A Montpellier, une ex-militante identitaire condamnée pour violence enseigne à la fac de droit

Le Poing Publié le 24 janvier 2025 à 06:00
La fac de droit de Montpellier a été le théâtre d'une violente attaque menée par un commando cagoulé d'extrême droite en mars 2018. ("Le Poing")

Bientôt huit ans après l’affaire du commando de la fac de droit de Montpellier, où des étudiants avaient été molestés par un groupe d’extrême-droite conduit par un enseignant, des syndicalistes ont lancé l’alerte ce lundi 20 janvier en Conseil administratif de l’Université de Montpellier sur la présence d’une ex-militante du groupuscule génération identitaire, dans la même fac, où elle donne des cours dans le cadre de son contrat doctoral

Article écrit en collaboration avec nos confrères de Rapports de Force, et à retrouver également sur leur site Internet

Décidément, la faculté de droit de Montpellier n’en a pas fini avec les enseignants d’extrême droite condamnés pour des faits de violence. Après la condamnation puis la radiation de Jean-Luc Coronel de Boissezon pour sa participation au commando de 2018,  voici Flora Salacroup, dit Teissier, condamnée en 2022 pour des violences dans les locaux de SOS Méditerrannée Marseille.

Ce sont des syndicalistes qui ont lancé l’alerte, ce lundi 20 janvier, lors d’un Conseil administratif de l’Université de Montpellier : “Le 5 octobre 2018, nous rappelant les exactions commises dans nos locaux de la fac de droit la même année, un commando de 22 personnes, s’introduit dans les locaux de SOS Méditerranée à Marseille. Munis de bâtons et de battes, des nervis d’extrême-droite expulsent violemment les employés et bénévoles de l’association. […] A la tête du commando, Flora Salacroup-Teissier est alors étudiante en licence de droit. Où ça ? A l’Université de Montpellier, en licence de droit. Elle validera un master en droit des assurances en 2023”, décrivait l’un deux à l’assemblée.

Jusque-là, rien qui ne regarde vraiment les instances universitaires. Mais en septembre 2024, Flora Salacroup commence une thèse en droit des assurances sous le patronyme de Flora Teissier (nom de sa mère). “Elle a été condamnée en 2022, et normalement, le personnel de l’université doit présenter un casier vierge pour pouvoir donner des cours. Comment se-fait-il qu’elle puisse enseigner ?”, s’interroge un syndicaliste. Car Flora Teissier, condamnée en première instance pour une intrusion avec violence dans les locaux d’une ONG a donné au premier semestre des cours… “d’introduction au droit”, à des premières années de licence… 

Fin 2024, c’est la Ligue des droits de l’Homme de Montpellier qui s’était inquiétée auprès des autorités universitaires qu’une doctorante condamnée pour des faits de violence donne des cours à des étudiants dans une université marquée par le traumatisme de 2018. Mais ni le doyen de l’université ni le responsable de l’école doctorale n’avaient donné suite, selon l’association..

Les Salacroup alias Teissier, une famille identitaire héraultaise

Pourtant, les faits sont tout sauf anodins. Flora Salacroup allias Teissier a été reconnue coupable de « violence en réunion suivie d’incapacité supérieure à 8 jours » par le tribunal correctionnel de Marseille le 20 octobre 2022. Celui-ci l’a condamné à une peine de 8 mois de prison avec sursis pour l’intrusion avec violence commise dans les locaux de SOS Méditerranée de Marseille, avec 22 autres militants de Génération Identitaire [groupuscule dissous en 2021] le 5 octobre 2018. La jeune femmes s’était fait ouvrir la porte de l’association en se présentant comme une candidate au bénévolat. Lors des audiences, trois des sept salariés présents lors de l’intrusion ont nommément accusé la jeune femme de violences à leur égard, dont l’une, enceinte, a perdu son bébé deux semaines plus tard. 

La plupart des condamnés, dont Flora Salacroup dit Teissier, ont fait appel de la décision. L’affaire devrait revenir devant le tribunal d’Aix-en-Provence dans le courant de l’année.

Johan Salacroup, dit Teissier, était quant à lui cadre de la section montpelliéraine de Génération Identitaire. Lui aussi a participé à l’attaque des locaux de SOS Méditerranée, et deux ans après sa condamnation, il n’a rien perdu de sa haine contre l’ONG, il a seulement changé de méthode. En mai dernier, Le Poing révélait que Johan Teissier avait lancé un recours contre une subvention que la Métropole de Montpellier voulait accorder à S.O.S Méditerranée, via l’ASLA (association de soutien aux lanceurs d’alerte) une structure liée à Génération Identitaire dont le but est d’assurer un support juridique à ses militants. 

Quand l’extrême droite violente sort par la porte, elle re-rentre par la fenêtre

Pour les syndicats qui ont informé la présidence de l’Université , la présence d’une militante identitaire à la fac de droit vient raviver le souvenir encore douloureux du commando du 22 mars 2018. Une dizaine personnes cagoulées et armées avait alors pénétré dans un amphithéâtre pour chasser brutalement des étudiants en lutte contre la sélection à l’université qui l’occupaient. Parmi les assaillants, on retrouve le très droitier Jean-Luc Coronel de Boissezon, alors professeur d’histoire du droit, depuis passé dans l’école de Marion Maréchal puis à Reconquête le parti d’Eric Zemmour, où il est devenu cadre. 

 Condamné au pénal à un an de prison ferme, il a été définitivement révoqué de tout établissement public le 30 septembre dernier, après un feuilleton administratif de plus de six ans. 

    “On est pas là pour faire une chasse aux sorcières, mais il nous parait normal que quelqu’un qui a déjà été condamné pour violences ne puisse plus enseigner, surtout au vu du passif à la fac de droit”, commente le syndicaliste. 

Contactée, la présidence de l’Université de Montpellier confirme qu’“un employeur public procède systématiquement à la vérification du B2 du casier judiciaire lors de toute embauche d’un personnel contractuel. Cette vérification, qui a bien été réalisée lors de l’embauche de Madame Teissier, a permis de constater l’absence de toute mention portée à son casier judiciaire.” Elle ajoute que “À ce jour, après renseignement pris, la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel, qui ne comporte d’ailleurs aucune sanction d’interdiction professionnelle, n’est pas définitive dans la mesure où Madame Teissier a relevé appel, suspensif, de cette condamnation. En l’état, la question posée est donc sans objet. “

Une réponse qui ne convient pas vraiment aux syndicalistes : “Philippe Augé, le président de l’Université, est prof de droit, il ne se place que du point de vu du droit, pas de l’éthique, vue la situation et en attente du procès en appel, elle n’aurait pas du être recrutée comme enseignante.”. En tout cas, si Flora Salacroup alias Teissier conteste les violences dont l’accusent les salariés de SOS Méditerranée et la peine qui a été prononcé à son encontre, elle ne conteste pas l’intrusion avec 22 membres de Génération identitaire  dans les locaux de SOS Méditerranée qu’elle a continué à revendiquer de lors de son procès en 2022. 

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Montpellier : 250 personnes en manif et une assemblée pour lutter contre la fascisation de la société