Camp Climat Hérault : « Pensons global, les éco-gestes ne nous sauveront pas »
Que les malchanceuses et malchanceux n’ayant pu se rendre le week-end dernier à ZADenVIES à Notre Dame-Des Landes, se rassurent de n’avoir tâté le temps du pays nantais : ce dernier s’était invité sur l’Hérault et n’a pas épargné le “Camp Climat” qui se tenait ce week-end. Organisé par les groupes Alternatiba et ANV-COP21 de Béziers, Montpellier et Sète, le Camp Climat a été accueilli par l’équipe municipale de Montbazin fraîchement élue. La commune de Montbazin, sous ses airs de zone dortoir des agglomérations de Sète et Montpellier, serait-elle devenue une zone expérimentale à observer ?
Des camps climat, pour quoi faire ?
Les “Camps Climat” organisés par Les Amis de la Terre, Alternatiba et ANV COP21 depuis 2016, affichent pour vocation de poursuivre la montée en puissance du mouvement climat à travers des temps de formations, d’échanges et d’expériences concrètes de gestion commune. Après trois éditions “nationales”, l’édition 2020 s’est mutée sous forme régionale. Un format mieux adapté aux contraintes sanitaires et dont ne se plaindra pas une des participantes confiant : “Tant mieux que ce soit régional, je n’aurais jamais pu aller jusqu’en Alsace autrement !”. (Kingersheim, en Alsace accueillait l’édition 2019).
Le Camp Climat Hérault faisait donc partie de la vingtaine de camps tenus cet été sur le territoire. L’autrice de ces lignes, investie, entre autre, dans ce mouvement, y était.
Le colibri, espèce envahissante non protégée
Si l’équipe organisatrice assure que le camp est ouvert à tous·tes, de l’activiste chevronné·e à celui ou celle ne sachant pas encore par où commencer, il est une ligne sur laquelle chacun·e semblait s’accorder : les éco-gestes ne nous sauveront pas.
On s’étonnera d’ailleurs – agréablement – du discours tenu lors de la conférence “Climat-Biodiversité” animé par Aurélien Daloz, adjoint au maire de Montbazin aux questions environnementales et Valérian Tabard, salarié de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) Hérault. Nul besoin de s’attrister sur le sort des lointains ours polaires pour constater l’avancée sur le vivant du néo-libéralisme mortifère, nous disent en quelques mots les conférenciers. “Cette année la pie-grièche à poitrine rose n’est plus”, explique l’un des deux hommes. L’Hérault abritait le dernier spécimen de cette espèce qui, faute d’habitat favorable le long de sa route de migration nous tire sa révérence. Pour autant, il n’est pas question pour la LPO de faire sa B.A. en accrochant à son roseau à plumes d’Amérique du Sud répertorié comme espèce exotique envahissante] une boule de graisse, recelant bien souvent du bœuf nourris aux OGM, de l’autre côté du globe. “S’il y a des gestes à faire chez soi, ce n’est pas à la façon du colibri qui fait sa part dans son coin mais en les faisant commun avec son voisinage, sa commune” qu’ils auront peut-être une chance d’être utile, assène le représentant de la LPO.
“Laisser des ouvertures entre les clôtures des jardins pour favoriser la continuité de la biodiversité”, par exemple. Encore faut-il en posséder un, de jardin. De ce geste impossible au constat qu’une métropole écologique ne peut exister il n’y a qu’un pas. Zone urbaine ou campagne, nombreux thèmes de ce camp climat auront également porté sur le travail démocratique.
De la préfecture aux habitant·es, démocratie et violence
“En fait, au départ on n’avait pas du tout l’intention d’aller aux municipales. On voulait juste pousser nos propositions aux listes que se présenteraient. Quand on a vu qu’il n’y en avait qu’une, avec les mêmes qu’avant, on c’est dit : on doit y aller ! Alors on a écrit un programme mais le problème c’est que personne ne voulait être tête de liste ! Un jour Josian [Ribes, actuel maire de Montbazin] s’est pointé à nos réunions, on l’a choisit pour y aller” nous glisse un des élu·es au détour d’une conversation. Un maire syndiqué à F.O. et qui lors de son discours de remerciement évoquera la justice sociale avant le climat.
Ce que choisit la nouvelle équipe, d’après ses dires, c’est une consultation permanente de la population, un refus de vouloir faire grossir à tout prix le foncier de la commune mais plutôt de préserver et faire vivre ce qui est déjà là, par exemple avec l’accueil du Camp Climat régional. Ce qui n’empêchera pas certain·es habitant·es du village de grincer des dents à la vue des écolos débarquant dans leur paisible bourg.
En parlant de dents, Jacques Witkowski, préfet de l’Hérault, n’aura pas desserré les siennes tout au long du week-end. Exerçant une pression sans relâche pour faire annuler l’événement malgré un protocole Covid et des élu·es tenant leur cap face aux appels de la préfecture, il imposera tout de même l’annulation du concert prévu le samedi et du “café buvette détente”.
Et lorsque les habitant·es ne sont pas écouté·es par leurs élu·es, que les instances étatiques, préfectures en tête, écrasent les revendications de leurs administré·es, ce que choisit ANV COP-21 c’est l’action non violente. Deux formations étaient proposées sur le week end, des formations qui, assez étonnement, étaient loin de faire le plein. Le camp recelait-t-il seulement des activistes déjà formé·es ? Le cas échéant il serait sans doute précieux d’en comprendre la raison.
Une “violence” sur toutes les lèvres. De celles des participant·es, conférant parfois aux actions de désobéissances un caractère violent, à cause “des risques de répression policière”, jusqu’à celles des journalistes de France 3 Région venus là faire un reportage et ne pouvant réprimer leur envie de demander l’avis de la première venue sur la supposée montée de la “violence et de la délinquance” dans la société. C’était sans compter sur la réponse des interrogé·es rebondissant derechef sur la violence de l’Etat et son bras armé policier. Des propos qui seront coupés au montage.
Energie. La quête du vert.
Si certains mouvements écolos évitent dorénavant de condamner l’atome au nom d’une supposée neutralité carbone, un tour à la conférence “Climat et Nucléaire” leur pointerait pourtant l’incohérence totale à allier le vert et l’uranium. “Gestion des déchets impossible, et au-delà, même si on faisait le choix du tout nucléaire, puisqu’il faut plus de dix ans pour construire une centrale, comment pourrait-on répondre à l’urgence climatique par des chantiers aussi lents ? Sans compter le danger que représente une énergie représentant pourtant moins de 17% de l’énergie utilisée en France. Bref, le climat n’aime pas le nucléaire” conclura Arrêt du Nucléaire 34.
Mais alors, où se cache donc l’énergie verte ? Enercoop, fournisseur d’électricité d’origine renouvelable, animait l’atelier “Les énergies renouvelables en questions”. Et ce n’est pas son représentant du jour, le directeur d’Enercoop Languedoc Roussillon, qui cherchera à faire passer ces dernières plus vertes que nature. “Il faut dissocier renouvelable et écologique” nous expliquera-t-il d’entrée de jeu. L’entreprise se targue dans sa communication d’être “100% verte”. Dans la pratique, c’est plutôt 50% de capitalisme et 50% d’écologie. Du capitalisme vert en somme, et le problème n’est pas la couleur. “Il faut travailler sur le moindre impact, choisir l’énergie la plus adaptée au besoin” ajoute-t-il. Mais comment travailler sur le “moindre impact” quand le gouvernement annonce une diminution de la part du nucléaire dans la consommation globale alors qu’il ne prévoit aucune fermeture de centrale ?
Cantine populaire, monnaie locale, échanges, bénévolat nécessaire de toutes et tous les participants. Gageons que si le Camp n’a pas sauvé le Climat, ses participant·es auront, dans tous les cas, fait vivre trois jours durant une alternative, comme un ilot supplémentaire à l’archipel de résistance qu’il nous incombe en tant que part de nature, d’être et de défendre.
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