Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Raconter une journée de joie arrachée aux larmes de Gaza
8 juin 2025Dans le journée du 6 Juin Abu Amir envoie le récit d’une journée divertissante pour les enfants déplacés à Mawasi Khan Younis : une fête parmi les tentes pour l’ Aïd al- Adha
Au cœur de la tragédie que vivent les habitants de la bande de Gaza, les enfants demeurent le maillon le plus faible et le plus durement touché, notamment durant les fêtes, ces moments qui, ailleurs, sont synonymes de joie et de célébration. Tandis que les enfants du monde entier attendent l’Aïd al-Adha avec impatience, ceux de Gaza l’appréhendent avec des yeux remplis de peur. Pour eux, la fête s’est transformée en un nouveau chapitre de douleur et de souffrance.
Plus de cadeaux, plus de rituels festifs, plus de jeux, ni de visites, ni de vêtements neufs. À la place : des tentes dispersées sur la plage, des larmes suspendues aux paupières des mères, et de petits cœurs qui se sont habitués au bruit des bombardements à la place des rires d’enfance.
L’enfance à Gaza se fane sous les flammes de la guerre. Les enfants ont perdu leurs frères, leurs parents, leurs maisons, et jusqu’au sens même de la sécurité. Beaucoup d’entre eux ne comprennent pas ce qu’est une fête – pour eux, ce n’est qu’un jour de plus passé dans les camps de déplacés, sans nourriture suffisante, ni eau potable, ni endroit sûr où jouer. Au lieu de porter des habits de fête, ils portent la peur. Au lieu de courir dans les rues pour jouer, ils fuient les bombardements. L’occupation, fidèle à elle-même, n’a pas épargné la fête de ses massacres ; elle s’est même acharnée à envelopper les jours de joie d’un linceul de deuil, faisant du sang des enfants une triste composante des rituels festifs.
Et pourtant, malgré cette réalité sombre, l’UJFP a tenu à offrir aux enfants un soupçon d’espoir en ce jour sacré.
Son initiative récréative, organisée sur la plage de Khan Younès, fut comme une lueur dans l’obscurité. Pour la première fois depuis des mois, de la musique a résonné sur le rivage. Les enfants sont venus, quittant leurs tentes dressées sur le sable ou les camps voisins à Mawasi Khan Younès. Des mascottes ont envahi les ruelles, apportant avec elles un peu de joie et invitant les enfants à rejoindre l’événement. Une fois rassemblés, la musique de la vie a recommencé à battre dans leurs cœurs. Ils dansaient, sautaient, tournaient, comme s’ils renaissaient.
Leurs petits visages semblaient frôler le ciel. Leurs rires, clairs et perçants, semblaient crier au chagrin : « Nous sommes toujours là ». Leurs petits pieds volaient sur le sable, suivant le rythme comme pour échapper aux souvenirs de la guerre. Certains dansaient les yeux brillants d’étonnement, comme s’ils ne croyaient pas avoir encore le droit à la joie. L’un d’eux étreignait une grande peluche en tournoyant, un autre la poursuivait en riant, tandis que de jeunes filles balançaient timidement leurs hanches avant d’éclater de rire en voyant leurs camarades jouer sans retenue. C’était un moment saisissant, presque irréel, un rêve volé à un temps que ces enfants ne connaissent que par les histoires.
Les mères regardaient leurs enfants sauter et danser, les yeux embués de larmes. Des larmes qui n’exprimaient pas le chagrin, mais le miracle de voir la joie revenir à leurs petits. Elles les regardaient tourner sur eux-mêmes, applaudir, et pendant un instant, on aurait cru que la guerre reculait, que leurs cœurs alourdis par le chagrin recommençaient à battre. La plupart n’ont pu retenir leurs larmes ; elles coulaient silencieusement sur leurs joues, tandis qu’un léger sourire, fatigué mais porteur d’espoir, naissait sur leurs lèvres. Pour chaque mère, ce moment de danse représentait une petite victoire sur la mort.
Et pendant que les enfants dansaient, certains jeunes et pères se sont joints à eux, comme pour dire : « Nous aussi, nous voulons être heureux. Nous voulons chanter, danser et vivre. Assez de larmes, de deuils, de pertes. Nous avons le droit de vivre. » J’ai vu un père porter son enfant sur ses épaules en dansant sur le sable, un autre courir vers son fils pour partager avec lui un moment de rire et de bonheur. C’était comme si ce moment unissait des générations entières à la recherche d’un sens à la vie, au milieu des ruines. Ils dansaient non seulement pour exprimer leur joie, mais aussi pour dire non à l’abandon, résister à la douleur, et affirmer que Gaza, malgré la destruction, reste capable de faire naître une fête à partir des décombres.
Ce jour n’était pas qu’un simple événement récréatif : c’était un acte de résistance humaine face à la guerre, une affirmation que la vie continue de battre à Gaza malgré tout. Les enfants de Gaza ont prouvé, à travers leur danse innocente au milieu des décombres, que la joie est un droit. Et même s’ils ont été privés de la fête telle que la vivent les enfants du monde, ils sont encore capables de créer un instant de bonheur, volé aux griffes de la douleur, dans l’attente d’une vraie fête – sans bombardements, sans exode, sans larmes.
Lien des photos et vidéos
https://drive.google.com/drive/folders/1bl4EtOM8bDpvasK0g5aXOrUmUPxA5Ju_
La pollution, les insectes et rongeurs dans les camps de Déplacé.e.s
Le travail des équipes continue dans les Ateliers de soutien psychologique pour les femmes : le 5 Juin à Deir al-Balah
Dans l’une des grandes tentes communautaires du camp des Amis à Deir al-Balah, transformée en refuge forcé pour des familles ayant perdu leur maison, leur sécurité, et parfois même des membres de leur famille, vingt femmes déplacées se sont réunies.Des visages marqués par le déplacement, fatigués par l’attente, mais toujours porteurs de ce regard simple, empreint d’espoir, qui disait en silence : « Nous continuons d’essayer».
L’atelier organisé cette semaine par les équipes de l’UJPF était un espace psychologique et humain sécurisé, un petit havre de paix pour respirer, pleurer, se libérer, et aussi remettre un peu d’ordre dans le chaos de la vie sous les tentes. La séance portait un titre étroitement lié au vécu quotidien de chaque femme présente : « Pollution, insectes et rongeurs dans les camps de déplacés ». Un titre qui peut paraître anodin à première vue, mais qui résume une menace silencieuse s’insinuant au cœur de la vie de chaque famille du camp, les blessant sans bruit, semant peur et maladie dans leurs corps.
Les femmes étaient assises en cercle, les animatrices exprimant leur compréhension profonde de la souffrance vécue par chaque femme : non seulement la perte de leur maison ou le manque d’eau et de nourriture, mais surtout le combat quotidien pour protéger leurs enfants contre des dangers invisibles comme les mouches, les rats, les maladies, les mauvaises odeurs, l’humidité et la pollution. Il n’y avait pas de place pour les apparences ; celles qui animaient la séance n’étaient pas seulement des expertes, mais aussi des femmes conscientes de ce que signifie avoir peur pour son enfant à cause d’une piqûre de moustique, devoir couvrir la nourriture avec un vieux tissu faute de mieux, ou poser l’oreille sur la poitrine de son fils pour écouter sa respiration car on n’a pas de médicament s’il tombe malade.
Les animatrices ont commencé par montrer des images réelles prises dans les camps : des tas d’ordures accumulés, des ustensiles exposés à l’air libre dans des tentes délabrées, des enfants dont les visages portaient les traces des piqûres d’insectes. Elles ont parlé de la manière dont un environnement pollué devient un lieu idéal pour la prolifération des mouches et moustiques, de la transmission des maladies par les rongeurs, et de la façon dont l’absence d’eau potable et d’assainissement transforme une tente de fortune en un lieu menaçant la vie. Ce qui était douloureux dans cet atelier, c’est que la plupart des femmes n’avaient pas seulement besoin d’être sensibilisées, mais aussi d’être entendues, reconnues dans leur souffrance, et de voir leur réalité admise comme anormale et inacceptable.
Une femme d’une trentaine d’années, d’une voix tremblante, a parlé de ses nuits sans sommeil, craignant que les rats mordent ses enfants, de la manière dont elle couvre les ustensiles avec de vieux vêtements, de ses tentatives de créer une barrière en plastique entre le sol boueux de la tente et leurs espaces de couchage. Une autre femme a parlé de sa fille souffrant d’éruptions cutanées après une vague de piqûres d’insectes, et de son bébé qui souffre de diarrhée à répétition à cause de l’eau contaminée. Elle a dit d’une voix étouffée : « Tout ce que je demande, c’est de me sentir rassurée pour mes enfants, juste un seul jour… Un jour sans tomber malade de peur. »
Puis est venue la phase d’échange de savoirs : les animatrices ont présenté des solutions simples et applicables dans les conditions difficiles du camp — comment utiliser le citron ou le vinaigre pour repousser les mouches, l’importance d’éliminer immédiatement les restes de nourriture, comment recycler les bouteilles vides pour conserver les aliments, et encourager les femmes à collaborer pour nettoyer les abords des tentes. Les participantes, à leur tour, ont commencé à partager leurs propres astuces, chacune apportant ce qui avait fonctionné pour elle, comme si l’atelier s’était transformé d’un espace de plaintes en une table de solutions, d’une tente de douleur en un lieu de solidarité.
À l’approche de la fin de l’atelier, les femmes se sentaient un peu plus fortes. Non pas parce que leur situation avait changé, mais parce qu’elles avaient compris qu’elles n’étaient pas seules, qu’il y avait des personnes à l’écoute, présentes et solidaires. Les animatrices ont insisté sur le fait que cette séance n’était que le début d’un chemin, avec d’autres ateliers à venir sur la santé, l’hygiène, la nutrition et les moyens de s’adapter aux dures réalités du déplacement. Elles n’ont pas promis de miracles, mais ont semé des graines d’autonomisation, donné des outils de prévention, et surtout : insufflé aux femmes la confiance qu’elles peuvent agir, même dans les circonstances les plus extrêmes.
Dehors, le soleil commençait à se coucher, la poussière emplissait toujours l’air,. Les femmes sont reparties avec des pas alourdis par la réalité, certes, mais plus conscientes, plus fermement ancrées dans la vie. Car le changement ne commence pas toujours par de grandes décisions, mais parfois par un verre d’eau couvert, un morceau de tissu propre, ou même un sourire d’animatrice qui dit : « Nous sommes avec vous… et nous ne vous laisserons pas seules. »
Lien photos et vidéos https://drive.google.com/drive/folders/1Wb8H87cYYgfIavKH0KTGR07QhtWQNKHn
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