Covid-19 : 20% des masques fabriqués par les détenus sont réservés au ministère de l’Intérieur

Le Poing Publié le 2 avril 2020 à 14:53 (mis à jour le 16 février 2021 à 00:24)
Photo de l'école nationale d'administration pénitentiaire

Depuis lundi dernier, des détenu·e·s d’Arles, Moulin, Rennes et Val-de-Reuil fabriquent des masques. Les ateliers des prisons de Saint-Martin-de-Ré, Valence, Muret et Châteauroux devraient également bientôt s’y mettre. L’objectif est bien évidemment de pallier à la pénurie de masques pour lutter contre la pandémie de covid-19, qui a déjà tué un surveillant d’Orléans-Saran et un détenu de Fresnes.

Aucun masque pour les prisonniers

Le secrétaire général adjoint du syndicat FO-Pénitentiaire, Yoan Karar, affirme au Poing que « 80% des masques produits seront distribués au ministère de la santé, et 20% au ministère de l’intérieur » (notamment pour les surveillants pénitentiaires et les agents de la protection judiciaire de la jeunesse). Aucune distribution n’est prévue pour la population carcérale, bien que les prisonniers se soient mobilisés dans 44 établissements depuis l’annonce du confinement, notamment pour dénoncer l’absence de mesures sanitaires.

Au total, on compterait 140 détenus mobilisés pour la production de masques, tous volontaires et payés, selon Albin Heuman, directeur de l’agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. « C’est un geste citoyen, civique » se félicite Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Pénitentiaire, le même qui retweetait récemment un communiqué de son syndicat enjoignant les autorités à « arrêter de se soucier du bien-être des détenus ». Le caractère « volontaire » du travail est discutable, les réductions supplémentaires de peine n’étant accordées qu’aux détenus manifestant « des efforts sérieux de réadaptation sociale pendant l’exécution de sa peine ». Et quoi de mieux qu’un travail répétitif et payé une misère pour se « réadapter » ? En prison, les contrats de travail n’existent pas, et les détenus ne bénéficient ni de la protection sociale ni de la médecine du travail. La rémunération oscille entre 2,03 et 4,57 euros brut de l’heure ; « en théorie, car la norme, dans les ateliers de production, demeure la rémunération à la pièce » souligne l’observatoire international des prisons. Parler d’un travail « payé » sans évoquer cette misérable rémunération est pour le moins trompeur.

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