De Montpellier à Lodève, nouvelle journée de mobilisations agricoles dans l’Hérault
Un peu plus de 200 personnes se sont réunies au parc du Peyrou, à Montpellier, à l’appel de la Confédération Paysanne ce jeudi 1er février. Ils étaient une grosse centaine devant la sous-préfecture de Lodève, avec leurs tracteurs, pour continuer de porter leurs revendications
Scène inhabituelle, ce jeudi 1er février, dans les rues de Montpellier : un troupeau de brebis, encadré par des bergers remonte depuis le parking des Arceaux pour aller s’installer sur le parc du Peyrou. “On est pas là pour faire une ferme pédagogique”, tranche Nicolas Vitou, éleveur de taureaux de Camargue à Castries et syndiqué à la Confédération paysanne. “On est là pour porter les mêmes revendications qu’on porte depuis trente ans, c’est à dire sortir de la mondialisation et des traités de libre-échange.”
Nicolas Vitou dénonce, comme beaucoup d’agriculteurs “les contraintes administratives et la multiplication des normes et des contrôles”, ainsi qu’un manque de revenus.
Il a participé aux actions et à la manifestation de la semaine dernière, organisées par la FNSEA “par soutien pour les paysans qui composent leurs rangs et pour les non-syndiqués présents”, tout en étant en ferme désaccord avec la direction du syndicat majoritaire de sa profession. “C’est eux qui sont responsable de notre situation”, tempête-il. “Ils ont été solidaires d’un modèle économique qui ne fonctionne pas.” Il exprime aujourd’hui un ras le bol : “Là, c’est les brebis. Mais si on n’est pas écoutés, on va finir par lâcher des taureaux dans Montpellier…”
Philippe, apiculteur aveyronnais, est descendu avec sa tenue et son enfumoir. Le dérèglement climatique en cours, et les néonicotinoïdes sont ses principales préoccupations. “Nous on le voit, on prend tout ça de plein fouet dans la gueule. On nous enferme dans le système capitaliste qui fait que même mes voisins me bombardent de pesticides, parce qu’ils n’ont pas le choix si ils veulent du rendement. Même dans ma formation, on nous disait qu’on était pas des paysans mais des entrepreneurs du monde agricole, on nous plonge à marche forcé dans ce système qui détruit tout…”
De son côté, Amandine Mallande, porte-parole régionale de la Confédération paysanne et éleveuse laitière, explique : “Certaines de nos revendications avec la FNSEA sont communes, comme le fait de dire qu’il y a trop de normes administratives. Mais on insiste sur la régulation des prix avec des prix planchers, et la fin des accords de libre-échange.”
Lundi soir, son syndicat était en réunion avec la CGT et le Modef, autre syndicat agricole (dont le représentant local a donné un entretien au Poing dans la semaine) : “Le plan, c’est de se mettre ensemble, et de créer une alliance entre paysans, salariés et ouvriers, car tout le monde crève de faim !”
Un propos également appuyé par Serge Ragazzacci, figure locale de la CGT également présent au rassemblement : “Nous notre combat, c’est l’augmentation des salaires et des pensions. Si les salaires sont trop bas, les gens ne peuvent plus acheter les produits des agriculteurs, et tout le monde y perd. On mêne actuellement un combat pour l’augmentation des salaires des ouvriers agricoles et des salariés de l’agro-alimentaire. Chacun lutte dans son domaine et c’est complémentaire.”
Dans l’assemblée, réunie au par du Peyrou, 200 personnes sont présentes, dont beaucoup de militants du mouvement social montpelliérain. Une mobilisation bien en deçà de celle de la semaine dernière.
Vers midi, une délégation de la Confédération Paysanne est parti rencontrer le préfet de l’Hérault. Ses soutiens ont été bloqués par un cordons de CRS pour leur empêcher d’accéder à la préfecture.
100 personnes à Lodève
Du côté de Lodève, 100 personnes ont fait le déplacement avec leurs tracteurs devant la sous préfecture, dans une ambiance bon enfant. Soudain, un petit groupe se détache, l’agence du crédit agricole leur offre le café devant ses locaux. Un agriculteur commente “ils pourraient nous offrir les taux d’intérêt à place”, provoquant des rires dans l’assemblée.
Parmi les manifestants, il y a Jacques, 70 ans, arboriculteur à la retraite : “J’ai travaillé toute ma vie depuis que je suis petit, sans compter mais heures. Maintenant je touche 790 euros de retraite. Vous pensez que je me repose ? Non, je continue à travailler sur mes arbres parce que j’ai pas envie de vivre n’importe comment. Et là je vais devoir arracher mes cerisiers, on nous a interdit le seul produit qui marche contre la mouche des cerisiers.” Selon lui, la solution est de ”tout bloquer, les centrales d’achat, les supermarchés, Rungis, y’a que ça pour se faire entendre dans ce pays. Sans casser par contre.”
Un agriculteur conventionné témoigne également de son désarroi : “Quand tu commences dans le métier, tu te dis que tu vas nourrir les gens, ou produire du vin pour eux dans mon cas. Mais avec leurs histoires de marché, tu sais pas ce qui va arriver a ta production, si ça va finir a l’autre bout du monde au détriment d’autres personnes, ou au fond d’une benne. On y comprend plus rien, on maîtrise plus rien.” Un autre encore, se désole de ne plus pouvoir payer sa salariée, faute de moyens.
Reçus par la préfecture, les agriculteurs ont élaboré un cahier de doléances : ils dénoncent la problématique du loup et des sanglier et la mauvaise gestion de ceux-ci, les charges trop élevées, notamment sur l’électricité, et clament que ce sont eux les écolos, “pas les bureaucrates”.
Ce matin à Nîmes. un blocage filtrant sur rond-point a eu lieu à l’initiative de la Confédération paysanne, le Modef, des apiculteurs et des gilets jaunes. Puis ils ont mené une action à Carrefour hyper pour virer les pots de miel étranger, coller des autocollants, et scander “Gabriel Attal nous on craint que dalle parce qu’on a vraiment la dalle”, et ont tenté de bloquer les caisses et sortir caddies sans succès… Les jeunes agriculteurs sont ensuite arriver pour bloquer le magasin avec des branches et des palettes.
Les différents syndicats restent actuellement vigilents, et sont prêts à mobiliser encore si leurs revendications ne sont pas entendues.
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