Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s ” | Gaza suffoque, l’air devient un ennemi

18 mai 2025
Gaza suffoque

Relayer les textes écrits par Abu Amir, jour après jour, plusieurs fois par jour, dans cette lente et violente dégradation de la vie nous a t il rendu impuissant.e.s pour agir collectivement ? Ce texte date du 17 Mai, jusqu’où laisserons nous faire ?

Dans la bande de Gaza, l’air n’est plus une bénédiction. La brise matinale ne porte plus la vie, mais une mort silencieuse. En temps de guerre et de blocus, même l’oxygène devient un luxe, et respirer un acte douloureux, périlleux, surtout pour ceux qui ont inhalé la fumée, la poussière et la cendre, ou pour ceux dont la poitrine bouillonne de l’intérieur à cause d’un air empoisonné qui alimente les poumons de feu, non de vie. Aujourd’hui, Gaza n’est pas seulement un champ de ruines, mais un lieu d’asphyxie, d’agonie lente, où les maladies se répandent en silence, comme se multiplient les tombes. Entre pénurie de médicaments, air pollué et effondrement du système de santé, une épidémie pulmonaire s’installe dans les corps épuisés par la guerre, créant une catastrophe sanitaire aussi meurtrière que les bombes.

Un air qui tue

Depuis des mois, avec l’intensification de l’agression israélienne, les frappes ont ciblé les zones industrielles, les dépôts de carburant, les réseaux d’égouts et les décharges. Ces destructions n’étaient pas fortuites : elles ont provoqué une pollution atmosphérique massive, qui s’est infiltrée dans chaque tente, chaque abri, atteignant les poumons des enfants, des femmes et des personnes âgées sans aucun filtre. Aucun toit pour les protéger de la poussière noire, aucune fenêtre à fermer pour contenir un air pur. Les poumons exposés à un ciel en feu, respirent cendres et gaz, emmagasinant la mort cellule par cellule.

Une toux sans fin… une respiration qui pleure

Abou Mohammed, père de quatre enfants vivant sous une tente près du camp de Nuseirat, raconte : « Mon petit garçon ne dort plus… Il tousse toute la nuit, jusqu’à l’épuisement, puis pleure au lieu de respirer. Chaque jour, je crois qu’il va mourir dans mes bras. »

Cet enfant – comme des milliers d’autres – n’a ni inhalateur, ni appareil de respiration, ni même une cuillère de sirop. Tout ce qu’il possède, c’est une petite poitrine trop étroite pour la vie, mais assez large pour la douleur. Et lorsqu’on lui demande comment il se sent, il répond : « Je n’arrive plus à respirer, maman… »

Hôpitaux fermés, médicaments introuvables

Il ne reste plus d’hôpital fiable à Gaza. Les services d’urgence sont débordés, les unités de soins intensifs transformées en tombes temporaires. Les générateurs ne fonctionnent plus, les stations d’oxygène sont totalement détruites. Même les ambulances ont été prises pour cible, rendant chaque transport de patient une aventure mortelle.

Un médecin du sud du territoire témoigne : « Nous avons des patients qui ont besoin de séances d’oxygène chaque jour… Sans cela, ils meurent en quelques heures. Mais il n’y a pas d’oxygène, pas d’électricité, pas même un lit disponible. Nous devons parfois les renvoyer chez eux pour qu’ils meurent là-bas, afin de libérer une place pour un autre. »

Asthme et fibrose pulmonaire : une extermination silencieuse

La catastrophe ne se limite pas aux infections passagères. Des rapports médicaux de terrain révèlent que de nombreuses affections chroniques évoluent vers des fibroses pulmonaires incurables, nécessitant une assistance respiratoire permanente. Or, à Gaza, ce “permanent” ne dure que quelques heures, car même les machines à oxygène dépendent d’une électricité inexistante, tout comme l’eau, la nourriture, ou les soins.

Les femmes enceintes face à l’inconnu

Les femmes enceintes vivent une double tragédie. Avec un air contaminé, une alimentation insuffisante et l’absence de suivi médical, les médecins observent une augmentation alarmante des fausses couches et des malformations fœtales. Une infirmière rapporte : « Certaines femmes accouchent de bébés souffrant de malformations du système respiratoire… certains naissent morts, d’autres meurent après quelques jours. » L’utérus à Gaza n’est plus un sanctuaire pour la vie, mais un champ de bataille où l’on ne distingue plus entre embryon et combattant.

Sous les décombres… l’air reste empoisonné

Dans certaines zones bombardées, des cadavres sont restés coincés sous les ruines pendant des jours. Faute de moyens ou à cause des bombardements persistants, les secours n’ont pas pu les récupérer. Cette accumulation, sous une chaleur étouffante et des insectes proliférants, a produit une atmosphère toxique, pleine d’odeurs nauséabondes, provoquant une recrudescence des maladies respiratoires parmi les habitants voisins.

Pénurie de médicaments : un crime silencieux

La pénurie de médicaments à Gaza est devenue une évidence. Mais aujourd’hui, il ne s’agit plus de produits secondaires ou de compléments alimentaires. Ce sont des traitements vitaux qui ont disparu, notamment : Les bronchodilatateurs, Les inhalateurs pour asthmatiques, Les anti-inflammatoires respiratoires, La cortisone, Les antibiotiques

Ces médicaments – autrefois synonymes de survie – ne franchissent plus les frontières du territoire à cause de la fermeture des points de passage, du blocage des transferts médicaux, et du refus de l’occupant d’autoriser l’entrée des aides médicales, sous de faux prétextes de sécurité.

Des organisations impuissantes… un monde qui regarde

L’UNRWA, qui gérait plusieurs centres médicaux, a vu la plupart de ses cliniques hors service, ciblées ou privées de financement. Les équipes médicales de terrain travaillent héroïquement, mais sans moyens, elles ne peuvent que témoigner de la mort, sans pouvoir la prévenir.

Et le monde ? Il se limite aux déclarations, à une inquiétude de façade, à des réunions qui n’évitent pas la suffocation d’un seul enfant. Aucun pont aérien, aucune aide médicale suffisante, aucune pression réelle pour faire entrer ce qui sauve des vies. C’est ainsi que se pratique l’extermination : pas seulement par les bombes, mais en privant les gens d’air et de médicaments.

Gaza ne suffoque pas seulement… elle est enterrée vivante

Ce qui se passe aujourd’hui dans la bande de Gaza est un crime à part entière, dont le titre serait : « La mort lente ». Les gens n’y meurent plus seulement sous les bombes, mais par l’absence de tout ce qui rend la vie possible : un souffle sans feu, une poitrine sans pus, un médicament sans autorisation ennemie.

Dans une tente quelque part, un enfant pleure. Non parce qu’il a été frappé, mais parce qu’il ne peut plus respirer. Sa mère pleure aussi, sans rien pouvoir lui offrir, si ce n’est une étreinte désespérée, comme si son étreinte pouvait soigner son souffle. Mais elle sait – comme tout le monde – que la douleur à Gaza ne se console pas… Elle s’en va, emportant les respirations, une à une.

Gaza ne meurt pas en criant… Elle suffoque dans le silence.

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