Autorité de la loi : quand Delafosse se tire une balle dans le pied
Pour se protéger de l’impact négatif de la mise en place de la ZFE dans l’opinion, le maire-shérif de Montpellier invente que la loi reste en vigueur mais que tout le monde est libre de ne pas la respecter. Au Poing, on savait déjà que l’absolue neutralité de la loi n’est qu’un mensonge bourgeois. La loi traduit un rapport de forces entre intérêts divergents. Cela joue le plus souvent en faveur des dominants. On se réjouit que ce politicien, qui aurait été de gauche, en vienne à contredire dans les faits, son propre discours sur l’ordre institutionnel
« Force restera à la loi ». « Force restera à la loi ». « Force restera à la loi ». Combien de fois n’a-t-on entendu Michaël Delafosse, maire de Montpellier, chef de file de l’ex-gauche néo-sécuritaire, coqueluche de la presse de droite et d’extrême-droite, marteler ce mantra. Comme tant d’autres élus, le voici empêtré dans l’impopularité de la mise en place de la loi ZFE. Il s’agit de ces “zones à faible émission” (de particules fines dans l’atmosphère).
Michaël Delafosse approuve cette loi sur le fond. On peut en comprendre l’objectif, puisqu’il s’agit de protéger les populations de nuisances graves pour la santé (47.000 décès imputés annuellement). Reste que des dizaines de milliers d’automobilistes (pour la seule agglo de Montpellier) se voyaient interdits de circulation au 1er janvier dernier, sans le premier centime pour pouvoir changer de véhicule, alors que ça leur coûterait une blinde, et que les aides (im)prévues sont insignifiantes. C’était le modèle type d’un scénario gilet-jaunesque, du plus mauvais effet à un an des élections municipales.
Sous la pression des maires des villages alentours, pour les habitants desquels le problème est plus aigu encore, le Poing a raconté comment Michaël Delafosse a accepté de mettre en place un moratoire. Il explique à qui peut comprendre que la loi ZFE reste en vigueur, mais bon, par son pouvoir magique, aucune verbalisation ne viendra sanctionner les automobilistes en infraction avant qu’on en reparle au 1er janvier 2027, une fois passée la fâcheuse échéance électorale. Ainsi aurait-on affaire à un nouveau genre de loi, une loi soudain dite « de trajectoire », à vertu essentiellement « pédagogique ».
Au Poing, et pas qu’au Poing, on se gondole. Mais au Poing particulièrement. Car tout.e journaliste du Poing a, tristement, eu beaucoup trop d’occasions de se rendre dans les prétoires, assister à des procès intentés à des camarades de lutte, incriminés pour leurs actions de lutte. Dans pareils cas, ils n’ont cessé d’entendre un autre mantra, martelé par les magistrats cette fois : « Il n’y a pas place ici pour un débat politique. On s’en tiendra à juger en droit s’il y a infraction au regard de la loi, et dès lors comment la sanctionner ». La loi. Rien que la loi.
Alors qu’on venait juste de traiter du cas de conducteurs sous l’emprise de stupéfiants et autres ramasseur sans autorisation de pignes de pins dans les sous-bois – authentique au tribunal de Montpellier – cette rhétorique de la loi absolue, neutre et intangible, vide de sens politique, a atteint des sommets d’absurdité assourdissante au moment d’inquiéter un militant soutien de la cause palestinienne. Par exemple.
Pure fiction ! Toute pensée un rien anticapitaliste pose que la loi découle d’un compromis entre intérêts divergents, découlant ainsi d’un rapport de force dans le champ des relations sociales. A ce titre, la loi ne peut être perçue que traversée de tenants et aboutissants politiques. Il va sans dire que l’arbitrage des rapports de force, généralement soldé en faveur des possédants, des dominants, les lois qui en découlent, et les fonctionnements de l’institution judiciaire, qui les aggravent, ne sont que très rarement favorables aux plus démunis, comme à ceux qui contestent cet ordre établi.
Selon que vous soyez puissants et misérables… Tous les petits écoliers apprennent une vieille fable de La Fontaine qui en dit déjà pas mal, sans qu’ils soient encore devenus d’horribles gauchistes irrespectueux des lois, pour en être venus à Marx ou à Bakounine. A propos d’écoliers, tiens, parlons de cet enseignant, Michaël Delafosse, qui de son ton si lénifiant, comme s’il s’adressait imperturbablement à une classe de collégiens pas très finauds, en appelle, en toutes choses, à la pure rigueur de la loi, contre tous les dangers qui rôdent, dont heureusement il saura nous protéger. « Je ne lâcherai rien, je ne cèderai pas ». Autre mantra. Et coup de menton.
Mais dans un prétoire où on leur servirait la litanie de “la loi, rien que la loi”, du “droit, rien que le droit”, on se réjouirait presque que des prévenus puissent dorénavant objecter : « Ah mais non, vous avez vu le maire de Montpellier ? Il existe dorénavant des lois, qu’on peut enfreindre, sans aucune crainte d’être sanctionné ». Puisque cela arrange. Politiquement.
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