien que c’est un racisme systémique, systématique. Et ça ne concerne pas que les musulmans, mais aussi les arabes, les noirs, les roms… Le défenseur des droits a révélé que les noirs et les arabes ont vingt fois plus de chances de se faire contrôler par la police que le reste de la population ! Si on se limite à parler uniquement du racisme interpersonnel comme le fait SOS Racisme, on se détourne des vrais enjeux. L’ennemi, c’est l’État. »
La laïcité est évidemment au cœur des discours : « Déjà, en 1905, il y avait les antireligieux primaires, et ceux qui étaient pour que chacun ait le droit de croire et de pratiquer, ou non, et c’est cette vision qui l’a emporté, notamment grâce à Aristide Briand rappelle un orateur. Mais depuis la fin des années 1980, cette vision de la laïcité est remise en cause, et l’islam est clairement devenu une cible. En 2004, quand la loi interdisant le port de signes religieux à l’école est votée, c’est après des polémiques qui visent uniquement les musulmans. Dans les faits, ce sont les islamophobes qui ont modifié la laïcité… »
« On va continuer »
Même dans les luttes antiracistes, impossible de ne pas évoquer les gilets jaunes : « C’est évident que l’islamophobie permet de détourner l’attention sur les problèmes sociaux note un manifestant. Moi, je n’ai jamais perçu ni d’homophobie, ni d’islamophobie chez les gilets jaunes, mais je ne pense quand même qu’ils ne développement pas assez le volet antiraciste. Mais il n’est jamais trop tard pour la convergence. » Un autre évoque la nécessité d’inclure les femmes voilées dans les manifestations contre les violences faites aux femmes : « Ça aurait été une bonne idée d’y intégrer un cortège de femmes voilées, car ce sont d’abord elles qui sont visées par toutes ces polémiques racistes ! »
L’un des organisateurs affirme avoir pris le contact de la plupart des manifestants : « Bien sûr qu’on va continuer. Après l’émotion suscitée par ce lâché d’islamophobie, c’est le temps de la construction d’un mouvement. On verra les formes que ça peut prendre, mais l’islamophobie est parti pour durer, alors nous aussi. ».
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