À Montpellier, les Chiliens toujours mobilisés contre la répression ultra-violente du régime

Le Poing Publié le 29 octobre 2019 à 19:27
Manifestation de soutien au mouvement social chilien à Montpellier, en octobre 2019. (Image d'illustration / "Le Poing")
Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées lundi soir sur la place de la Comédie de Montpellier en soutien à la mobilisation historique du peuple chilien, malgré la répression ultra-violente du régime de Piñera. Parti d’une augmentation du ticket de métro, le mouvement social chilien semble depuis vouloir solder les comptes avec la dictature anticommuniste d’Augusto Pinochet, dont l’ombre plane toujours sur cette longue bande de terre du sud de l’Amérique latine.

« Le capitalisme a peur du peuple »

Au son des casseroles martelées en rythme, les slogans fusent : « Piñera, écoute : va te faire foutre », « Les chiliens ne se rendent pas » ou encore « Le capitalisme a peur du peuple ». Les pancartes arborées par les manifestant·e·s sont du même acabit : « Nous ne sommes pas en guerre », ou « Nouvelle constitution », en référence à une revendication centrale des opposant·es chilien·n·es qui réclament une révision en profondeur de la constitution adoptée dans les années 1980 par le régime de Pinochet, profondément libéral et autoritaire.

Plusieurs des personnes rassemblées ici, pour beaucoup des franco-chilien·nes, font le parallèle entre la situation chilienne et celle de la France : c’est là-bas qu’a été élaboré en pratique le modèle néolibéral que Macron essaie d’imposer au forceps ici : privatisation totale des services publics – notamment école et santé –, retraites par capitalisation, dérégulation économique. Et là-bas comme ailleurs, ce modèle a fait la preuve de sa puissance dévastatrice tant sur le plan social qu’écologique.

David, un des organisateurs du rassemblement, le rappelle au mégaphone : « Ce qui se passe là-bas peut être précurseur pour nous, en bien comme en mal. » En effet, une victoire du mouvement social au Chili enverrait un signal à l’ensemble des peuples oppressés par les intérêts privés. Un slogan a fait le tour des réseaux sociaux au Chili : « Le néolibéralisme est né au Chili. Il mourra au Chili ».

La France : un modèle de répression

Mais l’inverse est aussi possible : les classes dirigeantes mondiales montrent de plus en plus leur capacité à faire corps pour défendre leurs intérêts mutuels. Ainsi de ce sénateur pro-Pinochet prenant exemple sur la gestion des gilets jaunes par Macron pour justifier la répression organisée par son gouvernement. Comme en écho, Jean-Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, a refusé d’annuler la participation de la France à la Cop-25 au Chili en décembre, ce qui aurait pourtant permis de faire pression sur Piñera pour le pousser à retirer l’armée des rues. Quand on constate avec quelle promptitude la France a soutenu les sanctions américaines contre le Venezuela ou Cuba, on ne peut que pointer du doigt une telle asymétrie.

Au micro, David ajoute : « L’absence de travail de mémoire ouvert et libre », au Chili, après la fin de la dictature, a permis la situation actuelle, ce cauchemar qui recommence si brutalement. Mais « en France aussi, les blessures, même plus anciennes, peuvent se rouvrir à tout moment », avertit-il.

Violeta, appartenant à la deuxième génération d’exilé·es, suit avec ferveur et angoisse la situation là-bas. Sa mère, âgée de plus de 70 ans, qui a connu la dictature de Pinochet, se retrouve de nouveau à descendre dans la rue, la peur au ventre. La tentative de Piñera de réactiver le traumatisme de la dictature chez les plus ancien·nes pour les contraindre à l’inertie a finalement eu l’effet inverse : faisant corps contre la répression, se retrouvent (ou, peut-être même, se rencontrent, politiquement) les générations qui ont subi la junte militaire et celle qui n’a connu que le silence de plomb imposé par la paix bancale obtenue après la transition, au prix de nombreux renoncements, dont le principal aura été de ne pas juger de nombreux tortionnaires et corrompus du régime, dont les descendant·es jouissent encore de la position sociale gagnée dans le sang de leurs victimes et des biens qu’ils et elles ont accaparés.

Si le gouvernement a lâché un peu de lest, les personnes interrogées ne se font guère d’illusions : il n’est nul part question de réviser le modèle économique et démocratique en profondeur, ni de juger les tortionnaires et les assassins et leurs donneurs d’ordres – passés ou actuels, car ce sont bien deux époques qui s’imbriquent à travers des pratiques sinistrement semblables. Reste à voir si l’opération d’enfumage de Piñera aboutira à une démobilisation, ou si le mouvement persistera.

En attendant, la situation sur place reste inquiétante : tirs à balles réelles, morts suspectes, disparitions, séquestrations, tortures, violences sexuelles, enlèvements à domicile (notamment d’activistes étudiant·es)… Tout semble indiquer que le pouvoir se tient prêt à une véritable épuration sociale, sans doute échaudé par le climat de défiance généralisée vis-à-vis du capitalisme qui secoue l’ensemble de l’Amérique du sud et de nombreux pays du monde.

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