Carré de braves contre La loi Recherche et pour le déconfinement étudiant

Le Poing Publié le 10 décembre 2020 à 16:34 (mis à jour le 10 décembre 2020 à 16:39)
Crédits photo : Eléa Voltairine

La situation de nombreux étudiants est devenue désastreuse avec le Covid. On en parlait ce jeudi, dans la manif qui dénonçait par ailleurs la nouvelle loi de programmation de la recherche.

À Montpellier en ce moment, la plateforme Uber ne donne pas suite aux demandes de candidats livreurs qui se présentent. C’est ce qu’a appris Noémie. Pour elle, c’est encore un signe supplémentaire du niveau de détresse atteint parmi la population estudiantine soumise au confinement. Noémie rappelle qu’en temps normal, les statistiques officielles constatent qu’un.e étudiant.e sur deux doit travailler pour subvenir à ses besoins. « Et encore, sans parler du black » souligne-t-elle.

Beaucoup de ces postes de travail, dans la restauration, le commerce, ou le culturel, ont disparu ces derniers mois. « En revanche, pour les bourses, il n’y aura pas d’année blanche ». Tant pis pour ceu.lles qui resteront sur le carreau à l’issue d’une année universitaire pourrie. C’est que les conditions d’enseignement elles-mêmes ont un effet, ravageur d’une autre façon, sur les étudiant.es.

Jean-Luc (prénom modifié) est en section arts plastiques à l’Université Paul Valéry : « toute ma classe part en vrille. On est dans un domaine où la relation directe avec le prof, et aussi le travail d’atelier, sont essentiels. Là, c’est la crise totale, avec un ressentiment très profond qui s’est installé contre les enseignants et l’administration. Tout est déréglé, certains ne donnent plus signe de vie, là un autre demande aujourd’hui un dossier de quatre pages pour demain, on ne peut plus parler, on ne peut plus rien arranger ».

Jean-Luc avoue que sa vie s’est totalement déréglée,  qu’il reste réveilllé parfois toute la nuit, se sent épuisé, a perdu toute régularité alimentaire. Cela n’a rien d’un cas isolé. Avec sa vision de syndicaliste (chez Solidaires), Noémie déplore qu’un « objectif de soit disant continuité pédagogique a été mis en place, qui signifie en fait qu’on maintient surtout le diplôme, avec toute l’idéologie de performance et de compétition qui va avec. Mais la continuité pédagogique effective, qui aiderait les étudiant.es, elle ne suit pas. Epuisée par des années de politique austéritaire, l’université est à genoux. Elle n’a pas les personnels, les locaux ».

Souvent très isolés, n’arrivant pas à réinventer leurs rythmes de travail, les étudiant.es subissent un système où « certains enseignants essaient de justifier qu’ils sont sur le pont en multipliant les devoirs et les notes, d’autres bombardent de Pdf en quantité que tu peux pas digérer, d’autres encore se volatilisent et ne donnent plus signe de vie ». Sans parler des cours en distanciel, souvent chaotiques. « Les étudiants supportent cette situation très dégradée, au nom du confinement, mais quand ils sortent dans la rue, ils voient bien que l’essentiel de la vie sociale a l’air de se poursuivre tout à fait normalement ». C’est comme si un mauvais traitement partculier leur était réservé.

Pour sûr, c’est très différent de ce qui se passe dans les filières supérieures privées, où se reproduit la caste dominante, non sans aligner des sommes conséquentes, si bien que « ces écoles, elles, sont autorisées à continuer en présentiel à 100 % » relève Thierry Guillet, professeur de physique à l’Université des sciences, et syndicaliste Snesup. Cherchez l’erreur, quand le secteur public ne parvient plus à honorer ses missions… Cela tandis que les règles en la matière sont d’une disparité ahurissante et incompréhensible : « Les classes d’élite des prépas tournent aussi à 100 % » relève encore le syndicaliste, mais les lycées en 50 % alterné. Et enfin les facs, à 0 %, hormis les TD, autorisés à la discrétion de la rectrice, sans qu’on ait réussi à en percer les critères.

La levée du confinement universitaire dès la rentrée était donc l’un des deux objectifs de la manifestation convoquée ce jeudi à midi devant la Fac des sciences. Cela à quelques heures à peine des nouvelles dispositions attendues du discours de Jean Castex, qui ne laissait présager rien de vous. Un petit cortège (soixante-dix manifestants) s’est ébranlé en direction de la Préfecture ; soit une longue marche, par temps de crachin glacial.

On a connu des atmosphères combattives plus réjouissantes. Cela d’autant que l’autre objectif du jour était de dénoncer, toujours et encore, la nouvelle Loi de programmation de la recherche. Mais cela alors qu’elle est actée définitivement au niveau du parlement. Quelques rares espoirs subsistent, à propos de quelques marges d’opportunité infimes : certain.es évoquent les retenues de notes et autres rétentions administratives comme moyen de lutte au long cours.

D’autres se souviennent du cas, très théorique, du retrait du CPE déjà adopté – mais continuant de jeter deux millions dans la rue. Ou encore, faut-il croire en quelques sursauts au moment de la promulgation des décrets d’application : « C’est un moment où la loi devient concrète et poussent des gens à réagir. Cela s’était vu pour la LRU, où le gouvernement avait du reculer sur la mise en œuvre des volumes de répartition d’horaires entre enseignement et recherche » note Alban Desoutter, de FO.

Reste que l’université n’est pas l’armée : « Nous continuons d’y jouir d’une part appréciable d’autonomie, et une fois sur le terrain, nous pouvons influencer de manière substantielle la façon dont la loi est interprétée pour sa mise en œuvre dans les faits » veut se rassurer Thierry Guillet. Même avec une atmopshère collante de défaite, « c’est pour cela qu’il est important de rappeler, aujourd’hui encore, certains points d’éthique fondamentale, c’est précieux à l’égard de la communauté universitaire » poursuit le syndicaliste du Snesup.

Dans ce registre, au Poing, on aimerait que soit particulièrement retenu le slogan qui veut « des facs fermées aux intérêts privés, ouvertes aux enfants d’ouvriers ».

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